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1.2 Le transfert radiatif en nuage h´et´erog`ene

1.2.2 Insuffisance du mod`ele plan-parall`ele

Nous l’avons vu dans la premi`ere partie de ce chapitre introductif, les calculs de transfert radiatif sont tr`es importants pour la mod´elisation du climat et pour la mesure `a distance de param`etres nuageux. L’hypoth`ese du nuage plan-parall`ele est largement utilis´ee car elle permet des calculs radiatifs cimples et rapides. Nous allons voir ici pourquoi le mod`ele plan-parall`ele est insuffisant.

1.2.2.1 Non-lin´earit´e des r´eponses radiatives

La non-lin´earit´e est un notion naturellement tr`es importante dans notre ´etude, qu’il im-porte de bien d´efinir. La notion de non-lin´earit´e est tr`es pr´esente en sciences du climat et elle est associ´ee `a la turbulence. La pr´esence dans l’´equation de Navier-stokes (qui d´ecrit l’´ecoulement de fluide visqueux) d’un terme quadratique (−→V .−−→

∇V ) donne un caract`ere non-lin´eaire `a cette ´equation, qui est `a l’origine de la notion de chaos et des difficult´es de pr´evision en m´et´eorologie. L’Equation du Transfert Radiatif – qui d´ecrit l’interaction du rayonnement par un milieu – est lin´eaire et int´egro-diff´erentielle. Pourtant le probl`eme du transfert radiatif est non-lin´eaire. Eclaircissons ce point.

L’interception d’une quantit´e radiative L, se propageant le long d’un chemin de coordonn´ee s, par un milieu de propri´et´e d’extinction α est d´ecrite par : dL = −αLds (Loi de Bouguer-Beer). On en d´eduit (loi exponentielle de Beer) que l’´energie radiative varie selon :

L(s) = L0exp(− Z

αds) = L0exp(−τ) = L(τ) (1.1)

qui est une fonction convexe. τ est appel´ee ´epaisseur optique. Les r´eponses radiatives ne sont donc pas lin´eaires comme le montre la figure 1.4. Consid´erons deux chemins d’´epaisseurs optiques τ1 et τ2. On ´ecrit l’in´egalit´e de Jensen [Jensen 1906] :

L(τ1) + L(τ2)

2 ≥ L(τ1+ τ2

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Fig.1.4 – R´eponse non lin´eaire des flux radiatifs en fonction de l’´epaisseur optique du milieu.

Cas de la r´eflectance et de la transmittance pour une incidence solaire de 45.

Ainsi, si le milieu n’est pas homog`ene `a une certaine ´echelle, on fait des erreurs de calcul en ne consid´erant que la propri´et´e moyenne de ce milieu `a cette ´echelle : on surestime et on sous-estime syst´ematiquement respectivement la r´eflectance et la transmittance de ce milieu.

Nous entendons donc ici non-lin´earit´e comme synonyme d’interaction – ou de couplage – entre ´echelles : on ne peut pas se contenter des valeurs moyennes des propri´et´es optiques des nuages `a une certaine ´echelle. Dans le cas des stratocumulus marins, qui ont la struc-ture la plus proche de la repr´esentation plan-parall`ele, la diminution de l’alb´edo du nuage `a l’´echelle d’une grille GCM (sup´erieure `a 100 × 100 km2) est de l’ordre de 10 `a 15% [Cahalan et al. 1994b][Barker 1996]. Lorsque les nuages homog`enes ont le mˆeme alb´edo que les nuages h´et´erog`enes, ceci requiert une diminution de 30% de leur contenu en eau [Cahalan et al. 1994b]. La premi`ere erreur que l’on fait dans un calcul plan-parall`ele est donc de ne consid´erer que la valeur moyenne des champs, de n´egliger l’effet des h´et´erog´en´eit´es des nuages. Une r´eponse `

a ce probl`eme est le calcul IPA (sur lequel nous revenons plus loin), qui repose sur la division du champ nuageux en pixels, et r´ealise un calcul de type plan-parall`ele et ind´ependant dans chacun des pixels. Ce type de calcul est dit “1D”.

1.2.2.2 Flux radiatifs nets horizontaux

Dans les calculs radiatifs de type plan-parall`ele ou IPA, les propri´et´es radiatives du nuage sont uniquement li´ees aux param`etres microphysiques. Dans le cas de nuages h´et´erog`enes, lorsque la taille du pixel est de l’ordre de celle du libre parcours moyen des photons, cette d´ependance unique n’est plus du tout valide : deux pixels ayant les mˆemes propri´et´es mi-crophysiques (´epaisseur optique, rayon efficace) n’ont pas forc´ement les mˆemes propri´et´es radiatives, compte tenu des effets de leurs environnements. Ainsi, `a petite ´echelle, il y a inter-action entre les pixels : le transport horizontal net des photons – conditionn´e par les gradients locaux du champ d’´epaisseur optique – n’est plus n´egligeable. Pour des nuages de type strato-cumulus sans trous, le transport horizontal peut atteindre plus de 20% du rayonnement solaire incident, et il peut ˆetre du mˆeme ordre de grandeur que les autres flux (r´eflectance, trans-mittance, absorptance) [Faure 2000]. En plus de l’erreur dˆu `a la non-lin´earit´e des r´eponses radiatives, la seconde erreur que l’on fait dans un calcul plan-parall`ele est donc de ne pas

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consid´erer ce transport horizontal net de l’´energie radiative. Un manifestation de ce transport horizontal est le ph´enom`ene de lissage radiatif ([Stephens 1988a], [Marshak et al. 1995], [Davis et al. 1997]) : `a cause de la diffusion multiple, les photons visitant des pixels de propri´et´es mi-crophysiques diff´erentes, les champs de r´eflectance sont moins fluctuants aux petites ´echelles que les champs d’´epaisseur optique : la correspondance entre les h´et´erog´en´eit´es des champs d’´epaisseur optique et de r´eflectance n’est plus directe. La figure 1.5 montre les spectres d’´energie des signaux d’´epaisseur optique et de r´eflectances, obtenus `a partir de simulations Monte Carlo et IPA. On observe qu’`a grande ´echelle, les spectres des radiances suivent celui de l’´epaisseur optique. A petite ´echelle, le spectre pour les radiances Monte Carlo d´ecroˆıt plus rapidement – la rupture de pente spectrale se situe vers 2 km, alors que le spectre pour les radiances IPA – calcul qui ne prend pas en compte les effets “3D” – suit celui du signal d’´epaisseur optique. [Davis et al. 1997] a obtenu une rupture de pente spectrale autour de 200 m pour des radiances mesur´ees par le radiom`etre Landsat TM durant la campagne FIRE [Davis et al. 1997]. L’effet de lissage est donc une manifestation du transfert radiatif dit “3D”.

Fig. 1.5 – Spectre d’´energie des champs d’´epaisseur optique (τ = 10), et des r´eflectances

calcul´ees par les m´ethodes Monte Carlo et IPA (communication personnelle de B. Guillemet (LaMP))

L’exemple donn´e dans la figure 1.6 illustre ´egalement les effets des gradients locaux d’´epaisseur optique et le lissage des champs de r´efl´ectance. On consid`ere un champ nua-geux horizontalement h´et´erog`ene (fig. 1.6 en haut `a gauche) g´en´er´e par un mod`ele “cascade

born´ee” [Cahalan 1994]. En changeant al´eatoirement la position des valeurs, on obtient un deuxi`eme champ (fig. 1.6 en haut `a droite). Ces deux champs ont donc la mˆeme fonction de densit´e de probabilit´e ; la mˆeme moyenne, le mˆeme ´ecart-type. Les courbes au centre et en bas donnent les r´eflectances associ´ees `a ces deux champs calcul´ees par les mod`eles de Monte Carlo et IPA. On observe que les courbes de r´eflectance `a gauche et `a droite sont tr`es diff´erentes, et n’ont pas les mˆemes valeurs moyennes, `a petite ´echelle et mˆeme `a grande ´echelle (non donn´ees ici). Les courbes au centre et en bas n’ont pas le mˆeme contenu fr´equentiel : les radiances Monte Carlo sont plus lisses que les radiances IPA ; ces derni`eres sont autant fluctuantes `a petite ´echelle que les signaux d’´epaisseur optique. Ainsi, la figure 1.6 indique que deux champs comportant les mˆemes valeurs peuvent avoir des r´eponses radiatives diff´erentes (comparaison gauche-droite), et que la prise en compte (calcul Monte Carlo) ou non (calcul IPA) des effets “3D” conduit `a des r´eflectances diff´erentes en particulier au niveau de leurs contenus spectraux (comparaison centre-bas). Ce qui diff´erencie ces deux champs nuageux, c’est leur structure, la disposition des valeurs, leur variabilit´e `a petite ´echelle, qui est beau-coup plus importante pour le deuxi`eme champ que pour le premier, et qui a pour cons´equence des transports horizontaux de photons tr`es diff´erents.

Fig. 1.6 – Simulations de r´eflectances pour un nuage de type cascade born´ee (en haut `a

gauche), et un nuage obtenu `a partir du premier en d´ecorr´elant les valeurs (en haut `a droite, par un calcul Monte Carlo (au centre) et un calcul IPA (en bas) – Communication personnelle de F. Szczap (LaMP)).

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1.2.2.3 Aspects multi´echelles du transfert radiatif

Le calcul de type plan-parall`ele est donc mal adapt´e au cas des nuages h´et´erog`enes car il ne prend pas en compte la non-lin´earit´e des r´eponses radiatives et n´eglige le transport horizontal des photons. L’approche IPA traite chaque pixel nuageux ind´ependamment, et effectue un calcul de type plan-parall`ele dans chacun des pixels. La figure 1.7 montre qualitativement l’erreur que l’on commet sur la restitution de propri´et´e optique moyenne `a grande ´echelle (´epaisseur optique) d’un champ nuageux h´et´erog`ene, `a partir d’un calcul IPA et en fonction de la taille des pixels. L’erreur passe par un minimum pour un pixel de quelques kilom`etres. L’erreur `a grande ´echelle est due `a la non-prise en compte des h´et´erog´en´eit´es sous-pixel. L’erreur `a petite ´echelle est due `a la non-prise en compte des interactions entre les pixels voisins.

Fig.1.7 – Erreur sur la restitution de l’´epaisseur optique moyenne `a grande ´echelle de champs

nuageux, bas´ee sur un calcul IPA, en fonction de la taille des pixels (communication person-nelle B. Mayer (DLR)).