• Aucun résultat trouvé

SOCIOSYSTEMIQUES TERRITORIALISES

2.2.2. D ES INITIATIVES SOCIALES ET SOLIDAIRES COMME SERVICES SOCIOSYSTEMIQUES TERRITORIALISES

Ce point s’intéresse au type de relations qui relient les initiatives sociales et solidaires envers les territoires dans lesquelles elles s’ancrent : nous avançons l’hypothèse de services sociosystémiques territorialisés.

2.2.2.1.C

ARACTERISER LES SERVICES SOCIOSYSTEMIQUES TERRITORIALISES

La notion de « service sociosystémique territorialisé » n’existant pas en tant que telle, nous nous inspirons des travaux antérieurs sur la notion de service. Nous proposons une lecture souple et territorialisée de la notion – a contrario des cadres constitués autour des services environnementaux. Retenons d’abord la définition suivante « Un service est une opération visant la transformation d’une réalité C possédée ou utilisée par un client ou un usager B, et réalisée par un prestataire A à la demande de B (et souvent en interaction avec B), mais n’aboutissant pas à un produit final susceptible de circuler économiquement indépendamment de C » (Gadrey 1996). Cette première base nous permet de nous interroger sur l’application de cette notion aux initiatives sociales et solidaires. Nous partons de l’idée d’un service construit par les territoires.

Amélie Lefebvre Chapitre 2 - Les composantes du service sociosystémique territorialisé

Schéma 2 : Caractérisation du service sociosystémique territorialisé - A. Lefebvre, 2017

La schématisation à travers le Schéma 2 permet de caractériser les liens unissant A (initiative sociale et solidaire), B (individus-acteurs) et C (territoire) qui génèrent un service sociosystémique territorialisé. Nous émettons l’idée qu’une résultante de ce service serait un mieux vivre ensemble. Liens de l’initiative sociale et solidaire (A) aux individus-acteurs/groupes (B) : ils s’inscrivent dans une relation double de service.

- Les individus – acteurs prennent des initiatives sociales et solidaires dans leur quotidien. Ils y mobilisent leurs capacités socio-territoriales, individuelles et collectives (cognitives, culturelles, sociales, etc.).

- L’initiative se positionne au service des individus et des groupes, comme un moyen d’accéder à C. Ainsi, les initiatives sociales et solidaires ont un rôle de médiation. Elles répondent, à ce titre, à une demande provenant de B (des individus ou des groupes). Liens des individus-acteurs et des individus-acteurs/groupes (B) au territoire (C) : la relation qui lie ces deux composantes s’inscrit pleinement dans la dynamique de l’appropriation.

- Les individus-acteurs et les groupes s’approprient le territoire par l’effet du service sociosytémique territorialisé. L’appropriation du territoire n’est pas nécessairement systématique ou complète : elle peut rester partielle, éphémère et demeure en perpétuelle construction à travers le sociosystème. Par exemple, cette relation peut se cantonner à de « l’usage » (cas du touriste), permettant une appropriation singulière, peut être inachevée, mais qui a néanmoins des effets (attachements aux lieux de loisirs, de vacances).

De manière consubstantielle Dans le quotidien En médiation A : Initiative sociale et solidaire B : Individus – acteurs, groupes C : Territoire

Amélie Lefebvre Chapitre 2 - Le territoire génère du bien-être pour les individus et les groupes. Le service sociosystémique territorialisé permet ainsi le développement d’un « mieux vivre ensemble » bénéfique aux individus-acteurs des territoires.

Liens de l’initiative sociale et solidaire (A) au territoire (C) : les deux entretiennent une relation de consubstantialité, comme nous l’avons détaillé au sein du chapitre 1 et selon notre première hypothèse.

- Un service différemment produit par les individus

Nous avons identifié plusieurs situations types par lesquelles le service sociosystémique territorialisé se développe grâce aux initiatives sociales et solidaires :

- Les initiatives sociales et solidaires sont créées par les individus-acteurs en vue d’un mieux-être au sein du territoire : il s’agirait d’une production exclusive. C’est l’exemple de rencontres, de fêtes créées pour favoriser le vivre ensemble.

- L’entraide, le mieux-être pourrait également relever d’un effet connexe d’une activité, d’une pratique, non identifié au départ et donc d’une production indirecte.

- Il peut également s’agir d’un effet parmi d’autres et donc d’une production jointe : par exemple, dans le cadre de la valorisation économique, une initiative sociale et solidaire se crée et participe du vivre ensemble.

Notons par ailleurs que les deux derniers cas sont fortement compatibles : la production du service peut être indirecte (non identifiée au départ) et jointe à d’autre effets.

2.2.2.2.V

ERS UNE TAXINOMIE DU SERVICE SOCIOSYSTEMIQUE TERRITORIALISE

Olivier Aznar (2002) caractérise les services environnementaux en fonction des relations de service qu’ils développent. Son analyse nous permet de poser notre propre réflexion pour proposer une grille de lecture du service sociosystémique territorialisé. De fait, l’usage du conditionnel est de rigueur, car cette proposition doit être confrontée aux résultats de terrain. Une telle grille a pour objet de nous aider à appréhender l’hétérogénéité des initiatives sociales et solidaires rencontrées.

- Les services sociosystémiques territorialisés peuvent-ils être incomplets ?

Ils se caractérisent par l’absence de l’un des pôles de la relation : l’initiative sociale et solidaire (A), les individus-acteurs/groupes (B) ou le territoire (C). On distinguerait alors :

Amélie Lefebvre Chapitre 2 - Les services incomplets passifs (absence de A) : l’initiative sociale et solidaire est absente de la dynamique de service. Ce serait l’exemple d’une école ou d’un service public qui se retrouveraient dans la définition du service sociosystémique territorialisé. Cependant, notre travail pose l’hypothèse qu’une structure ne peut être en tant que telle un service sociosystémique territorialisé : c’est l’initiative sociale et solidaire qui fait le service sociosystémique territorialisé, à travers les pratiques des individus et des groupes.

- Les services incomplets altruistes (absence de B) : cela pourrait être le cas de particuliers décidant le fleurissement de leur village sans aucune demande individuelle ou sociale particulière. L’initiative sociale et solidaire ne répondrait pas à un manque ou à un besoin d’individus ou de groupes. Ce cas paraît impossible tant l’initiative est liée aux individus- acteurs qui la portent, à leurs vécus et leurs trajectoires (cf. chapitre 1).

- Les services aterritoriaux (absence de C) : les individus-acteurs et les groupes (B) prendraient des initiatives sociales et solidaires (A) en dehors de tout contexte territorial. Écartons immédiatement cette hypothèse, qui n’a pas de sens au vu de la consubstantialité des initiatives sociales et solidaires au territoire qui est au cœur de notre travail.

Ainsi, il nous semble ici que les trois pôles (A, B et C) et les liens les unissant sont indispensables à la caractérisation du service sociosystémique territorialisé.

- Des services sociosystémiques territorialisés véritables

La présence des trois pôles (A, B et C) signifie que le service est complet ou véritable. La relation est donc établie entre les trois actants : l’initiative, l’individu-acteur/le groupe et le territoire. Dans ce cadre, le service pourrait être :

- Joint ou lié à l’activité principale de l’initiative, qui n’est pas la production de service en tant que telle ;

- Exclusif, dans la mesure où l’initiative sociale et solidaire est créée et installée pour ce qu’elle est et ce qu’elle représente : un service pour le territoire.

Cette caractérisation met également en évidence la fragilité et la richesse des liens qui unissent A, B et C. Si les liens d’un écosystème sont rompus, les impacts sont importants et sa durabilité s’en trouve affectée, parfois de manière irréversible. Il en va de même pour les services sociosystémiques territorialisés que nous avons caractérisés : l’équilibre tient aux liens entre individus/groupes, initiative sociale et solidaire et territoire. Le service sociosystémique territorialisé permet la mise en place d’une coopération basique entre individus, mais qui n’en est pas moins fondamentale. Ainsi, chaque pôle du sociosystème nous semble indispensable à son bon fonctionnement.

Amélie Lefebvre Chapitre 2

- Un service consubstantiel au territoire

Le service sociosystémique territorialisé se pose comme un processus de production qui permet une gestion durable des sociosystèmes.

Les initiatives sociales et solidaires sont ainsi envisagées au sein d’un contexte territorial : « Le résultat d’un service est en effet tangible et immédiat et il n’est véritablement produit que consommé. N’ayant pas de valeur en lui-même, il ne peut s’approprier directement ni se transmettre à un tiers comme un capital accumulé » (Damien, 1998 dans Aznar 2002).

La théorie du service sociosystémique territorialisé ainsi posée s’appuie sur la consubstantialité des initiatives au territoire : elles n’auraient de sens conçues de manière aspatiale. C’est bien leur positionnement au cœur d’une dynamique territoriale qui leur permet d’être des services territorialisés – une démonstration qui sera au cœur de notre travail de terrain.

- Des apports conséquents à notre étude

L’introduction de cette notion de service sociosystémique territorialisé nous permet d’approfondir la relation qui les lie aux territoires. Acteur de la relation, le territoire aura lui-même des effets sur les initiatives et les individus-acteurs qui les portent. Cette grille a vocation à se confronter aux résultats du terrain, dans un travail exploratoire autour de cette notion de service sociosystémique territorialisé.

2.2.3.L

ES CONSEQUENCES DE LA CARACTERISATION DES INITIATIVES SOCIALES