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INITIATION D'UN DEVIN AMAZULU

DE L'HOMME-MÉDECINE MENTAWEI

VI. INITIATION D'UN DEVIN AMAZULU

L'état d'un individu qui est sur le point de devenir un devin est le suivant : à premier abord il est d'apparence robuste, mais au cours du temps il devient délicat, sans être précisément malade... Il se montre difficile dans le choix de sa nourriture et s'abstient de certains aliments. Il prie ses amis de ne pas lui donner ces mets, car ils lui font du mal. Généralement il choisit ce qu'il aime et même ainsi ne mange que peu. Il ne cesse de se plaindre de douleurs dans différentes parties de son corps. Il raconte à ses amis qu'il a rêvé qu'une rivière l'emportait. Il rêve de différentes choses. Son corps est affaibli et il est hanté de rêves. Il rêve de nombreuses choses et à son réveil il dit à ses amis : « Mon corps est brisé au-jourd'hui. J'ai rêvé que de nombreuses personnes étaient en train de me tuer. Je me suis échappé, je ne sais trop comment. À mon réveil une partie de mon corps éprouvait des sensations différen-tes de l'autre. Mon corps n'était plus partout le même. » À la fin l'homme devient très malade et l'on va consulter les devins.

Les devins ne se rendent pas compte tout d'abord qu'il est sur le point d'avoir une tête molle. Il leur est difficile de découvrir la vérité. Ils ne cessent de dire des sottises et de faire de fausses déclarations jusqu'à ce que tout le bétail de leur client soit dévoré par leur ordre...

Les gens approuvent les dires des devins, car ils croient qu'ils en savent long. À la longue toutes les propriétés de l'homme sont dépensées mais il reste toujours malade. Ils ne savent plus que fai-re, car il n'a plus de bétail et ses amis l'aident à subvenir à ses be-soins, Finalement (lorsque tous ses biens ont été dépensés) un devin vient et dit que tous les autres ont tort. Il dit : « jJ sais que vous êtes venus me trouver, car vous n'avez pas été capables de faire quelque chose pour cet homme et que vous n'avez plus guère envie de croire qu'un devin peut vous aider. Mes amis, les autres devins se sont trompés. Cet homme est possédé d'un itongo. Il n'y a rien

d'autre. Vos gens font pression sur lui. lis sont divisés en deux groupes. Les uns disent : « Non, nous ne voulons pas que notre en-fant soit souffrant. » C'est pour cette raison-ci et pour aucune au-tre qu'il ne se rétablit pas. Si vous créez des obstacles à l'itongo, vous allez le tuer, car il ne deviendra pas un devin, mais il ne sera jamais plus un homme comme autrefois. Il restera ce qu'il est. S'il n'est pas malade, il deviendra délicat et faible d'esprit. Il ne pour-ra plus rien comprendre. Laissez-le seul et considérez le résultat auquel cette maladie aboutira. N'avez-vous pas vu que pendant la journée il n'a pas pris de remède et qu'il a tout juste absorbé une bouchée de nourriture ? Ne lui donnez pas de remèdes. Il ne mour-ra pas de maladie, car il aumour-ra ce qui lui convient. »

Ainsi cet individu pourra être malade pendant deux ans sans amélioration et même plus longtemps encore. Il peut laisser la mai-son pour quelques jours et les gens commencent à penser qu'il va al-ler mieux. Mais non, il reste enfermé chez lui. Cela continue jusqu'à ce que ses cheveux tombent. Son corps devient dur et dartreux. Il n'est plus ce qu'il était jadis. Les gens s'étonnent des progrès de la maladie. Mais sa tête commence à donner des signes de ce qui va [105] arriver. Il montre qu'il est sur le point de devenir un devin en bâillant à tout instant et en éternuant sans arrêt. Les gens disent :

« Non, vraiment il semblerait que cet homme va être possédé par un esprit. » Ceci se manifeste aussi par sa propension à priser.

Sur ce il devient malade. Il est secoué de légères convulsions et on lui jette de l'eau pour les faire cesser. Généralement il verse des larmes, tout d'abord modérément, niais ensuite il sanglote à haute voix. Au milieu de la nuit, quand les gens dorment, on l'entend faire du bruit. Il réveille les gens en chantant : c'est qu'alors il a composé un chant et hommes et femmes se réveillent et vont l'ac-compagner.

Son état est tel que l'on attend sa mort d'un jour à l'autre. Il n'a plus que la peau et les os et l'on croit que le soleil ne se couche-ra pas avant sa mort. Les gens s'étonnent de l'entendre chanter et ils frappent leurs mains à l'unisson. Ils commencent à reprendre courage et disent : « Oui ! Nous voyons maintenant que c'est la tê-te. »

Pendant le temps qu'il passe par cette initiation les gens du vil-lage souffrent du manque de sommeil, car un homme qui commence à devenir un inyanga est la cause de grands dérangements. Il ne dort pas et son cerveau travaille sans arrêt. Son sommeil est cons-tamment interrompu et il se réveille en chantant de nombreuses chansons. Les gens qui vivent près quittent leur village la nuit quand ils l'entendent chanter à haute voix et vont chanter à l'unisson. Il peut même chanter jusqu'au matin sans que personne n'ait dormi.

Les gens du village claquent des mains en cadence jusqu'à les meur-trir Alors il sautille comme une grenouille autour de la maison. Cel-le-ci devient trop petite pour lui. Il sort sautant et chantant et tremblant comme un roseau dans l'eau, le corps ruisselant de sueur.

Pendant ce temps-là on consomme beaucoup de bétail. Les gens l'aident à devenir un inyanga. Ils ont des moyens de rendre l'itongo blanc de façon à ce qu'il fasse des prophéties claires. Enfin on lui désigne un autre inyanga célèbre. Pendant la nuit, alors qu'il dort, l'itongo lui donne des ordres et lui dit : « Va chez tel ou tel. Va chez lui et il barattra ton bulawo, de sorte que tu puisses devenir entièrement un inyanga. » Il reste tranquille pendant quelques jours, après être allé chez l'inyanga pour qu'on lui baratte son bu-lawo. Quand il est de retour, il est un autre homme, car il a été pu-rifié et il est devenu un inyanga.

S'il doit avoir des esprits familiers, il entend continuellement une voix qui lui dit : « Tu ne parleras pas avec les gens. Nous leur dirons tout ce qu'ils demandent. » Il ne cesse de raconter ses rê-ves aux gens. Il dit : « Il y a des gens qui viennent me dire la nuit qu'ils parleront eux-mêmes à ceux qui viendront les interroger. » A la longue ceci se trouve être vrai. Quand il commence à prophéti-ser, son pouvoir cesse complètement et il entend les esprits qui parlent en sifflant et il leur répond comme il ferait à un homme. Il les fait parler en leur posant des questions. S'il ne comprend pas ce qu'ils disent, ils lui font entendre toutes les choses qu'ils voient.

VII. - L'INITIATION