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5.3 Origine du Potentiel zêta des nanodiamants graphitisés

5.3.3 Dopage de surface des nanodiamants graphitisés par adsorption

A partir de ces caractérisations de surface (XPS, FTIR, HRTEM) et des propriétés colloïdales (PZ), un modèle permettant d’expliquer l’origine du PZ positif sur les NDs graphitisés peut être proposé. Tout d’abord, il faut rappeler que les NDs-FLRs sont parti- culièrement stables en suspension par rapport aux NDs fortement graphitisés, ce qui peut indiquer que l’interface entre le diamant et la couche fullerénique doit jouer un rôle dans cette charge. Barnard et Sternberg ont montré par des simulations théoriques que les facettes (100) insaturées des NDs ont a priori une charge positive de surface [247], pourtant une telle surface n’est pas stable après exposition à l’air et sera probablement passivée par les molécules ambiantes [217]. En revanche, dans le cas où cette surface est recouverte d’une couche de graphène, comme dans le cas des FLRs, cette charge peut être conservée. En effet, les couches de graphène sont connues pour être imperméables aux molécules présentes dans l’air [248]. A l’interface entre une surface de diamant (100)

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chargée positivement et une couche de graphène plutôt électronégative, il est probable qu’une polarisation spontanée ait lieu, comme proposé par Osawa et al [249]. D’après les images HRTEM présentées dans le chapitre 3 (Figure 3.18), la distance entre la sur- face de diamant et la première couche graphitique la recouvrant est de l’ordre de 3 Å, permettant un couplage électronique entre les 2 plans. Il est donc probable que des électrons présents à l’interface, par exemple venant des liaisons insaturées pré- sentes en bordure des FLRs ou d’autres défauts structuraux, soient injectés dans la première couche graphitique recouvrant la surface de diamant grâce à la polarisation spontanée de l’interface. Ma et al ont d’ailleurs récemment montré par simulation que ce transfert d’électrons devrait effectivement avoir lieu [169]. Un transfert d’électrons similaire a été observé entre une surface de SiO2 et une couche de graphène

déposée sur cette dernière [250].

Après exposition à l’air, différents phénomènes peuvent entrer en jeu en fonction du nombre de couches graphitiques recouvrant la surface de diamant. En effet, Datta et al ont montré par une étude KFM faite sur des feuillets de graphène déposés sur un substrat isolant que des transferts de charge pouvaient avoir lieu entre une couche de graphène et le substrat [251]. Pourtant, quand le nombre de couches de graphène augmente, cette in- teraction avec le substrat disparaît et la valeur de potentiel de surface se rapproche d’une valeur constante à partir de 5 couches de graphène. Il y a donc un effet d’écrantage progressif des échanges électroniques avec le substrat lié au nombre de couches de gra- phène. Dans notre cas, cet écrantage conduit à différentes stabilités colloïdales. Les NDs fortement graphitisés ont une faible stabilité car ils ont peu de charges en surface. Sur ces NDs, le potentiel de surface est masqué par les couches graphitiques multiples. Pour les NDs-FLRs, au contraire, la couche de graphène dans laquelle ont été injectés les électrons par la polarisation de l’interface est directement exposée aux molécules présentes dans l’eau. Ces molécules sont susceptibles d’interagir avec les FLRs qui sont particulièrement chargées.

Les échanges électroniques entre des surfaces carbonées et des adsorbats ont été fré- quemment observés. Nous avons vu précédemment que les surfaces de diamant hydro- génées sont ainsi capables de transférer des électrons à des molécules adsorbées à l’air (partie 4.1) ou avec à un couple électrochimique impliquant l’oxygène dans l’eau (partie 5.2.2)). Des échanges d’électrons ont aussi été observés sur des matériaux organiques semi- conducteurs avec des molécules d’oxygène adsorbées, induisant un dopage de type p du matériau organique [252]. Ce dopage par trous a été expérimentalement mis en évidence sur des polymères conjugués [253], des nanotubes de carbone [254, 245] et des couches de graphène supportées par un substrat de SiO2 [250, 255]. En particulier, Dukovic et al ont

Rôle de la chimie de surface sur les propriétés colloïdales des nanodiamants dans l’eau

des nanotubes, qui se fait naturellement après exposition à l’air [245]. Cette chimisorption d’oxygène est possible par cycloaddition des molécules d’oxygène dans les cycles aroma- tiques des plans basaux sp2, induisant la formation de groupements endoperoxides (Figure 5.13 (a)). Ces groupes sont connus pour être facilement protonés, notamment à pH acide, pour se transformer en un carbocation hydroperoxide (C-O2H+).

La formation de ce carbocation implique la formation d’un trou qui va être délocalisé dans le plan graphitique (Figure 5.13 (b)). La stabilité de ce trou, va donc dépendre de la structure cristalline et de la taille du plan graphitique, qui sont les paramètres facilitant ou limitant la délocalisation des trous dans le plan graphitique. Dukovic et al ont ainsi montré que la délocalisation des trous était plus importante pour des nanotubes ayant des diamètres élevés.

Figure 5.13 – Formation d’endoperoxides par cycloaddition d’une molécule de dioxygène et formation d’un trou sur le plan graphitique. D’après la référence [245].

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Nous supposons qu’un dopage par trous similaire a lieu sur les NDs-FLRs. En effet, la chimisorption de molécules d’oxygène induisant la formation d’endoperoxide sur les FLRs est en accord avec nos caractérisations XPS et FTIR (Figures 5.10 et 5.11). La réversibilité de cette chimisorption a aussi été validée par XPS (voir 5.3.1). De plus, la protonation des endoperoxides pourrait expliquer l’évolution du PZ en fonction du pH des différents échantillons étudiés. Le PZ est directement relié à la présence de charges de surface sur les NDs et donc la présence de trous en surface implique un PZ positif. La pré- sence de carbocations hydroperoxides à pH acide est donc en accord avec un PZ fortement positif. En augmentant le pH, la concentration en protons dans la solution diminue, ce qui implique la déprotonation de ces groupes. La forme neutre des endoperoxides devient progressivement la forme la plus stable. Pourtant, en fonction de la taille et de la qualité structurale des FLRs, la stabilité des trous formés par la protonation des endoperoxides est plus ou moins importante. En effet, les air-NDs-1h ont probablement des FLRs avec une forte concentration de défauts, impliquant la disparition des charges positives à un pH inférieur par rapport au cas des NDs-1h et NDs-8h. Au contraire, les NDs-8h sont sus- ceptibles d’avoir de plus grandes surfaces graphitisées avec moins de défauts, les charges positives peuvent donc être stabilisées même à pH relativement élevé.

Le rôle des molécules d’eau dans cette accumulation de charge en surface des NDs n’est pas encore très clair, pourtant il est possible que la présence d’eau participe à leur stabilisation. En effet, il a été observé que la formation de trous dans le graphène pou- vait être stabilisée par la présence d’eau [250]. Alors que le dopage de type p induit un décalage vers les basses énergies de liaisons sur les spectres XPS des NDs-H (Figure 5.5), aucun décalage en énergie n’est observé sur les NDs-FLRs (Figure 5.10). On en déduit que la forme protonée des endoperoxides, et donc la formation de trous sur les FLRs, n’est probablement pas stable sous UHV et ne peut pas être caractérisé par XPS. Il faudrait pouvoir sonder l’état électronique des NDs-FLRs directement en solution pour vérifier l’existence de cette forme protonée dans l’eau.

Enfin, l’interaction entre les NDs-FLRs et l’oxygène semble être un processus dyna- mique, qui explique la nature réversible de la chimisorption de l’oxygène sur les FLRs. Pour argumenter ce point, une expérience simple a été effectuée, consistant à éliminer pro- gressivement l’oxygène dissous dans une solution de NDs-FLRs grâce à un flux d’azote pendant plusieurs minutes. Nous avons observé une agglomération puis une sédimenta- tion progressive des NDs-FLRs, comme pour les NDs-H, indiquant la perte de charges en surface permettant leur stabilisation électrostatique en solution. Il est donc possible qu’un équilibre électrochimique entre l’oxygène dissout dans l’eau ou adsorbé à la surface des NDs-FLRs entre en jeu comme pour les NDs-H, mais sa nature n’a pas encore été identifiée.

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