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L'INITIATION D'UN PRÊTRE ASHANTI

DE L'HOMME-MÉDECINE MENTAWEI

VII. L'INITIATION D'UN PRÊTRE ASHANTI

La majorité des prêtres et des prêtresses assurent qu'ils ont adopté leur profession parce qu'ils ont soudainement découvert qu'ils étaient possédés par l'influence de quelque esprit. Cette ré-vélation se produit généralement sans qu'ils s'en rendent compte, alors qu'ils sont à vaquer à quelque occupation coutumière ou au cours d'une cérémonie [106] religieuse... Ils entendent la voix de quelque dieu et ils tombent dans un état de crise ou de transe. Un prêtre qualifié est alors appelé pour interpréter le phénomène. Il finit par conclure qu'un esprit particulier ou un dieu désire épouser la personne souffrant de cette affection. C'est à elle de décider ce qu'elle veut faire. Si le possédé y consent, il entre au service de quelque prêtre attitré du dieu qu'on lui a dit se manifester en lui.

Le noviciat dure trois ans au cours desquels le néophyte réside avec son nouveau maître. S'il est marié, il lui faut abandonner sa femme avec laquelle il ne peut plus avoir aucun rapport avant que son apprentissage soit terminé. Cet apprentissage comporte trois périodes, chacune d'un an. La première année se passe en ablutions cérémonielles, « en bains avec des médecines. » L'officiant recueil-le recueil-les feuilrecueil-les de certaines plantes pour « fortifier ses chevilrecueil-les » (pour la danse) et pour « faire en sorte que le dieu reste avec lui. » Le novice doit se laver pendant sept jours dans une décoction faite de ces feuilles. Alors les feuilles des autres plantes sont mêlées avec de l'argile blanche et frottées contre ses yeux « pour qu'il puisse voir le dieu tous les jours. » Si l'esprit de la possession ne veut pas se manifester à lui, le prêtre prend les feuilles d'autres plantes et les exprime sur les yeux, la jointure des genoux et les plantes des pieds du novice, « alors l'esprit s'en retournera d'où il est parti. »

On met certaines feuilles sous l'oreiller du novice qui ne peut entendre la voix de son dieu. Après quoi, l'officiant recueille les

feuilles de n'importe quelle plante poussant sur une tombe dans ce qu'on appelle « le bosquet des esprits. » Il les apporte au village où il les met dans un pot. Des œufs et une poule sont alors sacrifiés.

Le pot qui les contient est placé sur le tombeau d'où l'on a arraché les feuilles. Le novice reçoit l'ordre d'aller seul au milieu de la nuit dans le « bosquet des esprits » et de se baigner avec la médecine contenue dans le pot. Les esprits le frapperont et l'on entendra ses cris, mais il doit néanmoins se baigner.

Ces lustrations et quelques autres sont destinées à attirer

« l'esprit de la possession » sur le novice. Le bain dans le cimetière n'a d'autre raison que d'établir un contact avec les esprits des morts. Il se baigne avec ces esprits, usant de diverses plantes et racines. C'est alors que l' « esprit de la possession » vient sur lui, petit à petit. On peut le voir trembler.

En plus du tabou concernant les rapports sexuels, le novice doit observer les tabous de son propre dieu et ensuite ceux du nouveau dieu dont il cherche à devenir le prêtre. Dans ce cas particulier, il lui est en outre défendu d'extraire du vin de palme, de placer des trappes à poisson, de cueillir des noix de palme et de flâner dans la maison d'autres gens.

Pendant tout ce temps-là il vit avec le prêtre, il l'aide dans les travaux de sa ferme et, pendant la nuit, il dort dans le temple à cô-té du dieu au service duquel il est entré. Le vieux prêtre qui l'ins-truit, le surveille constamment. S'il se montre désobéissant et peu attentif aux leçons, on informe sa famille qu'il ne fera pas un bon prêtre et son instruction cesse.

L'instruction au cours de la seconde année est assez semblable à celle de la première année, sauf qu'on fait porter au novice divers fétiches et qu'on lui apprend les tabous propres à chaque fétiche.

On ne lui apprend pas encore à les établir ou à les rendre efficaces.

Il lui est alors permis de se baigner dans l'eau sans médecine et d'user d'une éponge. On le prévient d'avoir à s'abstenir de beau-coup de [107] choses : de boire des boissons alcooliques, de médire, de se quereller ou de se battre, de jamais invoquer son dieu pour tuer quelqu'un, de jamais aller à la cour du roi à moins qu'il n'y soit convoqué, de sortir la nuit pour rejoindre d'autres gens. On lui

ap-prend à saluer ses aînés en fléchissant le genou droit et en tou-chant le sol avec la main droite.

Pendant la troisième année on lui apprend à contempler l'eau, à deviner, à introduire des esprits dans les charmes ; on lui révèle les arbres qu'il doit saluer et la façon de s'y prendre et quels sont les animaux vindicatifs dont les esprits sont plus redoutables que d'au-tres.

C'est ainsi qu'on lui apprend ce qu'il y a au fond de l'eau. De l'eau fraîche est puisée à la rivière et de la force magique y est in-troduite par une incantation récitée par le prêtre, alors que le no-vice est agenouillé auprès d'un pot contenant du vin de palme, de l'huile de palme, sept œufs, du sang, des intestins, le cou et les pattes d'une poule.

« Vous dieux, venez et acceptez ce vin et buvez.

« Vous esprits, venez et acceptez ce vin et buvez.

« Arbres et lianes, venez et acceptez ce vin et buvez.

« Etre suprême, qui seul es grand, c'est toi qui m'as créé, viens et accepte ce vin et bois.

« Esprit de la terre, viens et accepte ce vin et bois.

« Esprit des étangs, viens et accepte ce vin et bois.

« Restez derrière moi avec votre présence et faites que je sois possédé par une bonne possession.

« Ne prends pas d'eau ni ne la garde dans ta bouche lorsque tu me parles (adresse-toi à moi clairement).

« Si quelqu'un est malade, laisse-le soigner.

« Lorsque je suis possédé et prophétise pour un chef, fais que ce que j'ai à lui dire ne soit pas mauvais.

« Ne me laisse pas devenir impotent.

« Faites que mes yeux ne soient pas voilés.

« Faites que nies oreilles ne soient pas bouchées.

« Faites que mon pénis ne réduise pas mon cou en esclavage. »

Ensuite on jette de nouveaux ingrédients dans le pot : un poids ashanti, un néolithe, plusieurs semences de l'abrus precatorius, di-vers cailloux blancs, un grain de collier rouge appelé urine de Che-val, l'os d'un mouton qui a été sacrifié au dieu local de l'individu, un grain de collier appelé akomen, un cauris, une houe en miniature et une semence ate. Le pot est placé sur un appuie-tête et on dit au novice de regarder dedans. Il peut alors contempler les visages de ses ancêtres, il peut aussi voir son dieu, c'est-à-dire que l'eau est troublée. Un proverbe dit : « Aucun prêtre ne peut regarder la fa-ce de son dieu et vivre. » Il prend une cuiller en bois, remue le contenu du pot et sort quelque chose avec la cuiller. On lui apprend ensuite la signification symbolique des objets mis dans le pot.

L'abrus precatorius, les grains de collier ahomen et l'urine de che-val, par exemple, signifient : « peine » ; le poids ashanti, « dette » ; le cauris, « ridicule » ; la semence ate, « pleurs » ; le néolithe,

« qu'une rainure sera creusée » ; la houe en miniature, « mort » ; la patte de poule, « que le sentier que tu dois suivre est libre », etc...

L'eau est considérée comme la femme du dieu. Le novice ne pourra pendant de nombreuses semaines regarder l'eau courante sans y voir les visages des esprits de ses ancêtres.

La dernière phase de l'initiation est maintenant prête à com-mencer. [108] Le candidat est averti d'avoir à s'approcher avec ré-vérence de certains arbres. Il doit leur dire : « Bonjour, grand-père, tiens-toi derrière moi dans une posture favorable. » On l'ins-truit aussi dans l'art de tirer des présages d'après la couleur des reins des poulets.

À la fin de la troisième année il passe au rang de prêtre attitré, non pas cependant avant que le rite suivant n'ait été accompli. Un pot est placé près de quelques poutres situées en dehors de la mai-son du vieux prêtre. A la tombée de la nuit, tambourineurs et chan-teurs s'assemblent et on met le feu aux poutres. Le feu doit être allumé avec un silex et un morceau de fer. Le nouveau prêtre porte un jupon en fibres de palmes et arbore tous ses charmes. On lui coupe les cheveux, qui sont mis dans un pot, et le vieux prêtre

exa-mine la tête de l'initié pour en enlever tous les mauvais « esprits de la possession », car ce sont eux qui, placés là par des fées, sont te-nus pour responsables des erreurs du prêtre. Le nouveau prêtre danse toute la nuit au son des tambours et des chants. Le matin, tôt, le pot est placé sur la tête de quelque jeune garçon à qui l'on dit de courir où il veut et de poser là sur le sol le pot renversé. Fi-nalement le nouveau prêtre « coupe » un mouton pour son dieu et prie :

« Dieu tel et tel, accepte ce mouton et mange-le ; aujourd'hui tu t'es marié avec moi. C'est un mouton que je te donne de mes mains, tiens-toi derrière moi dans une posture favorable. »

VIII. - INITIATION