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6.3 Radiosensibilisation de cellules tumorales avec des nanodiamants

6.3.3 Radiosensibilisation avec des nanodiamants

6.3.3.1 Intérêt des nanodiamants

Le concept de radiosensibilisaton à base de NPs est particulièrement prometteur et pourrait être adapté aux NDs. L’utilisation de NDs comme radiosensibilisants pour des traitements de radiothérapie à la place de ces NPs à base de métaux nobles ou de terres rares pourrait en effet permettre de surmonter les obstacles observés avec ces NPs tout en gardant une bonne efficacité. La génération de radicaux libres sous irradiation n’est pas limitée aux NPs métalliques puisque des NPs de silice ont récemment montré des propriétés similaires [276]. Plusieurs études ont aussi montré que les nanomatériaux car- bonés, en particulier les fullerènes, peuvent générer des radicaux libres sous irradiation [171, 277]. Pourtant leur application est limitée par leur faible dispersion dans l’eau. Des

6.3 Radiosensibilisation de cellules tumorales avec des nanodiamants

études équivalentes n’ont jamais été effectuées sur les NDs jusqu’à maintenant à notre connaissance. Au vu des résultats présentés dans les chapitres précédents, les NDs satis- font pourtant toutes les conditions pour ce type d’application :

– Densité atomique importante : Bien que les NDs soient constitués d’atomes de carbone ayant un numéro atomique proche des tissus biologiques, la densité d’atomes du cœur diamant des NDs, de l’ordre de 1.8 ×1023 atomes/cm3, est très

élevée comparée aux tissus sains. Cela implique donc une capacité d’absorption des photons incidents supérieure aux tissus biologiques. Ayant une petite taille avec un diamètre de l’ordre de 5 nm, la libération d’électrons secondaires provenant du volume entier des NDs à leur surface sera possible. Il y aura donc une libération d’électrons importantes en surface des NDs sous irradiation.

– Stabilité colloïdale : Nous avons montré que les NDs sont stables dans l’eau grâce à la présence de charges électrostatiques en surface liées à leur chimie de surface (chapitre 5). Les NDs-init, NDs-COOH, NDs-H et NDs-sp2 ont ainsi un potentiel

zêta élevé, en valeur absolue, permettant de garder de faibles tailles de dispersion même en milieu biologique comme montré par DLS (voir 6.1). Il n’est pas utile de fonctionnaliser la surface pour assurer la stabilité colloïdale, ce qui permet d’évi- ter l’atténuation des électrons générés par l’irradiation dans les NDs. Ces électrons peuvent donc être directement transmis aux molécules environnantes.

– Adsorption de molécules d’eau et d’oxygène : La formation de ROS à par- tir des électrons émis par les NDs passe par la proximité de molécules d’eau ou d’oxygène pouvant être converties en ROS. Nous avons vu dans le chapitre 4 que les molécules d’eau s’adsorbent effectivement bien sur les NDs. Pour les NDs oxy- dés (NDs-COOH), il s’agit essentiellement de molécules d’eau physisorbées formant des liaisons hydrogène avec les groupements carboxyliques [221]. Pour les NDs-H et NDs-sp2, l’adsorption d’eau mais également d’oxygène a été observée. Cette adsorp- tion s’est traduite par une augmentation de la concentration en oxygène, détectée par XPS, après exposition à l’air (voir 4.1). Une forte proportion de ces molécules oxygénées est uniquement physisorbée à la surface des NDs comme observé par les mesures d’adsorption d’eau, ou faiblement liée chimiquement car désorbée après recuit à basse température sous ultra-vide (voir 5.2 et 5.3.1). Les molécules adsor- bées, a priori principalement des molécules d’eau (H2O) ou de dioxygène (O2), sont

à l’origine de la plupart des ROS. Ces molécules étant transportées avec les NDs, la génération de radicaux libres dans les cellules hypoxiques, i.e. ayant une faible concentration en oxygène, devrait donc aussi être efficace. Ce sont ces cellules qui sont le plus résistantes aux radiations donc ce point est particulièrement

Rôle de la chimie de surface des nanodiamants sur les interactions avec les cellules

important [275].

– Transferts de charge : Enfin, nous avons vu que les transferts de charge entre le cœur des NDs et leur environnement sont facilités pour les NDs-H et NDs-sp2. Cela est vrai à l’air comme démontré par les études KFM, validant un transfert de charge entre les NDs et le substrat (voir 4.3). Ces transferts de charge ont aussi lieu naturellement dans l’eau avec les molécules oxygénées adsorbées, ce qui nous a permis d’expliquer l’origine de la charge de surface pour les NDs-H et NDs-sp2 (voir 5.2.2 et 5.3.3). Après irradiation, le surplus d’électrons générés dans le cœur des NDs devrait donc être transféré particulièrement efficacement vers les molécules oxygénées en surface des NDs-H et NDs-sp2.

Pour ces raisons, les NDs nous paraissent intéressants pour la radiosensibilisation de cellules tumorales. En particulier, les NDs ayant suivi des traitements d’hydrogénation et de graphitisation de surface devraient se montrer les plus efficaces car ils ont montré des capacités d’adsorption de molécules et de transfert de charges plus importantes que les NDs-COOH.

L’effet radiosensibilisant des nanodiamants n’étant pas lié au numéro atomique élevé du cœur inorganique, mais plutôt à la forte capacité d’absorption des photons et à la conversion efficace d’électrons secondaires en ROS, il n’est a priori pas limité au cas des photons X de basse énergie. En particulier, il est aussi applicable au cas d’irradiation par des photons X ou γ dans la gamme des ortho- ou méga- voltages, qui sont choisis dans le cas de tissus profonds et sont plus couramment utilisés en clinique. Dans ces gammes d’énergie, ce n’est plus l’effet photoélectrique qui domine mais plutôt l’effet Compton [27]. A haute énergie, le photon incident qui entre en collision avec un électron d’un atome de carbone n’est pas absorbé mais diffusé. Le choc inélastique induit l’expulsion de l’élec- tron et le photon diffusé présente une énergie moins importante que le photon incident. Plusieurs diffusions successives vont avoir lieu jusqu’à ce que l’énergie des photons soit assez faible pour que l’effet photoélectrique domine. Au cours de ce processus, il y a donc l’émission de nombreux électrons secondaires pour un même photon incident.