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4.2 Phénomènes d’adsorption à la surface des nanodiamants

4.2.2 Détermination de l’hydrophilicité des nanodiamants

Afin d’étudier le caractère hydrophile ou hydrophobe des NDs, des isothermes d’ad- sorption de vapeur d’eau ont été réalisées et sont présentées sur la figure 4.7. Contraire- ment à l’étude d’adsorption d’azote, basée sur une mesure volumétrique, on mesure dans ce cas la prise de masse des NDs après exposition à des pressions partielles en vapeurs d’eau croissantes. Seules les courbes d’adsorption sont présentées ici. Des tendances très diffé- rentes sont observées en fonction des terminaisons de surface, ne pouvant être simplement associées aux différences de surfaces spécifiques mesurées précédemment. En particulier, la prise de masse est beaucoup moins importante sur les NDs-COOH par rapport aux autres NDs à faible pression relative en vapeur d’eau (Figure 4.7). Les NDs-H sont les NDs pour lesquels la pente de l’isotherme est la plus importante à très faible pression relative (< 0.02 P/P0). Il est possible que l’on mesure ici l’adsorption dissociative des

molécules d’eau, résultant en la formation de fonctions hydroxyles comme observé après exposition de surface de diamant hydrogéné à de très faibles pressions en vapeur d’eau [217]. Cela est en accord avec les résultats XPS discutés dans la partie 4.1, montrant que les liaisons C-O étaient formées après simple exposition à l’air de NDs-H. Une réactivité très proche est observée sur les NDs-init et les NDs-sp2. Pour les hautes pressions relatives (> 0.8 P/P0), la pente est en revanche la plus élevée pour les NDs-COOH, qui sont

4.2 Phénomènes d’adsorption à la surface des nanodiamants

multimoléculaire, ce qui implique que l’on sonde les interactions eau-eau et non plus les interactions NDs-eau. L’interaction eau-eau est donc différente dans ce cas, ce qui peut être lié à une conformation différente des molécules d’eau sur les groupements COOH de par leur caractère hydrophile [221].

Figure 4.7 –Isothermes d’adsorption de molécules d’eau sur des NDs initiaux (noir), des NDs- COOH (vert), des NDs-H (orange) et des NDs-sp2 (bleu). La zone pour des pressions relatives inférieure à 0.3 est agrandie en cartouche.

A partir de ces courbes, on peut remonter à la capacité d’adsorption d’une mono- couche d’eau en utilisant la méthode BET à partir de la partie linéaire (pour 0.05 < P/P0

< 0.35) de l’adsorption pour chaque type de NDs. En rapportant ce nombre à la surface spécifique des NDs mesurée grâce aux isothermes d’azote, on en déduit la densité de sites hydrophiles à la surface des NDs, en appelant site hydrophile un site sur lequel une mo- lécule d’eau est adsorbée. Cette hypothèse est d’autant plus vraie pour une faible densité de sites hydrophiles, ce qui est le cas ici. En effet, on obtient des densités de 1.4, 1.4, 1.7 et 2.2 sites hydrophiles/nm2 pour les NDs initiaux, les NDs-COOH, les NDs-H et les NDs-sp2, respectivement. Pour des silices mésoporeuses, des densités de sites hydrophiles allant jusqu’à 5.3 sites/nm2 peuvent être obtenues par des traitements de surface hydrophiles tandis que des densités de 0.7 sites/nm2 sont obtenues sur les plus

Phénomènes d’adsorption et échanges électroniques à la surface des nanodiamants

hydrophobes [222]. Il est particulièrement étonnant d’observer que les surfaces ayant le plus grand nombre de sites hydrophiles sont les surfaces hydrogénées et graphitisées et non pas les surfaces oxydées. En effet, sur le diamant massif, ces surfaces sont connues pour avoir un comportement hydrophobe [223, 224]. Il faut noter que les propriétés d’hydro- philicité/hydrophobicité peuvent varier en fonction de l’humidité relative. En particulier, Rotenberg et al ont montré que des surfaces de talc pouvaient être hydrophiles à faible humidité relative mais devenaient hydrophobes à plus haute humidité relative [225].

Nous verrons dans le chapitre 5 que les NDs-H ont une bonne stabilité colloïdale dans l’eau, suggérant un caractère hydrophile dans l’eau ultrapure. Il est probable que la taille nanométrique des NDs induise une modification de la couche interfaciale d’eau entourant les NDs. L’orientation des molécules d’eau dans la couche interfaciale varie en fonction du caractère hydrophile/hydrophobe de la surface et peut donner lieu à des propriétés diélectriques différentes [226]. Au niveau des NDs, Korobov et al ont observé la formation d’une couche d’eau interfaciale ayant une structure dépendant de la taille des NDs [227]. La structure particulière de la couche d’eau interfaciale sur les groupements hydrogénés des NDs permet aussi d’augmenter la permittivité diélectrique de manière spectaculaire, passant de 5.7-5.8 pour le diamant massif à 105− 106 à une fréquence de 10

kHz [105]. D’après Bastanov et al, cet effet n’est observé que pour des NDs de détonation, indiquant que la taille des NDs joue ici un rôle crucial.

La densité de sites hydrophiles est la plus importante sur les NDs-sp2. De la même manière que pour les NDs-H, nous avons vu qu’une exposition à l’air induit une oxyda- tion rapide de la surface, pouvant induire la formation de sites hydrophiles sur une surface normalement hydrophobe (voir 4.1.2). Pourtant il est aussi probable que comme pour les NDs-H, un effet de taille favorise l’adsorption d’eau sur les NDs-sp2. En effet, la formation d’une couche ordonnée et dense de molécules d’eau à déjà été observée à la surface de fullérènes, normalement hydrophobes [228, 229]. Une organisation similaire pourrait être observée sur les FLRs, expliquant la forte adsorption de molécules d’eau sur ces NDs.

En outre, des interactions électrostatiques ou la formation de liaisons hydro- gène entre les NDs et les molécules d’eau peuvent avoir lieu, facilitant l’adsorption d’eau à basse pression relative. Il faut mentionner que sur le diamant massif hydrogéné ainsi que sur les couches de graphène, des transferts de charges peuvent avoir lieu entre le matériau carboné et une couche d’adsorbats, permettant l’adsorption d’eau sur des sur- faces normalement hydrophobes [216, 230]. Ces transferts de charge semblent aussi avoir lieu sur les NDs-H d’après les modifications des spectres XPS après exposition à l’air (voir 4.1). Dans le cas des surfaces oxydées, les propriétés électroniques du cœur diamant sont masquées par les groupements oxydés de surface, empêchant les transferts de charges

4.2 Phénomènes d’adsorption à la surface des nanodiamants Terminaison de surface Aire spécifique (m2/g) Diamètre moyen des pores (nm) Capacité d’ad- sorption d’eau (mg/g) Densité de sites hydrophiles (site/nm2) NDs-init 400 6.8 17.9 1.4 NDs-COOH 307 7.9 12.4 1.4 NDs-H 351 6.5 18.1 1.7 NDs-sp2 300 7.1 19.4 2.2

Table 4.2 – Récapitulatif des propriétés d’adsorption des nanodiamants en fonction de leur chimie de surface.

[230]. Cela pourrait expliquer pourquoi peu d’interactions ont lieu à basse pression rela- tive sur les NDs-COOH. Ces transferts de charge seront discutés plus largement dans la suite de ce chapitre et dans le chapitre 5.

4.2.3

Bilan

Les mesures d’adsorption de molécules sondes donnent donc des informations très complémentaires des méthodes d’analyses de surface présentées jusqu’à maintenant. En particulier, elles permettent de mieux comprendre la réactivité des surfaces des NDs expo- sés à l’air, en permettant d’obtenir des valeurs quantitatives sur leurs surfaces spécifiques ou leur capacité d’adsorption d’eau. La surface spécifique est différente en fonction de la terminaison de surface, même pour des NDs ayant la même origine. De plus, le caractère hydrophile des NDs, défini par la capacité d’adsorption d’eau rapportée à la surface spé- cifique, est étonnamment plus marqué pour les NDs-H et les NDs-sp2, ce qui pourrait être expliqué par la création de sites hydrophiles après dissociation des molécules d’eau suite à l’exposition à de très faibles pressions relatives en vapeur d’eau et à une organisation particulière des molécules d’eau sur leur surface. Les résultats quantitatifs obtenus par adsorption de molécules sondes sont résumés dans le tableau 4.2. Afin de mieux évaluer les propriétés de transfert de charges et les effets électrostatiques dépen- dant de la chimie de surface, la microscopie à sonde de Kelvin (KFM) est particulièrement efficace comme nous allons le voir maintenant.

Phénomènes d’adsorption et échanges électroniques à la surface des nanodiamants

4.3

Transferts de charges et potentiel électrostatique