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La chimie de surface des NDs est d’une grande diversité, ce qui peut être un avantage considérable par rapport à d’autres NPs inorganiques si elle est maîtrisée. Leur surface carbonée permet en effet de réaliser de nombreux greffages basés sur des méthodes clas- siques de la chimie du carbone, qui peuvent être très utiles pour fonctionnaliser les NDs pour des applications biomédicales. Cette chimie de surface peut aussi être utilisée pour contrôler certaines propriétés physiques des NDs comme il a été montré dans la partie précédente. Pourtant nous allons voir que la chimie initiale des NDs est très inhomogène. Il est donc nécessaire de développer des traitements dits d’homogénéisation de surface afin d’augmenter l’efficacité et le rendement des greffages, qui sont généralement spécifiques à certains groupes de surface, ou pour mieux contrôler leurs propriétés physiques. Nous verrons aussi que la formation de structures hybrides en ne modifiant que la surface des NDs permet d’apporter des propriétés supplémentaires aux NDs. Enfin, nous montrerons quelques exemples de fonctionnalisation sur les NDs ayant une chimie de surface contrôlée.

1.3 Chimie de surface des nanodiamants

1.3.1

Chimie de surface initiale des nanodiamants

En fonction de l’origine des NDs et de leurs traitements de purification, la chimie de surface initiale varie fortement, notamment pour les NDs de détonation. Au niveau des NDs HPHT, cette chimie est un peu moins complexe puisque le diamant broyé contient beaucoup moins d’impuretés que les résidus de détonation.

Pour les NDs de détonation, nous avons expliqué précédemment qu’ils peuvent être en- robés d’une couche de carbone amorphe ou graphitique incrustée d’impuretés métalliques à l’issue de la synthèse (voir partie 1.2.1). La purification des NDs, basée généralement sur des bains d’acide nitrique et des traitements d’oxydation thermique sous pression, permet d’éliminer les phases carbone non-diamant [44]. A partir des nombreuses études russes effectuées dans les années 80-90, une structure des NDs en trois couches est généralement considérée après ces traitements de purification [44] :

– un cœur diamant d’environ 4-6 nm de diamètre contenant entre 70 et 90 % des atomes de carbone total des NDs,

– une couche intermédiaire de carbone amorphe d’une épaisseur entre 0.4 et 1.0 nm contenant entre 10 et 30 % des atomes de carbone,

– une couche de surface contenant divers groupes fonctionnels, essentielle- ment composés de carbone, d’oxygène, d’hydrogène et d’azote.

Il faut noter que les atomes d’oxygène et d’hydrogène sont principalement présents à la surface tandis que, les atomes d’azote, provenant des explosifs utilisés pour la synthèse par détonation, sont répartis de manière homogène dans ces trois couches.

Il est difficile d’être plus précis dans la description de la structure de ces NDs car il y a ensuite des variations qui dépendent des conditions expérimentales utilisées. En particulier, la couche amorphe intermédiaire est très inhomogène car elle résulte de la transformation incomplète des atomes de carbone en diamant pendant l’explosion. Dans cette couche, il peut aussi y avoir des structures graphitiques qui peuvent être des recons- tructions fulleréniques si elles sont limitées à des fragments incurvés de mono-feuillets de graphite [106], ou bien des couches graphitiques continues [107, 108]. La couche de surface présente des groupes fonctionnels de nature très variée, dont les principaux sont présentés sur la figure 1.13.

Il s’agit essentiellement de groupements oxydés et hydrogénés de différentes natures, provenant de réactions avec l’eau qui est utilisée pour refroidir les NDs à la fin de la déto- nation et/ou des traitements acides de purification [109]. Des liaisons sp2 ou des chaines

Pourquoi développer des applications thérapeutiques avec les nanodiamants ?

Figure 1.13 – Principaux groupes fonctionnels présents à la surface des NDs de détonation. D’après la référence [109].

hydrocarbonées insaturées, provenant de la sous-couche amorphe, peuvent aussi être ob- servées à la surface.

Ce modèle de NDs en trois couches a aussi été validé par résonance magnétique nu- cléaire [110]. Une des problématiques importantes des NDs aujourd’hui est donc d’ho- mogénéiser efficacement cette chimie de surface complexe et peu reproductible afin de pouvoir contrôler les propriétés de surface des NDs. Pour cela, de nombreux traitements de surface ont été développés et vont maintenant être présentés.

1.3.2

Modification de surface des nanodiamants

Les traitements de surface des NDs ont pour but de saturer la surface de manière ho- mogène avec un type de groupe fonctionnel particulier. Il sera ainsi possible d’obtenir de façon reproductible la réactivité de surface correspondant à certains types de groupements fonctionnels, ce qui est notamment utile pour la fonctionnalisation des NDs comme nous le verrons dans la partie 1.3.4. On peut résumer ces traitements à deux grandes familles, les traitements chimiques et les traitements physico-chimiques.

Pour les traitements chimiques, les NDs sont exposés à des réactifs en solution qui vont modifier leur chimie de surface par des processus purement chimiques. C’est notam- ment le cas des traitements acides permettant de saturer la surface avec principalement des fonctions carboxyliques, après des bains d’acide nitrique (HNO3), sulfurique (H2SO4)

ou chlorhydrique (HCl), ou de mélange de ces acides [44]. Des traitements à partir de peroxyde d’hydrogène (H2O2) comme le mélange "piranha" (peroxyde d’hydrogène et

acide sulfurique) ou "Fenton" (peroxyde d’hydrogène et sulfate de fer) [111, 112] sont des méthodes alternatives pour créer des groupements carboxyliques. Il est aussi possible d’effectuer des réductions chimiques après carboxylation en utilisant des agents réduc- teurs comme le borane (BH3) ou les hydrures (LiAlH4) [113, 114, 115] pour obtenir une

1.3 Chimie de surface des nanodiamants

Les traitements physico-chimiques peuvent être utilisés sur des NDs sous forme pulvé- rulentes et sont généralement liés à des traitements thermiques ou des plasmas. Un des grands avantages de ces traitements est de ne pas avoir besoin d’effectuer de nombreux rinçages après traitement, comme c’est le cas avec les traitements purement chimiques, et qu’il y a moins de risques de contamination par réactifs chimiques ou sous-produits de réaction. Le traitement le plus couramment utilisé est le recuit sous air à des températures entre 400-450 ˚C qui permet de créer des fonctions acides, principalement carboxyliques, et de purifier la surface en gravant sélectivement le carbone non-diamant [116, 117, 118]. Des recuits sous atmosphère d’hydrogène [86], de fluor [119], de chlore [120] ou d’am- moniac [50] permettent de créer des groupements hydrogénés, fluorés, chlorés ou aminés, respectivement, à la surface des NDs. Pourtant, pour ces recuits il n’est pas possible de monter à haute température (typiquement supérieure à 500 ˚C), au risque de graphitiser la surface des NDs comme nous le verrons dans la partie suivante, ce qui implique que certains groupes oxydés et les structures amorphes sont généralement toujours présents à la fin du traitement. L’utilisation de plasmas de fluor [121] ou d’hydrogène [122, 123] permet d’activer les molécules de gaz pour les rendre plus réactives avec la surface et augmenter l’efficacité de l’homogénéisation de la surface.

1.3.3

Structures hybrides à base de nanodiamants

Outre la saturation des terminaisons des NDs par des groupements chimiques, il est aussi possible de transformer la surface des NDs ou d’y déposer des matériaux non- diamant. La surface des NDs peut par exemple être transformée en carbone graphitique par recuit à haute température sous vide [107] ou sous atmosphère inerte [124]. Si les recuits sous vide à des températures supérieures à 1400˚C conduisent à la formation d’oi- gnons graphitiques, qui peuvent être utilisés pour développer des supercondensateurs par exemple [125, 126], des nanomatériaux carbonés hybrides sp3/sp2 peuvent être for-

mées à plus basse température [127]. Récemment, quelques études ont montré que des NDs recuits sous vide à des températures inférieures à 700˚C, théoriquement insuffisantes pour induire la transformation du diamant en carbone graphitique, présentaient des propriétés de surface propres au carbone sp2. Ces NDs hybrides ont ainsi une réactivité chimique si-

milaire aux fullerènes [128, 129, 130] et présentent une activité catalytique exceptionnelle [131]. La combinaison des propriétés de cœur du diamant avec les propriétés de surface des carbones graphitiques permet donc de créer de nouveaux matériaux aux propriétés inédites.

Le dépôt de métaux sur les NDs est aussi couramment utilisé, notamment pour des applications en catalyse où les NDs constituent un support ayant une grande stabilité [132, 133, 134, 135]. Les propriétés catalytiques de ces nanomatériaux hybrides dia-

Pourquoi développer des applications thérapeutiques avec les nanodiamants ?

mant/métaux peuvent d’ailleurs être utilisées pour d’autres applications. Martin et al ont ainsi montré que des NDs recouverts d’or ou de platine pouvaient avoir des propriétés antioxydantes intéressantes [136]. Les structures hybrides diamant/métaux permettent aussi d’apporter des propriétés magnétiques aux NDs. Des couplages avec du fer [137] ou du gadolinium [138] ont déjà été explorés dans cette optique. Des couplages avec du cuivre ont aussi été proposés pour pouvoir étudier les défauts paramagnétiques des NDs par résonance magnétique nucléaire [139]. Ces hybrides sont particulièrement intéressants pour des applications biomédicales pour de la délivrance ciblée [137, 140] ou pour être utilisés comme agents de contraste pour l’imagerie à résonance magnétique [138].

1.3.4

Fonctionnalisation des nanodiamants

Après l’homogénéisation de la surface des NDs, le greffage, covalent ou non-covalent, de molécules permet de donner de nouvelles propriétés aux NDs. En fonction de la termi- naison de surface des NDs, différentes voies de greffage peuvent être envisagées. Ces voies de greffage sur les NDs modifiés ont été récemment synthétisées par Krueger et al [109]. La méthode la plus courante est le greffage par amidation, ou couplage peptidique, sur les acides carboxyliques présents à la surface de NDs oxydés, via l’utilisation d’un agent de couplage standard type EDC/NHS [141, 138, 142, 143]. Mais de nombreuses autres voies de greffages ont un fort potentiel, notamment sur les surfaces de NDs hy- drogénés ou graphitisés. Au niveau du diamant hydrogéné, une réactivité particulière permet l’utilisation de greffages photochimiques [144] ou spontanés [145] qui lui sont spé- cifiques. La réactivité de ces surfaces a été résumée par Zhong et Loh [146]. Ces propriétés ont pour le moment été validées principalement sur diamant massif mais les NDs-HPHT hydrogénés semblent avoir une réactivité similaire [147]. Pour les NDs graphitisés, Krue- ger et son équipe ont montré que la plupart des voies de greffages développées sur des nanomatériaux graphitiques peuvent être transposées sur les NDs [128, 129, 130].

1.3.5

Bilan

En plus des propriétés associées à la matrice diamant du cœur des NDs, la grande versatilité de leur surface est un atout fort. Bien que celle-ci soit très inhomogène après synthèse, en particulier pour les NDs de détonation, des traitements de surface permettent de rationaliser efficacement cette surface pour mieux contrôler ses propriétés. Nous avons vu dans la partie 1.2 que des propriétés a priori associées au cœur des NDs, telles que la luminescence ou la biocompatibilité, pouvait dépendre fortement de la chimie de surface. Cependant, le rôle que joue cette chimie de surface n’est pas toujours très clair. Pour les applications biomédicales, la chimie de surface est finalement assez peu prise en compte jusqu’à maintenant comme nous allons le voir dans la partie 1.4. Pourtant, nous verrons