• Aucun résultat trouvé

Innovation et tarification

1 5 Les modèles d’innovation

1.5.2 Innovation et tarification

La plupart de la littérature sur l’innovation qui entreprend l’ana- lyse conjointe des innovations de produit et de procédé néglige la tarification (Abernathy et Utterback, 1975, 1982 ; Pline et al., 1993 ; Klepper, 1996 ; Mantovani, 2006). Une partie majoritaire de la litté- rature étudie l’offre (Utterback et Abernathy, 1975 ; Lambertini et Mantovani, 2009) et une partie minoritaire prend en compte la de- mande et les préférences des consommateurs (Adner et Levinthal, 2001; Saha, 2007). Quelques auteurs intègrent la question de la tari- fication, mais, en raison de la complexité de l’analyse, la plupart des résultats de cette littérature sont de nature numérique (Bayus, 1995 ; Mukhopadhyay et Kouvelis, 1997, 1999 ; Adner et Levinthal, 2002 ; Voros, 2006 ; Saha, 2007).

Lambertini et Mantovani (2009) étudient ces trois variables mais ne traitent pas la tarification de manière explicite (elle est modélisée comme une variable d’état de manière très spécifique). L’intérêt de leur approche est de caractériser à la fois la dynamique du sentier optimal et l’équilibre intertemporel.

A notre connaissance, peu de travaux analysent conjointement le prix et les niveaux d’innovation de produit et de procédé comme variables de choix explicites pour la firme. Bayus (1995) analyse la

1.5. Les modèles d’innovation 79 tarification dynamique conjointement aux innovations de produit et

de procédé (ce sont trois variables de décision pour la firme) pour un bien durable. En suivant Bass (1969) et Robinson et Lakhani (1975), le bien connait des effets de diffusion au niveau de la demande et des effets d’apprentissage au niveau de l’offre. Bayus (1995) utilise une fonction de vente de type multiplicativement séparable en le prix et les ventes passées du type (1.29). C’est la fonction de demande du MBG (1.24) étudiée par Robinson et Lakhani (1975). Bayus gé- néralise cette fonction en modélisant un effet temporel de manière multiplicativement séparable. Ainsi, (1.24) devient

. x=1− x M   α+ x M  A(p)W(t)

où W(t) est l’effet temporel en t.

L’effet temporel peut capturer de manière exogène un effet de mode, l’évolution de la qualité ou l’impact de la concurrence (Bayus, 1995; Voros, 2002, 2006). Le caractère exogène de l’effet temporel ne permet qu’une analyse préliminaire du phénomène. Il est toutefois intéressant de pouvoir capturer simplement un effet temporel. Cela peut déboucher sur une analyse plus complète par la suite. Les ré- sultats qu’il obtient sont de nature numérique sauf pour un cas très particulier. Il montre que dans le cas où les innovations de produit et de procédé sont indépendantes, où le taux d’intérêt est nul et où les coûts de l’innovation ne sont pas pris en compte, alors les prix et les dépenses de R&D diminuent au cours du temps.

Adner et Levinthal (2001) étudient conjointement la tarification, l’innovation de produit et de procédé. La firme choisit le niveau d’in- novation et le prix. Ils montrent que, en début de cycle de produit, l’innovation de produit est relativement plus importante que l’inno-

vation de procédé et que c’est le contraire en fin de cycle. Par ailleurs, le prix décline au cours du temps jusqu’à devenir constant. La fai- blesse de leur apport vient de la nature uniquement numérique de leurs résultats.

Une autre approche intègre les préférences du consommateur pour expliquer la part entre innovation de produit et innovation de procédé. Adner et Levinthal (2001) ainsi que Saha (2007) avancent que les changements technologiques sont issus de l’interaction entre le développement technologique et les demandes de consommateurs hétérogènes. Ainsi, les firmes financent les deux activités au même moment et, selon les caractéristiques du marché, consacrent plus de ressources à une activité qu’à l’autre. Ils montrent que lorsque le marché est suffisamment développé, il existe un équilibre stable entre l’innovation de produit et l’innovation de procédé.

Mukhopadhyay et Kouvelis (1997, 1999) analysent conjointement la tarification et la seule innovation de produit dans un cadre oligo- polistique. Le prix et la qualité du produit sont modélisés comme deux variables de commande. Or, en réalité, la qualité est le résultat d’un investissement en innovation. Elle devrait donc être modéli- sée comme une variable d’état (qui dépend du niveau d’innovation). Par ailleurs, il n’y a pas d’innovation de procédé et de nombreux résultats sont obtenus par simulation numérique. Ils montrent en particulier que le prix doit être, à chaque instant, tel que le bénéfice marginal lié à l’augmentation du revenu égalise la perte marginale liée à la réduction de la part de marché et au taux de pénétration du marché. Ils montrent aussi que le niveau de qualité doit être tel que, à chaque instant, le coût d’ajustement du niveau de qualité égalise l’expansion du marché et l’augmentation de la part de marché.

1.5. Les modèles d’innovation 81 produit et de procédé ainsi qu’à la tarification d’un bien. L’intérêt de

leur approche est de caractériser de manière analytique à la fois le sentier temporel optimal (le niveau de chaque variable ∀t ∈ [0, T]) et l’équilibre intertemporel (le niveau de variables lorsque t→ +∞).

Ce travail souffre de deux limites principales.

Tout d’abord, pour simplifier l’analyse, le prix p n’est pas une va- riable de commande mais une variable d’état. Il dépend linéairement de la qualité du produit q

p(t) = a−q(t).

Comme en pratique, le prix est fixé par la firme (supposée dispo- ser d’un pouvoir de marché), il est préférable de le modéliser comme une variable de commande (de choix). C’est d’autant plus important que les résultats liés à la forme de la politique de prix sont ensuite confrontés à des données empiriques.

Ensuite, afin de faciliter l’analyse, la spécification de l’évolution des états est simple, mais pas vraiment satisfaisante. En effet, l’évo- lution de la qualité est donnée par

.

q =q(t) rq(t) −δq , (1.36)

où rq(t) et δq sont respectivement l’investissement en innovation de

produit et le taux de dégradation de la qualité (dû à l’obsolescence de la technologie). L’équation(1.36)signifie que la qualité augmente avec l’investissement en innovation de produit (choisi par la firme) et diminue selon un taux autonome (exogène). Cette spécification est très facile à utiliser pour l’analyse. En effet, à l’équilibre intertempo- rel oùq. =0, nous avons

Ce résultat est facile car direct, mais aussi évident. En outre, les hypothèses sur lesquelles il repose ne sont pas totalement satisfai- santes. En effet, l’équation(1.36)implique que la qualité q augmente avec l’effort d’innovation rq (ce qui est tout à fait normal), mais de

manière proportionnelle à la qualité (ce qui est plus discutable). Une manière plus satisfaisante serait de proposer pour (1.36) une spéci- fication du type

.

q =h rq(t)−δqq(t) (1.37)

où h est une fonction croissante en rq et indépendante de q. Ainsi,

l’équilibre intertemporel caractérisé par q. =0 donne hr∗q=δqq∗,

ce qui permet un ajustement entre les variables riche et non trivial. La dynamique de l’évolution du coût est similaire à (1.36). En effet, elle est donnée par

.

c=c(t) (rc(t) −δc), (1.38)

avec rc(t)et δc respectivement l’investissement en innovation de pro-

cédé et le taux de dégradation du coût. L’équation(1.38)appelle aux mêmes commentaires que l’équation (1.36).

La simplicité des spécifications de Lambertini et Mantovani (2009) a l’avantage de permettre de trouver des solutions analytiques à la fois pour le sentier temporel optimal et pour l’équilibre inter- temporel. La comparaison entre ces deux résultats donne leur résul- tat principal. Ils montrent qu’innovation de procédé et innovation de produit peuvent être substituables sur le sentier temporel alors qu’elles sont toujours complémentaires à l’équilibre intertemporel.