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6.2 Rôle de la chimie de surface sur la toxicité des nanodiamants

6.2.3 Discussion

Ces résultats montrent que l’étude de la toxicité des NDs reste un problème com- plexe faisant intervenir plusieurs paramètres. Cette toxicité dépend non seulement de la concentration en NDs, mais aussi de leur chimie de surface, du temps d’exposition et varie en fonction de la lignée cellulaire. L’utilisation de la méthode xCELLigence per- met de mettre en évidence des modifications de l’IC après exposition aux NDs, illustrant la différence de toxicité en fonction de ces différents paramètres. Les interactions entre les NDs et les cellules engendrent quatre types de variations de l’IC en fonction du temps :

– L’exposition aux NDs ne modifie pas l’évolution de l’IC par rapport au té- moin (exemple : NDs-COOH sur les cellules A549). Cela signifie que les NDs n’ont aucun effet sur l’évolution des cellules. Dans ces cas-ci, il faudrait vérifier par image- rie confocale ou par cytométrie de flux que les NDs ont effectivement pénétré dans les cellules, et le cas échéant faire des tests de génotoxicité pour pouvoir conclure à une absence complète de toxicité.

– L’augmentation de l’IC peut être ralentie, voire interrompue après exposition aux NDs, par rapport au témoin (exemple : NDs-init ou NDs-FLRs à 10 µg/ml sur les cellules Caki-1). Cela peut s’interpréter comme un ralentissement ou un arrêt de la prolifération cellulaire.

– L’exposition aux NDs peut induire une augmentation plus importante de l’IC par rapport au témoin (exemple : NDs-init sur les cellules Hep-G2). Cela peut être dû à un changement de morphologie des cellules après exposition aux NDs, comme par exemple une augmentation du volume des cellules après internalisation des NDs. L’utilisation de méthodes complémentaires d’imagerie serait nécessaire pour pouvoir conclure sur ce point.

– L’IC peut diminuer suite à l’exposition aux NDs au cours du temps (exemple : NDs-FLRs à une concentration supérieure à 500 µg/ml sur les cellules Caki-1). Ce cas correspond probablement à la mort d’une partie des cellules.

D’après ces observations, la chimie et la charge de surface jouent clairement un rôle sur les interactions entre les NDs et les cellules. Ces interactions varient aussi en fonction de la lignée cellulaire étudiée. Un certain type de NDs, qui peut paraître peu toxique sur une lignée cellulaire, peut se révéler toxique sur une autre lignée. C’est le cas par exemple des NDs-init qui ne présentent aucune toxicité pour la lignée pulmonaire A549 mais qui semblent induire une toxicité marquée pour la lignée rénale Caki-1. Enfin, le temps d’ex-

6.2 Rôle de la chimie de surface sur la toxicité des nanodiamants

position aux NDs joue aussi un rôle sur la toxicité. Par exemple, une étude limitée à 48h n’aurait pas permis de montrer que les NDs-init peuvent induire la mort cellulaire sur la lignée Caki-1. Ce sont les NDs-FLRs qui semblent induire le plus de modifications de l’IC dans le cas général. Ce sont en effet les seuls NDs pour lesquels on observe une toxicité très prononcée sur deux lignées cellulaires à une concentration de 1000 µg/ml. Cela n’est pas surprenant puisque les nanomatériaux à base de carbone sp2 ont déjà montré une toxicité significative [76]. Une cause possible de toxicité pour les nanomatériaux graphi- tique est l’inactivation des protéines antioxydantes dans la cellule, induite par la présence des cycles aromatiques sp2 [266]. Il est important de noter qu’à part pour les NDs-FLRs à une concentration de 1000 µg/ml, une absence totale d’évolution de l’IC, traduisant une toxicité aiguë, n’a pour autant jamais été observée.

La toxicité ne se traduit pas forcément par la mort des cellules mais peut induire un ralentissement de la prolifération cellulaire. A ce stade, il n’est pas possible de détermi- ner précisément les sources de cette toxicité. Une étude plus approfondie associée avec des méthodes d’imagerie pour vérifier la modification morphologique des cellules et l’in- ternalisation des NDs serait utile pour pouvoir conclure sur les mécanismes entrant en jeu dans ces cas-là. Pourtant, dans certains cas, des tendances peuvent être esquissées. Par exemple sur les cellules HT-29, ce sont les NDs-init qui perturbent le moins l’IC des cellules tandis que pour les A549 ce sont les NDs-COOH. Si l’on considère tous les types cellulaires, il semble que ce soit les NDs-H qui aient le moins d’effet sur les cellules, jusqu’à des concentrations inférieures à 100 µg/ml. Il faudrait pouvoir corréler ces résultats à un état d’agrégation et une localisation des NDs dans les cellules, ce qui pourrait être observé par imagerie optique dans le cas de gros agrégats ou par imagerie électronique dans le cas contraire.

6.2.4

Bilan

En conclusion, il faut retenir que les NDs de détonation peuvent induire une toxicité sur certaines lignées cellulaires et que cette toxicité dépend de leur chimie de surface. Pourtant, des modifications importantes de l’IC ne sont observées que pour des concen- trations élevées (généralement > 250 µg/ml). Compte tenu de leur très grande surface spécifique, ces concentrations sont extrêmement élevées et ne seront pas forcément réa- listes pour des conditions d’exposition aux NDs in vivo. Pour les cas de faibles variations de l’IC, il faudrait vérifier que les NDs sont effectivement bien internalisés dans les cellules par imagerie optique ou Raman avant de pouvoir conclure sur une absence de toxicité. Néanmoins, étant donné les résultats déjà publiés dans la littérature [76, 63, 260], une très bonne internalisation des NDs peut être espérée. Ces résultats tendent à montrer

Rôle de la chimie de surface des nanodiamants sur les interactions avec les cellules

que les NDs de détonation sont bien des nanoparticules de choix pour le développement de nouvelles applications biomédicales même si des études de toxicité plus approfondies tenant compte de la chimie de surface et considérant aussi la génotoxicité restent néces- saires avant d’envisager des études cliniques. En particulier, les NDs-COOH, ayant un PZ négatif, et les NDs-H, ayant un PZ positif, présentent a priori une toxicité très faible pour des concentrations inférieures à 100 µg/ml. Ce sont donc des NDs de choix pour le développement de nouvelles applications en nanomédecine.