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Nos travaux publiés dans le journal PLoS One constituent une découverte majeure quant au rôle de l isoforme Nav dans l adressage des sous-unités du canal sodique cardiaque Nav1.5. En effet, par différentes approches expérimentales, nous démontrons que les mutants R1432G Nav1.5 interfèrent avec le transport membranaire des canaux sauvages via une interaction physique dépendante de la présence de la sous-unité auxiliaire .

Jusqu à très récemment, les sous-unités des canaux sodiques n étaient pas connues pour s associer entre elles et encore moins pour s oligomériser. Néanmoins, des données de FRET (pour Fluorescence Resonance Energy Transfert) ainsi que des expériences de restauration de mutants Nav1.5 par des polymorphismes SCN5A sont venues depuis quelques années soutenir cette hypothèse. L équipe d )sabelle Deschênes s est plus précisément intéressée au polymorphisme H558R et à sa capacité à corriger le défaut d adressage de plusieurs canaux sodiques cardiaques (Poelzing et al., 2006 ; Shinlapawittayatorn et al., 2011). Leurs travaux suggèrent que les canaux sauvages, mais porteurs de ce polymorphisme, pouvaient restaurer le mutant R282H via une interaction hétérotypique se produisant précocement dans le processus d adressage membranaire de ces canaux. Ces auteurs ont par la suite confirmé l aptitude de petits fragments peptidiques contenant ce polymorphisme à restaurer l adressage de plusieurs canaux mutés fonctionnels à la membrane de cellules HEK293, cela et de façon intéressante, sans surexprimer la sous-unité . Ces résultats suggèrent que l effet du polymorphisme H558R passerait par la correction du repliement de ces mutants, et ce

soit via une interaction directe ou soit par le recrutement d une protéine chaperone (Shinlapawittayatorn et al., 2011). Plus récemment, une autre étude a confirmé nos données en observant, en présence de la sous-unité , un effet dominant négatif exercé par deux mutants présentant un défaut d adressage (Nunez et al., 2013). Ces auteurs ont par ailleurs décrit l effet correcteur d un des mutants D N sur les propriétés biophysiques ainsi que l adressage de l autre G D , suggérant que l interaction entre les sous-unités pouvait soit favoriser, soit perturber le repliement et l adressage de ces canaux Nav1.5.

Quant au rôle de la sous-unité dans ce processus d association - , il existe à ce jour très peu de données sur son interaction avec les canaux Nav1.5. De même, ses effets sur leurs propriétés biophysiques restent controversés selon le contexte cellulaire considéré. Une autre équipe (Clatot et al., 2012) a également montré une interaction existant entre les sous-unités dans des cellules (EK mais, contrairement à nos travaux, sans co-exprimer la sous-unité . Nos résultats démontrent clairement l effet modulateur de cette sous-unité sur l association - de Nav1.5, que ce soit par les expériences de co-immunoprécipitation ou par les approches biochimiques et fonctionnelles. Nous pouvons avancer l hypothèse que des sous-unités seraient exprimées de manière endogène dans leur lignée cellulaire, comme cela a pu être montré auparavant (Moran et al., 2000 ; Valdivia et al., 2010). Le rôle fonctionnel de la sous-unité régulatrice dans l interaction des canaux Nav1.5 pourrait être confirmé via l extinction génique de SCN1B dans une lignée d origine cardiaque telle que les myocytes ( c exprimant de manière endogène l isoforme (Baroni et al., 2013).

L équipe de Zimmer s est tout particulièrement intéressée à la sous-unité et à l effet de sa co-expression sur l adressage des sous-unités dans les cellules (EK (Zimmer et al., 2002a ; Biskup et al., 2004). )l s est avéré que, contrairement à l isoforme

, la sous-unité était massivement co-localisée avec Nav1.5 dans le RE, et que cette association précoce, validée par une approche de FRET, favoriserait l expression de ces canaux à la membrane. Au regard de nos propres données, il est possible que la sous- unité soit un constituant central du complexe multimérique comprenant deux ou plusieurs canaux Nav . , et cela dès l étape de repliement protéique qui a lieu dans le compartiment réticulaire. Par conséquent, dans le cas du mutant R1432G, cette

interaction serait délétère et préviendrait le départ des canaux sauvages du RE vers la membrane.

Dans le cadre de notre étude sur la nouvelle mutation S910L, nous avons pu également apprécier l influence de la sous-unité auxiliaire. En présence de l isoforme , les canaux Nav . S L qui présentent un défaut partiel d adressage, altèrent la densité de courant INa global et déplacent vers des potentiels plus dépolarisés, le potentiel de demi-activation des canaux sauvages co-exprimés. Nous montrons que, comme dans le cas de R G, cet effet dominant négatif est aboli en l absence de la sous-unité régulatrice. Les canaux S L ont la propriété de moduler l activation à l état stable des canaux sauvages selon un processus -dépendant. Cela suggère (i) que les sous-unités s associeraient à la membrane, leurs propriétés biophysiques étant alors interdépendantes ou (ii) que leur interaction réticulaire modifierait leurs repliement et/ou maturation protéiques respectifs aboutissant à une conformation non native des protéines sauvages.

Dans le cas des canaux calciques Cav2.1 et Cav3.2, une étude a démontré l existence d une interaction Cav-Cav indépendante de la présence des sous-unités Cav et se produisant dans le RE (Mezghrani et al., 2008). D autre part, une étude menée très récemment sur des cardiomyocytes ventriculaires murins, suggère que les canaux Cav1.2 se trouveraient sous forme d oligomères à la membrane sarcolemmique (Dixon et al., 2012).

Ainsi savoir si l interaction - des canaux sodiques se produit uniquement dans les compartiments intracellulaires comme le RE, ou si elle est également maintenue à la surface cellulaire, reste le point majeur de ce travail à élucider. Réitérer les expériences de co-immunoprécipitation après biotinylation des protéines de surface permettrait de discriminer les complexes - persistant à la membrane de ceux se mettant en place dans le RE.

De plus, une étude approfondie portant sur les autres canaux Nav1 et leurs sous- unités est à envisager afin de déterminer s il s agit d un phénomène spécifique à certaines isoformes et si le contexte cellulaire conditionne l association de certains ‡GSC. Au regard des résultats obtenus dans notre étude, nous pouvons poser les hypothèses suivantes. Est-ce que les effets connus des sous-unités sur les canaux VGSC passent par la formation d un complexe oligomérique formé de plusieurs et ? Ou s agit-il d un

effet modulateur direct via une simple interaction - ? Quant aux mutations SCN1B associées au BrS (Watanabe et al., 2008), leur effet délétère observé sur les propriétés des canaux Nav1.5 dépendrait-il de la mise en place de tels complexes ?

Importance de la maturation des canaux Na

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1.5 par N-glycosylation

Lors de la caractérisation des effets dominants négatifs exercés par R1432G, L325R et S910L, les expériences de biotinylation de surface ont montré que ces trois mutants bien que présentant un défaut d adressage, étaient néanmoins tous présents à la membrane sous une forme faiblement glycosylée. Le taux d expression membranaire de cette forme « immature » de Nav1.5 reste quasiment inchangé dans nos différentes conditions de transfection. Au contraire, les canaux présentant un état fortement N-glycosylé, sont restreints aux compartiments intracellulaires dans le cas des protéines mutées seules ou co-exprimées avec les formes sauvages. Nos données obtenues en patch-clamp suggèrent que ces formes « matures » de Nav1.5, largement exprimées dans le tissu natif cardiaque humain, correspondraient à des canaux fonctionnels. C est pourquoi nos travaux actuels visent à identifier la nature des N-glycanes différant entre les formes « matures » et « immatures » et cela dans le but d appréhender leur rôle dans la fonctionnalité des canaux sodiques cardiaques.

D autre part, bien que plusieurs études aient détecté un profil d expression des canaux Nav1.5 en western-blot sous la forme d un signal à « deux bandes », la nature de ces états de maturation n a jamais été analysée (Tfelt-Hansen et al., 2009 ; Ruan et al., 2010 ; Brisson et al., 2011). Les résultats de digestion des N-glycanes par la PNGase et l Endo ( suggèrent que deux états distincts de N-glycosylation seraient successivement acquis durant le processus d adressage entre le RE et le trans-Golgi. En considérant les résultats obtenus en traitant les cellules avec la bréfeldine A, nous ne pouvons conclure précisément quant au compartiment o‘ l état glycosylé « mature » est adopté par les canaux Nav . . En effet, bien que l effet majeur de la bréfeldine A soit le désassemblage du Golgi, la redistribution d enzymes résidentes golgiennes dont des glycosyltransférases, vers le RE a également été rapportée (Doms et al., 1989 ; Lemos- Chiarandini et al., 1992). C est pourquoi il serait intéressant de tester un panel d endoglycosidases spécifiques à certaines modifications des N-glycanes, et cela afin d identifier le compartiment golgien o‘ la maturation est finalisée. Cette perspective est

d autant plus importante que le mutant R G qui est retenu dans le RE, présente cet état de maturation. Il est possible, comme dans le cas du mutant ΔF -CFTR, que certaines protéines mal conformées puissent être adressées au compartiment golgien

via la voie classique d adressage antérograde, avant d être réenvoyées vers le RE par un

transport vésiculaire rétrograde (Bannykh et al., 2000 ; Namkung et al., 2005). Cette théorie d échappement au contrôle qualité réticulaire reste hypothétique et devra être validée.

Néanmoins, nos données montrent clairement que les formes « matures » et « immatures » des canaux Nav . emprunteraient des voies d adressage bien distinctes. Les canaux transitant par le Golgi, y subiraient les étapes finales de N-glycosylation avant d atteindre la membrane via la voie classique d adressage. Quant aux canaux « immatures », ils parviendraient à la surface cellulaire via une voie non conventionnelle.

Il faut savoir que, dans les cellules eucaryotes, les protéines solubles et transmembranaires peuvent atteindre la membrane plasmique en empruntant des voies alternatives de transport regroupées sous le nom de « voie de sécrétion non conventionnelle ». Il existe plusieurs types de mécanismes impliquant des translocations transmembranaires ou via des transporteurs ABC (ATP Binding Cassette), ou encore des vésicules et compartiments intermédiaires liés aux voies endosomales, lysosomales et autophagiques (Rabouille et al., 2012). Le cas du transport du canal CFTR a été particulièrement étudié, le mutant ΔF -CFTR et les formes sauvages empruntant plusieurs de ces voies (Bannykh et al., 2000 ; Yoo et al., 2002 ; Gee et al., 2011). Ainsi, les protéines CFTR mutées ou sauvages pourraient quitter le compartiment réticulaire pour migrer vers le compartiment trans-golgien et/ou endosomal avant d être, soit transportées à la membrane, soit recyclées vers le RE (Yoo et al., 2002). Un tel mécanisme de transport semble peu probable pour Nav1.5, la transition via le trans-golgi impliquant nécessairement des modifications des N-glycosylations, ce qui n est pas le cas pour les canaux « immatures ». )l s agirait donc plus vraisemblablement d un transport n impliquant pas le compartiment golgien mais qui pourrait être dépendant des protéines GRASP (pour Golgi ReAssembly Stacking Proteins), comme cela a pu être décrit pour CFTR (Gee et al., 2011).

La caractérisation de l adressage des canaux sodiques Nav1.5 nécessite des études supplémentaires. La priorité est d identifier les N-glycanes portés par ces canaux afin (i) d établir par quels compartiments transitent ces protéines en fonction de la voie d adressage empruntée, ii de définir le rôle de ces sucres sur la fonction et notamment la conductance des canaux Nav1.5, (iii) de développer des stratégies de réadressage spécifiques aux protéines mutées et matures.

Quelques interrogations méritent d être posées. La présence des formes immatures de Nav1.5 est-elle liée au modèle d expression hétérologue utilisé ? Etudier l adressage de ces canaux dans un modèle natif permettrait d éliminer le biais dû à la surexpression protéique, qui pourrait déclencher des mécanismes d adaptation non physiologiques. Et si, effectivement, les canaux sodiques cardiaques empruntaient cette voie non conventionnelle sous leur forme immature, quelles seraient les conséquences de leur présence à la membrane ? Seraient-ils capables de former des complexes - et d interagir avec les sous-unités auxiliaires et autres protéines partenaires ?

Canaux Na

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1.5 : stabilité vs dégradation

L étude de l effet dominant négatif exercé par le mutant R1432G nous a conduits à investiguer l implication potentielle des différentes voies protéolytiques cellulaires.

Etant donné que les canaux Nav1.5 mutants sont localisés dans le compartiment réticulaire, les formes sauvages co-exprimées qui n atteignent pas la membrane sont probablement retenues au niveau des mêmes sites. Or, l accumulation de protéines mal conformées dans le RE, si elles ne sont pas dégradées via la voie ERAD, aboutit nécessairement à une agrégation protéique jusqu à déclencher la réponse UPR. L inhibition du protéasome S par le MG a permis de détecter une dégradation constante des canaux Nav . qu ils soient mutés, sauvages ou que les deux formes soient co-exprimées. Cependant, et d une manière générale, nos données suggèrent que la sous-unité aurait un rôle protecteur sur la dégradation protéasomale des canaux sodiques cardiaques qu ils soient mal conformés ou qu ils aient atteint leur conformation native. De plus, nous avons découvert que la voie PERK, qui est une des branches de la réponse UPR, était activée, et cela indépendamment de la présence de R1432G et uniquement dans les conditions de transfection où la sous-unité était absente.

L ensemble de ces résultats suggèrent que l isoforme pourrait agir comme une chaperonne vis-à-vis des canaux Nav1.5 prévenant ainsi leur agrégation ainsi que leur dégradation. Cette notion est déjà admise pour des canaux potassiques Kv et calciques Cav quant au rôle de leurs propres sous-unités régulatrices respectives Kv et Cav dans les processus d adressage et de dégradation (Shi et al., 1996 ; Waithe et al., 2011 ; Kuryshev et al., 2001 ; Altier et al., 2011). D autre part, un effet régulateur de la sous- unité sodique a été décrit sur les canaux potassiques Kv4.2 (Marionneau et al., 2012a ; Nguyen et al., 2012). Bien que l isoforme sodique ait un rôle dans la stabilité des canaux Kv4.2 à la membrane, aucun rôle de chaperonne dans le compartiment réticulaire ne lui a été associé. Concernant l effet des sous-unités sodiques sur les ‡GSC, les seules données suggérant un rôle en tant que protéine chaperonne s appuient sur des corrections de défauts d adressage de mutants Nav1 (Valdivia et al., 2002a ; Rusconi et

al., 2007).

Ainsi, l hypothèse majeure résultant de ces travaux préliminaires, serait que la sous-unité pourrait « assister » les canaux VGSC dans leur repliement protéique, limitant ainsi la proportion de canaux mal conformés susceptibles d induire un stress réticulaire. Une des premières perspectives à envisager serait de caractériser le rôle des dans la prise en charge précoce des sous-unités . Cibler cette sous-unité, souvent qualifiée d « auxiliaire », permettrait d élaborer une nouvelle voie thérapeutique quant aux pathologies associées à des défauts de repliement des canaux sodiques et potassiques.

Bien que les canaux sodiques semblent emprunter la voie protéasomale, les mutants R G s accumulant dans le RE ne subissent aucune dégradation excessive via le système UPS. Alors que deviennent ces canaux retenus dans ce compartiment ? Pourquoi la réponse †PR n est pas déclenchée dans ces conditions ? Un élément de réponse peut être avancé au regard des travaux de l équipe de Zimmer (Zimmer et al., 2002b). En surexprimant des canaux Nav1.5 dans des cellules HEK293, cette équipe a constaté une morphologie particulière du RE directement corrélée à la présence de ces canaux. Ce compartiment serait capable de proliférer en accumulant des piles denses de membranes et en développant son réseau tubulaire. Ce processus qui ici semble lié au système de surexpression, a été également décrit chez la levure et dans des cellules d origine endothéliale et fibroblastique, dans le cadre d études sur la réponse †PR et la

voie ERAD (Sriburi et al., 2004 ; Bernales et al., 2006 ; Hu et al., 2006 ; Schuck et al., 2009). Ainsi, une telle adaptation permettrait aux cellules (i) de diminuer la concentration protéique en accroissant le volume réticulaire, (ii) de stocker les canaux dans des structures prolifératives périphériques, limitant ainsi l activation de la réponse †PR. Ces suppositions restent néanmoins à valider, notamment par l étude de la morphologie du compartiment réticulaire de cardiomyocytes natifs et surexprimant des canaux mal conformés.

Nos données supportent également l implication d une voie protéolytique autre que le système †PS. Les expériences d inhibition de la maturation endosomale et des protéases lysosomales par la bafilomycine A et la leupeptine, indiquent que les canaux sodiques sont des substrats du système lysosomal/autophagique. Néanmoins, leur dégradation semble limitée, qu il s agisse des canaux Nav1.5 sauvages ou mutants, suggérant que l effet dominant négatif exercé par R G ne s appuierait pas sur un processus protéolytique.

Il est établi à ce jour que les systèmes UPS et lysosome/autophagie sont étroitement liés, et qu un « dialogue » privilégié se mettrait en place lors d un stress réticulaire (Johansen & Lamark, 2011 ; Lyon et al., 2013). Si en inhibant la protéolyse lysosomale, nous n avons pas détecté de variations majeures du taux protéique de Nav1.5, il est possible que le système UPS ait pris en charge les protéines ciblées par cette voie. Or, la stratégie consistant à activer la voie autophagique par déprivation des cellules en acides aminés a, quant à elle, aboutit à des résultats plus encourageants. En effet, indépendamment de la présence de la sous-unité , les canaux mutants et sauvages co-exprimés semblent être plus sujets à la dégradation que les protéines sauvages seules. Il existerait donc une voie de dégradation spécifique à ces protéines mal conformées qui permettrait d évacuer les formes accumulées et agrégées du RE. Bien que ces résultats restent à confirmer, notamment en étudiant le devenir des mutants Nav . exprimés seuls, l implication du processus autophagique dans l homéostasie réticulaire mériterait d être évaluée.