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Innovation de produit et innovation de procédé

Dans le document Les déterminants de la tarification dynamique (Page 171-181)

3 3 Le modèle général

3.3.2 Innovation de produit et innovation de procédé

La firme dispose d’un budget R constant consacré à la R&D. Elle choisit la répartition de R entre innovation de produit et innovation de procédé. Cette situation caractérise le cas où le montant d’un bud- get de R&D est décidé en amont (par le conseil d’administration) et où, en aval, le directeur décide de sa répartition entre les différents types d’innovation. Les montants alloués à l’innovation de produit et à l’innovation de procédé sont respectivement rq et rc. Ces montants

représentent respectivement l’innovation de produit et l’innovation de procédé. Nous avons

rq+rc =R. (3.7)

La qualité du bien augmente avec l’effort d’innovation de pro- duit rq. Le coût de production diminue avec l’effort d’innovation de

procédé rc. La littérature empirique (Imai, 1986, 1992) souligne que

les processus peuvent évoluer de manière autonome sans que le sens soit déterminé. Ainsi

. q = hq rq, q , (3.8) . c = hc(rc, c), (3.9) avec ∂hq ∂rq >0, ∂hc ∂rc <0. (3.10) De manière plus spécifique, la qualité du produit augmente avec l’innovation de produit rq et évolue de manière autonome selon le

taux δq ∈ [−1, 1]. Lorsque δq >0, comme dans Lambertini et Man-

tovani (2009), δq capture l’obsolescence de la technologie au cours

3.3. Le modèle général 157 aussi bien dans l’industrie que dans les services (Imai, 1986 ; Liker et

Meier, 2006). Par ailleurs, lorsque δq <0, le processus s’améliore au

cours du temps (Bayus, 1995 ; Li et Rajagopalan, 1998 ; Voros, 2006). Cela capture une forme d’apprentissage dont le proxy n’est pas la production passée, comme pour Robinson et Lakhani (1975) ou Ka- lish (1983), mais le niveau du coût lui-même. Dans ce cas, toute amé- lioration est cumulative (Saha, 2007). Si l’horizon temporel T est fini, alors δq peut être négatif ou nul. Dans le cas où T est infini, alors,

sans perte de généralité, δq doit être strictement positif pour des rai-

sons techniques1

. Dans ce cas, nous gardons la seule hypothèse de la détérioration continue des processus.

Avec le coefficient d’efficacité de l’innovation de produit γq ∈ R+,

(3.8)devient

.

q=γqln rq−δqq. (3.11)

De manière similaire, δc ∈ [0, 1] et γc ∈ R+ sont le taux de dé-

gradation autonome et le coefficient d’efficacité de l’innovation de procédé. Avec(3.7), la dynamique du coût(3.9) est

.

c =δcc−γcln R−rq , (3.12)

Avec, sans perte de généralité, R tel que ln rq ≥0 et ln R−rq ≥

0, pour que l’impact de l’innovation soit positif.

Les équations d’évolution(3.11)et (3.12)sont des versions dyna- miques des technologies de R&D linéaires utilisées dans Lambertini (2003, 2004) et Lin (2004) semblables à celles de Lambertini et Man- tovani (2009)2

. Pour la concision de la présentation, nous utilisons

1. δq >0 assure la convergence de la fonction objectif nécessaire pour appliquer

la commande optimale.

2. Il est possible d’utiliser des technologies non-linéaires ou d’intégrer des ef-

fets de seuil pour l’évolution des états. Ces ajouts compliquent grandement l’ana- lyse sans modifier la nature qualitative des résultats.

ces formes spécifiques. Toutefois, les résultats sur les politiques de tarification sont généralisables aux formes (3.8) et (3.9). En outre, comme la question qui nous intéresse est celle de la tarification, il est possible, sans perte de généralité, d’utiliser des formes aussi spé- cifiques pour l’innovation.

L’arbitrage issu de (3.7) et les dynamiques issues de (3.11) et

(3.12)permettent de modéliser différents types d’innovation. Il peut s’agir en particulier de l’innovation issue de la gestion d’un service de R&D ou de cercles de qualité.

3.3.3

Le problème

Soient p(t) et rq(t) respectivement une stratégie de prix et d’in-

novation à la date t∀t ∈ [0, T] et r≥0 le taux d’intérêt. Le problème du monopole est de déterminer les stratégies de tarification p∗ et d’innovation r∗q qui maximisent le profit intertemporel. En ligne avec

les travaux présentés dans le chapitre de revue de littérature sur la tarification dynamique, sans perte de généralité, nous ne considé- rons pas de valeur résiduelle pour la fonction objectif. Nous avons :

 p∗, r∗q = arg max p,rq Z T 0 e −rt πdt sous contraintes : x. = f(p, q), (3.13) . q = γqln rq  −δqq (3.14) . c = δcc−γcln R−rq (3.15) avec x(0) = x0, q(0) =q0, c(0) =c0.

Nous introduisons les contraintes(3.13) dans la fonction objectif en les multipliant avec les prix cachés e−rtλx(t), e−rtλq(t), e−rtλc(t)

3.3. Le modèle général 159 pour former le Hamiltonien :

H p, rq, x, q, c, λq, λc (3.16)

= e−rt (p−c) f(p, q) +λq γqln rq−δqq+λc δcc−γcln R−rq .

Par la suite, nous allégeons l’écriture en omettant les variables des fonctions lorsqu’elles sont évidentes. La maximisation du Ha- miltonien implique la condition du premier ordre sur p

∂H ∂ p = 0⇒ p = c− f ∂ f ∂ p . (3.17)

(3.17) peut se réécrire comme p = η

η−1c, (3.18)

où η est l’élasticité de la demande pour le bien :

η ≡ −∂ f ∂ p

p

f. (3.19)

La règle de tarification donnée par (3.18) est celle du cadre sta- tique (règle d’Amoroso-Robinson). Elle est différente de la règle de tarification du monopole dynamique de Kalish (1983). Ce résultat s’explique par l’absence d’effet lié à la production passée au ni- veau de la demande comme au niveau de l’offre (hypothèse (3.5)) . Pour autant, le prix n’est pas constant sur le cycle de vie du pro- duit. En effet, la dynamique du prix est liée à celles de la qualité et du coût qui dépendent de la politique d’innovation. La qualité et le coût apparaissent respectivement dans le premier et le second terme du membre de droite de (3.17). Le résultat (3.18) n’est pas lié à la

spécification des évolutions de la qualité et du coût (3.11) et (3.12). Il se généralise à (3.8) et (3.9).

La condition du premier ordre sur rq donne

∂H ∂rq = 0⇒ rq = R 1− γcλc γqλq . (3.20)

Selon (3.20), rq est une solution intérieure. Cela signifie que,

conformément au fait stylisé (Adner et Levinthal, 2001 ; Saha, 2007), il existe toujours un niveau minimal d’innovation de produit et de procédé. Le résultat (3.20)vérifie que l’intensité de l’effort d’innova- tion est liée à la fois au prix caché des deux types d’innovation et à leur efficacité respective.

Le principe du maximum implique

xi = f (p, q), avec x(0) = x0, (3.21) . λq = −∂H ∂q +q, avec λq(T) = 0, (3.22) . λc = −∂H ∂c +c, avec λc(T) =0. (3.23)

Comme développé dans les annexes sur la commande optimale, en l’absence de valeur résiduelle pour la fonction objectif, les condi- tions de transversalité implique que λq et λc sont nuls en t = T.

Nous avons donc

. λq = −∂ f ∂q (p−c) f + r+δq  λq, avec λq(T) = 0, (3.24) . λc = f + (r−δc)λc, avec λc(T) =0, (3.25)

3.3. Le modèle général 161 En substituant(3.17)dans (3.24), les solutions sont

λq(t) = Z T t e −(r+δq)(s−t)∂ f ∂q (p−c) f (p, q)ds, (3.26) λc(t) = − Z T t e −(r−δc)(s−t)f (p, q)ds, (3.27)

qui permettent de vérifier

λq(t) ≥ 0, ∀t ∈ [0, T], (3.28)

λc(t) ≤ 0, ∀t ∈ [0, T]. (3.29)

Dans les annexes consacrées à la commande optimale, nous mon- trons que λ(t) représente le prix caché de la variable d’état qui lui est associée. Ainsi, λq(t) s’interprète comme le prix caché de la

contrainte de la qualité sur le profit en t. Il mesure l’impact sur le profit d’une amélioration de la qualité d’une unité. Comme la fonc- tion de demande (3.21) est croissante avec la qualité, il est normal que toute amélioration de la qualité augmente les ventes et donc le profit. C’est ce qu’implique (3.28). De manière similaire, λc(t) est

le prix caché de la contrainte du coût sur le profit en t. Si le coût augmente, alors le profit baisse. (3.29) montre que l’augmentation du coût a un impact négatif sur le profit.

Par ailleurs, (3.24) et (3.28) impliquent que le niveau de cova- riables d’état diminue avec le taux d’intérêt. Cet effet est attendu puisque, lorsque le taux d’intérêt augmente, le profit courant est da- vantage considéré au détriment des profits futurs. Ainsi, comme le capture la baisse de λq(t) et de λc(t), l’impact des innovations est

moins fort sur le profit intertemporel.

Selon (3.24) et (3.28), λ.q peut être positif ou négatif. Toutefois,

en raison de la condition de transversalité λq(T) =0, .

Ainsi, nous avons

∃t1∈ [0, T]/ .

λq(t) < 0, ∀t ∈ [t1, T]. (3.30)

Ce résulat vérifie qu’il existe un temps t1 ∈ [0, T]à partir duquel

λq est décroissant. C’est attendu avec la condition de transversalité

λq(T) =0 et la positivité de λq (selon(3.28)).

Selon (3.25) et (3.29), λ.c peut être positif ou négatif. Avec la

condition de transversalité (λc(T) = 0), . λc(T) > 0. Ainsi, nous avons ∃t2 ∈ [0, T]/ . λc(t) >0, ∀t∈ [t2, T]. (3.31)

De manière similaire à λq, il existe un temps t2à partir duquel λc

est croissant.

– Variation de rq

L’évolution au cours du temps de rqest donnée en dérivant(3.20)

par rapport à t . rq = γc γq . λxλq−λc . λq (λq) 2   1− γcλc γqλq 2

Le premier facteur du numérateur et le dénominateur sont posi- tifs. Ainsi, sgn r.q =sgn . λcλq−λc . λq  (3.32) A priori, le signe de r.q est indéterminé. En substituant (3.24) et

(3.25), nous obtenons sgn r.q = sgn  (f + (r−δc)λc)λq−λc  −∂ f ∂q (p−c) f + r+δq  λq  = sgn  λq+∂ f ∂q (p−c)λc  f − δq+δc  λqλc  . (3.33)

3.3. Le modèle général 163

Proposition 3.1 Pour δq+δc = 0, l’effort d’innovation de produit augmente avec le

niveau de λq et diminue avec le niveau de λc.

Démonstration. Evident avec (3.33)en se rappelant(3.28) et(3.29)

Nous vérifions que lorsque λq (resp. λc), le prix caché de la qua-

lité (resp. du coût) est important, alors l’innovation de produit (resp. de procédé) augmente (resp. diminue). Ce résultat tient lorsque

δq = −δc. C’est le cas lorsqu’il existe une détérioration autonome

sur un type d’innovation et un apprentissage autonome sur l’autre de même niveau ou lorsque qu’il n’y a pas d’effet autonome (δq =

δc = 0). La proposition 3.1 tient aussi lorsque les taux δq et δc

sont suffisamment faibles (ou lorsque l’horizon temporel T est suffi- samment court) pour être approximés par zéro. Par ailleurs, même lorsque δq et δc sont tous les deux de même signe et significative-

ment non nul, comme il s’agit de taux, leur somme ne peut être très élevée. En effet, il est peu vraisemblable que la qualité ou le coût se détériorent de davantage de 10% en pratique. Ainsi, a priori, le domaine d’application de la proposition 3.1 est relativement large.

En suivant Abernathy et Utterback (1975, 1982) et Adner et Le- vinthal (2001), au début du cycle de vie du produit, l’intérêt des consommateurs pour la qualité est important, et, en fin de cycle, la firme s’intéresse au coût de production. Cela permet de justifier l’hy- pothèse suivante

λq est relativement plus élevé que λc en début qu0en fin de cycle.

(3.34) Cette hypothèse n’est pas forte car elle est bien documentée dans la littérature empirique. En outre, les simulations empiriques de la section 5 la vérifient. La proposition 3.1 et l’hypothèse 3.34 per- mettent de déduire que l’effort d’innovation de produit est plus im-

portant en début qu’en fin de cycle. Cette implication du modèle est liée à la dynamique entre les préférences des consommateurs et les possibilités technologiques de la firme. Elle est en phase avec les faits stylisés mis en avant dans la littérature sur le management de l’inno- vation (Utterback et Abernathy, 1975 ; Porter, 1983 ; Pline et al. 1993 ; Klepper, 1996). En effet, au début d’un cycle, l’innovation sert surtout à développer le produit pour qu’il soit en phase avec les attentes du marché (il doit satisfaire aux préférences des consommateurs). Elle permet notamment de faire évoluer les fonctionnalités du produit. Une fois que le produit a "trouvé son marché", l’innovation permet à la firme de gérer son organisation interne. Elle augmente donc la marge en réduisant les coûts de production alors que les consomma- teurs sont satisfaits des caractéristiques du produit. L’allocation de R&D est donc comparativement davantage consacrée à l’innovation de produit en début de cycle et à l’innovation de procédé en fin de cycle.

Comme λq est lié aux préférences des consommateurs pour la

qualité et λc à l’impact du coût sur le profit et qu’ils déterminent

l’évolution rq, cela signifie que, le "côté de l’offre" (traditionnelle-

ment analysé avec Dosi, 1982, Sahal, 1985) et le "côté de la demande" (dont l’analyse est plus récente avec Adner et Levinthal, 2001, Saha, 2007 ou Lambertini et Mantovani, 2009) déterminent conjointement la politique d’innovation de produit et de procédé.

Cette approche duale réalise une synthèse entre les deux ap- proches dominantes sur le changement technologique (Adner et Le- vinthal, 2001). La première, le market pull, suggère que l’innovation est tirée par le marché (Schmookler, 1966) alors que la seconde, le techno push, considère l’organisation interne de la firme comme facteur clef de l’innovation (Dosi, 1982). Même si ces deux explica-

3.3. Le modèle général 165 tions prises séparément permettent de comprendre certains aspects

du changement technologique, les caractéristiques les plus saillantes s’éclairent en considérant ces deux approches ensemble.

– Variations de p

La condition du second ordre sur p implique :

2H ∂ p2 ≤ 0⇒ 2− 2f ∂ p2f  ∂ f ∂ p 2 ≥ 0. (3.35) Cette condition est la même que dans Kalish (1983), Xie et Sirbu (1995) et Dockner et al. (2000).

En dérivant (3.17) par rapport à t, en substituant (3.17) dans le résultat et en réarrangeant, nous obtenons :

. p   2− 2f ∂ p2f  ∂ f ∂ p 2   = . c+q.    2f ∂ p∂qf − ∂ f ∂ p ∂ f ∂q  ∂ f ∂ p 2    . (3.36) En raison de la condition du second ordre (3.35), le deuxième facteur du membre de gauche est positif. Ainsi, pour des fonctions de demande générales, nous vérifions que le prix du bien augmente avec le coût du produit. Remarquons toutefois que le prix n’évolue pas identiquement avec le coût. En effet, il est possible que le prix augmente relativement plus ou moins que le coût selon la spécifica- tion de la fonction de demande.

L’équation(3.36)permet de vérifier l’intuition selon laquelle l’im- pact d’une amélioration de la qualité sur le prix n’est pas évident. En effet, au numérateur du membre de droite, le premier terme est né- gatif et le second terme est positif. L’effet d’une augmentation de la

qualité sur le prix (augmentation ou diminution) dépend de l’impor- tance relative de ces deux effets.

Le résultat (3.36) est robuste. En effet, il est directement issu de la condition du premier ordre sur p (3.17) et de sa dérivation par rapport à t. Ce résultat est donc indépendant de toute forme de dy- namique d’innovation. Il tient donc pour les formes générales des dynamiques d’innovation(3.8)et(3.9). Toutefois, en ce qui concerne l’impact de la qualité sur le prix, le résultat (3.36), bien que très gé- néral, n’est ni précis ni immédiatement interprétable. Il ne peut pas servir de base à la proposition de règle de tarification simple, à la prévision ou à la validation d’hypothèse. Ainsi, il est intéressant de spécifier davantage la fonction de demande courante pour gagner en précision ce qui est perdu en généralité.

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