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4 DISCUSSION

4.3 COMPARAISON AVEC LES DONNEES DE LA LITTERATURE

4.3.3 Instaurer un tiers payant généralisé

Promouvoir les centres de santé conduit à se poser la question du bénéfice du tiers payant du point de vue des médecins et les patients. En effet, le paiement à l'acte semble poser problème à plusieurs médecins de notre étude. Cela a peut constituer un inconvénient pour eux mais également pour les patients, notamment en raison d'une restriction de l'accès aux soins.

Le paiement à l'acte est perçu par les médecins de notre étude comme le seul mode possible de rémunération en libéral. Aucun d'entre eux n'a évoqué les possibilités de rémunération forfaitaire ou les nouveaux modes de rémunération qui se développent actuellement. Cela peut s’expliquer en partie par un biais de sélection généré par la non-inclusion de jeunes médecins exerçant en MSP ou en centres de santé dans notre étude. Il est aussi possible que les médecins de notre étude aient abordé la question d’accès aux soins et de la dispense de frais en raison d'une réforme évoquée dans les médias au moment de la réalisation des entretiens. Celle-ci prévoit d’instaurer dans les années à venir un tiers payant généralisé. Ce sujet d’actualité a pu influencer les médecins dans leurs réponses et générer un biais d'information. Le paiement à l'acte engendre donc plusieurs types de difficultés : en ce qui concerne les patients, il pourrait limiter l'accès aux soins de ceux en difficulté financière ou en situation précaire. Du côté des praticiens, il pourrait introduire un comportement clientéliste en vue de gagner davantage en faisant inutilement plus d’actes. Le risque de comportement clientéliste des médecins répondant aux exigences de prescription des patients a été souligné dans une étude menée par le CNOM (6).

Une étude, réalisée en 2007, montre que si un comportement “d’abattage” existe en raison du paiement à l’acte, cela altère la qualité des soins (51). Le temps consacré à l'écoute du patient et à la prévention est remplacé par des prescriptions parfois inadaptées (51). Certains médecins souhaitent que les modes de rémunération en libéral se diversifient (51). Ajuster le tarif de la consultation en fonction du temps passé avec le patient est également souhaité par certains médecins dans la thèse d'E. Bernard (73).

Le paiement à l'acte n'est pas nécessairement remis en cause par tous les médecins. Dans une enquête réalisée en Ile-de-France, des internes et médecins en médecine générale récemment installés souhaitent majoritairement conserver le paiement à l'acte (67).

Le tiers payant a fait l'objet d'un rapport par l'IGAS en 2013 (87) en vue d'une généralisation de ce dispositif, déjà utilisé couramment par certains professionnels de santé, comme les pharmaciens. Actuellement en France, les médecins sont généralement payés par les patients au décours de la consultation. Ces patients sont secondairement remboursés par leur assurance maladie obligatoire et leur complémentaire (AMO et AMC). Le principe du paiement direct des actes au médecin est régi par l'article L 162-2 du code de la Sécurité Sociale et le remboursement des honoraires au patient par l'assurance-maladie intervient dans le cadre de l'article L 322-1 du code de la Sécurité Sociale (87).

Depuis une quarantaine d'années, le patient peut bénéficier en ville d'un tiers payant pour les actes coûteux ou s'il a des revenus modestes. Le tiers payant est autorisé pour 5 ans sous la convention nationale du 26 juillet 2011 et dans le cadre de l'article L 162-5, 2 bis du code de la Sécurité Sociale. Actuellement le tiers payant représente environ 35 % des actes effectués en milieu ambulatoire (87). Il existe d'autres exceptions à l'avance des frais répondants à des situations particulières ou à une prise en charge dans des lieux spécifiques (87) :

- Les patients précaires peuvent bénéficier de la dispense d'avance des frais, notamment les bénéficiaires de la CMU, de l'AME ou ceux pour lesquels des accords locaux ont été signés entre les caisses d'AMO et les organisations syndicales représentatives des médecins. Le tiers payant peut être demandé par le médecin traitant pour ses patients précaires. Enfin, les détenus ont accès à la dispense d'avance des frais.

- Les actes onéreux font l'objet d'un tiers payant uniquement pour la part AMO. Les frais liés aux accidents de travail et maladies professionnelles sont également concernés par cette mesure.

- Les actes réalisés en centres de santé, en centres de PMI, dans des établissements de santé et aux urgences.

- Les actes spécifiques : les actes de nature préventive proposés par les organismes publics, ou les actes médicaux réalisés en cas d’anomalies décelées dans le bilan de dépistage fait dans un centre d'examen de santé.

Le patient peut également bénéficier de la dispense d'avance des frais si l'acte médical est réalisé dans le cadre de la permanence de soins.

Il existe des territoires où le tiers payant est déjà généralisé, ce qui permet de mettre en évidence de manière concrète les avantages et les inconvénients d'un tel système. Sur l'île de la Réunion, le tiers payant s'est développé en raison de la précarité de la population (87). Selon le rapport de l’IGAS, le tiers payant aurait été facilité grâce un faible nombre

d'organismes gérant la part complémentaire du tiers payant ou grâce à sa prise en charge par des organismes externes. Ces organismes permettraient de réduire les tâches administratives des médecins liées à la gestion du tiers payant. Il existerait néanmoins des freins à sa généralisation tel qu'un délai de paiement parfois long ou une gestion technique du tiers payant qui peut s'avérer complexe (87). Le rapport conclue que la généralisation du tiers payant est techniquement possible et se justifie tant vis-à-vis des patients pour un meilleur accès aux soins que vis-à-vis des médecins qui n'auraient plus à se soucier des possibilités financières de leurs patients. Ce rapport précise également que cette généralisation devrait être associée à un dispositif permettant au patient de connaître le coût de ses dépenses de santé (87). Il s'agit d'un élément qui a été évoqué au cours des entretiens dans notre étude et qui était à l'origine d'une certaine méfiance vis-à-vis du tiers payant.