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Les initiatives populaires comme compléments à la représentation démocratique

LES INITIATIVES POPULAIRES COMME PALLIATIF DES INSUFFISANCES DE LA REPRESENTATION ?

A NNE GIROLLET

I. Les initiatives populaires comme compléments à la représentation démocratique

Dans le cadre des pays de l’Europe centrale et orientale, les initiatives populaires ne se substituent pas à la représentation démocratique, elles la complètent. Par ailleurs, aucune Constitution étudiée ne prévoit de système de ratification tacite des lois adoptées par les Chambres. Il ne s’agit pas du débat sur la faisabilité d’une démocratie directe – de l’existence d’un peuple

de dieux ou non – mais d’outils démocratiques incorporés dans l’exercice de la souveraineté nationale. Les débats ne se déroulent pas sans les représentants, y compris dans les procédures de référendum d’initiative populaire, puisque les Constitutions prévoient un contrôle par les Chambres.

Sur les sept pays ayant adopté au moins une forme d’initiative populaire, on constate que, même si ces procédures ne sont pas massivement utilisées, elles fonctionnent, en particulier en Pologne.

Les lois d’initiative populaire sont prévues en Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovénie (pas en Slovaquie) ; les référendums d’initiative populaire le sont en Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Slovénie (pas en Roumanie) ; les révisions d’initiative populaire le sont dans les sept pays.

Les procédures pour les lois d’initiative populaire sont relativement accessibles. En effet, proportionnellement par rapport à la population, les nombres de signatures requises sont sensiblement les mêmes, entre 0,25 % et 1,38 %, sauf la Lettonie, plus exigeante avec 5,8 % (chiffre approximatif ramené au nombre de signatures). La première lecture est obligatoire : le Parlement ne peut donc pas refuser de mettre à l’ordre du jour la proposition d’initiative populaire. Celle-ci est ensuite discutée, amendée et votée comme une loi ordinaire. Il est à noter qu’aucun pays ne prévoit de procédure de veto populaire. Cependant, nous pouvons imaginer des lois d’initiatives populaires abrogatives.

Pour les référendums d’initiative populaire en revanche, le nombre de signatures varie sensiblement, de 1 ou 2 % (Hongrie, Pologne, Slovénie) à plus de 8 % (pour la Lituanie). En Pologne, le référendum – qui n’est pas prévu directement par la Constitution – n’est pas obligatoire, même si les 500 000 signatures sont recueillies (le Parlement peut refuser de l’organiser). En Hongrie, l’organisation du référendum est facultative si le nombre de signatures n’est que de 100 000 ; en revanche, elle est obligatoire si 200 000 signatures ont été récoltées. Dans les autres pays, elle est obligatoire si le nombre de signatures requis est atteint. L’adoption du référendum requiert un minimum d’un quart des inscrits pour la Hongrie, 50 % des exprimés pour la Lettonie et la Slovénie, un tiers pour la Lituanie. En revanche, le référendum est invalidé, dans tous les pays, si la participation n’atteint pas les 50 %.

La Lettonie présente, dans son article 72 de la Constitution, un cas particulier : le président de la République peut ajourner la promulgation (pendant deux mois), dans les sept jours (dix jours avec la révision 2004- 2006, entrée en vigueur le 21 octobre 2006) qui suivent l’adoption. Cet

ajournement est obligatoire à la demande d’un tiers des députés. Pendant ces deux mois, le président de la République peut demander une nouvelle délibération. Cependant, si un dixième des électeurs le demandent, cette loi ajournée est soumise au référendum, sauf si le Parlement l’a revotée aux trois quarts ou s’il avait voté l’urgence (aux deux tiers).

Quant aux révisions constitutionnelles d’initiative populaire, les procédures varient. En Hongrie, elles se réalisent selon la procédure d’une loi d’initiative populaire. Il en est de même en Lettonie, mais si le parlement ne l’adopte pas dans les termes, alors un référendum est organisé. En Lituanie, 300 000 signatures sont requises puis la révision se déroule selon la procédure normale. En Pologne également, mais l’organisation du référendum est facultative. En Roumanie, selon la procédure d’une loi d’initiative populaire avec un minimum de 500 000 signatures dans au moins la moitié des départements (avec au moins 20 000 signatures dans chaque). En Slovaquie, selon la procédure d’un référendum d’initiative populaire. Et enfin en Slovénie, selon la procédure d’une loi d’initiative populaire mais avec un minimum de 30 000 signatures.

Nous avons trouvé 56 exemples de lois d’initiative populaire, mais quasiment tous en Pologne : un exemple en Roumanie et 55 en Pologne3.

Les sujets, très variés, montrent un engagement citoyen.

En Roumanie, en 2004, des professeurs d’université ayant recueilli 190 000 signatures ont proposé une loi d’initiative populaire pour obtenir 6 % du PIB pour l’enseignement, elle a été adoptée.

En Pologne, sur les 1910 propositions ou projets de lois, 55 sont des initiatives populaires, le plus souvent sur l’impulsion d’associations mais aussi des partis politiques. 49 ont été renvoyées, 38 corrigées, 21 acceptées en première lecture, 8 ont été votées (le plus souvent largement amendées), 8 sont en cours.

Pendant la législature 1997-2001 :

- trois propositions approuvées : la préservation du caractère national des ressources stratégiques, la réforme de la Fondation de l’éducation Nationale, les changements dans la Charte du Professeur ;

- deux non votées : les niveaux de retraites pour le service public (la police, les pompiers, la garde frontière, l’armée, etc.), l’environnement et la gestion des déchets.

Pendant la législature de 2001-2005 :

- 5 approuvées : l’interdiction de la propagation de violence dans les médias, l’environnement et la gestion des déchets, l’emploi et la prévention

3 Nous n’avons pas trouvé d’exemples dans les autres pays, mais nos recherches ne sont pas

du chômage, loi sur la pharmaceutique, aide financière pour les familles monoparentales et sur les retraites.

- 13 dont deux reprises de la législature précédente, non votées : les niveaux de retraites pour le service public (la police, les pompiers, la garde frontière, l’armée, etc.), la réforme du Code Pénal, un projet concernant le travail des infirmières, le partage administratif du pays (création d’une nouvelle voïvodie : la Poméranie Médiane), la création du Fond Alimentaire, le financement de l’assistance médicale, les seuils de TVA, la privatisation et la restructuration de la chaufferie à Lodz.

En 2005-2006, 8 (toutes reprises) sont en cours : la réforme du Code Pénal, la privatisation et la restructuration de la chaufferie à Lodz, les seuils de TVA, un projet concernant le travail des infirmières, le financement de l’assistance médicale, la création du Fond Alimentaire, le partage administratif du pays (création d’une nouvelle voïvodie : la Poméranie Médiane), la réforme des prestations de retraites et de pensions.

Les référendums d’initiative populaire portent sur des sujets fondamentaux, des choix de société. Nous avons trouvé neuf exemples.

En Hongrie, deux référendums d’initiative populaire ont été organisés et ont échoué : en 1990, sur l’élection du président de la République au suffrage universel direct, la participation n’était que de 14 % ; en 2004, le référendum d’initiative populaire a été invalidé par manque de participation. Il portait sur deux questions : l’une sur la privatisation des hôpitaux publics (51,35 % de oui, soit 18,58 % des inscrits), l’autre sur la possibilité aux Magyars des pays voisins de solliciter la nationalité hongroise (65,14 %, soit 23,63 % des inscrits).

En Lettonie, deux procédures dans le cadre de l’art. 72 de la Constitution.

En Lituanie, une proposition, en 1994, qui a recueilli 600 000 signatures, sur le dédommagement financier aux épargnants victimes de l’inflation (et, cf. infra, sur la tenue d’élections anticipées), mais la participation n’était que de 36,8 %.

En Pologne, trois propositions de référendum d’initiative populaire, toutes rejetées : en 1998, sur le partage administratif de la Pologne ; en 2000, sur la privatisation des biens publics ; en 2002, sur la nécessité d’un accord du peuple pour la vente des terres aux étrangers.

En Slovénie, un seul référendum d’initiative populaire a été organisé : en décembre 1996, sur le mode de scrutin, la participation de 50 % n’étant pas atteinte, le référendum a été invalidé.

Quant aux révisions constitutionnelles d’initiative populaire, cinq exemples :

En Pologne, deux propositions : en 1997, sur un deuxième projet de Constitution ; en 2005, sur la réforme du régime politique, la proposition a été rejetée.

En Slovaquie, deux propositions : en 2000, sur la convocation d’élections législatives anticipées (92 % de oui mais seulement 20 % de participation) ; en 2004, sur la même question, le taux de participation n’a pas non plus été atteint.

En Lituanie, le référendum de 1994 comportait également une question sur la tenue d’élections anticipées.

Ces mesures d’initiative populaire placent les citoyens comme complémentaires aux représentants. Le référendum hongrois de 1990 est particulièrement intéressant. Dès octobre 1989, le débat sur le mode de désignation du président de la République a connu de nombreux rebondissements : une fois élu par le Parlement, une fois par les citoyens. Un premier référendum (26 novembre 1989) a opté, à une faible majorité, pour l’élection par le Parlement. Or, l’Assemblée (élue en 1985) modifia la Constitution en faveur d’une élection au suffrage universel direct. Puis, la nouvelle Assemblée, élue en mars 1990, amende à nouveau la Constitution pour revenir à une élection par le Parlement. Et c’est finalement une initiative populaire qui entend trancher le débat. Cependant, le référendum du 29 juillet 1990 a été invalidé en raison du faible taux de participation (14 %).

Les citoyens prouvent leur engagement politique par le biais des initiatives populaires. Cependant, certains de ces exemples pointent les dérives possibles : l’instrumentalisation par une personne, un parti politique ou un syndicat.

II. La nécessité de garde-fous contre les risques