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2. Cadre théorique

2.3 E-inclusion

L’inclusion s’est développée en Suisse en partie par les changements de regard sur le handicap, notamment suite à l’élaboration par l’Organisation des Nations Unies de la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH) en 2006 (Admin.ch.).

Dans cette convention, on retrouve la notion d’inclusion dans l’article 19, intitulé “Autonomie de vie et inclusion dans la société”. Elle est présentée comme la reconnaissance du droit des personnes ayant une déficience à vivre dans la société et d’y avoir autant de possibilités de choix que la population qui n’a pas de déficiences. Pour se faire, des ressources doivent être mobilisées pour que ces personnes puissent réellement être intégrées et participer à la vie en société. Parmi ces ressources, la CDPH cite l’accessibilité au logement dit “ordinaire” plutôt qu’à des lieux de résidence spécialisés, des accompagnements à domicile, des services publics ainsi qu’une éducation ouverte autant au public ordinaire qu’à la population présentant une déficience.

Dans un projet d’inclusion, d’intégration et de participation sociale, les Technologies de l’Information et de la Communication ont une place prépondérante car elles constituent une partie de l’inclusion et représentent la participation de toute personne sur un pied d’égalité à la société de l’information. Le créateur du World Wide Web, Tim Berners-Lee, a affirmé qu’il faut commencer dès maintenant à considérer l’accès à l’Internet comme un droit fondamental (Dagenais, Poirier & Quidot, 2012). La CDPH vise la suppression des obstacles présents dans l’environnement qui empêchent la participation sociale sur un pied d'égalité de personnes en situation de handicap. Si l’on souhaite que la vision “e-inclusion” devienne une réalité, il est nécessaire de rendre le monde virtuel accessible à tous. Une condition sine qua non pour atteindre ce but est de reconnaître toutes les personnes y compris celles présentant des déficiences en tant que membres de la société de l’information à part entière. Cette reconnaissance permet également de mieux les intégrer sur les plans : social, scolaire, professionnel et politique (Rieder & Riesch, 2016). Pour que ceci ait lieu, il est important de

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prendre en compte que les besoins en termes d’accessibilité changent d’un individu à un autre (Lussier-Desrochers, Caouette & Godin-Tremblay, 2015; Lussier-Desrochers & al., 2017). En effet, plusieurs études ont démontré que les personnes présentant une déficience intellectuelle utilisent souvent les outils technologiques tels que les tablettes, les lecteurs de musique portatifs, les smartphones ou encore les ordinateurs et ont besoin de la connexion internet. Ces personnes affirment qu’elles les utilisent surtout pour communiquer avec d’autres personnes, proches ou non, à travers les réseaux sociaux, regarder des images ou des vidéos et que ceci leur permet de se sentir comme la population courante (Lussier-Desrochers & al. 2017). Les TIC sont donc essentielles dans la vie de ces personnes et donc, il semble alors important de définir en quoi consiste l’”e-inclusion” et quels sont les obstacles actuels.

Lussier-Desrochers et al. (2017) ont recensé 5 domaines qui doivent être pris en compte dans l’inclusion digitale.

• Tout d’abord, les ressources financières pour obtenir le matériel ainsi que la connexion internet. L’achat d’outils technologiques implique un certain investissement, il est encore plus important chez les personnes ayant une déficience intellectuelle car ces dernières ont souvent de faiblesrevenus. Ainsi, l’e-inclusion nécessite entre autres le soutien et la compensation financière à travers les structures étatiques, les fondations privées, etc.

• Second domaine : les capacités sensori-motrices des personnes ayant une DI. En effet, dans l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication, ces personnes peuvent avoir du mal à effectuer les actions de base par exemple pour se connecter à internet, utiliser un clavier ou encore lire une page de par leurs difficultés en motricité fine, temps de réaction et motrices. Ainsi, dans une visée de rendre le monde numérique plus inclusif, il serait important d’élaborer des dispositifs adaptés comme une alternative à l'utilisation de la souris, des écrans tactiles ou encore des claviers plus larges.

• Troisième domaine : les compétences cognitives. L’utilisation d’internet demande plusieurs capacités cognitives, par exemple la planification, la mémoire à long terme, raisonnement inductif, etc. et ces dernières peuvent ne pas être optimisées chez les personnes ayant une déficience intellectuelle. La solution serait alors de créer des navigateurs et des sites web qui diminueraient ces charges cognitives ou encore d’appliquer les règles d’accessibilité universelle.

• Quatrième domaine : la dimension technique, c’est-à-dire toutes les opérations à faire pour maintenir en bon état le matériel informatique comme l’installation d’un antivirus. L’enjeu dans ce domaine pour les personnes avec une DI est qu’elles doivent être accompagnées dans ces processus de maintenance, par exemple à travers des guides en ligne.

• Enfin, le dernier domaine concerne les conventions sociales. Interagir avec d’autres personnes sur internet implique des compétences sociales, d’adaptation et d’abstraction. Les personnes présentant une DI, ayant moins facilement accès à ces compétences, s’exposent à davantage de risques comme transmettre des

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informations personnelles ou accepter des rendez-vous avec des étrangers malintentionnés. Ainsi, l’e-inclusion passe aussi par la sensibilisation à tous ces risques et en donnant des outils pour contrôler le partage d’information ou encore la gestion des prises de rendez-vous avec des personnes rencontrées sur internet.

À la suite de cette analyse, Lussier-Desrochers et al. (2017) proposent le modèle des liens dynamiques entre les dimensions de l’inclusion numérique (fig.2), qui prend en compte ces 5 dimensions.

Figure 2 : Le modèle des liens dynamiques entre les dimensions de l'inclusion numérique pour les personnes avec ID (Lussier-Desrochers et al., 2017).

Ce modèle reprend les 5 domaines de l’inclusion (ressources personnelles et environnementales, les capacités sensori-motrices, cognitives, les opérations techniques à faire et les connaissances des codes et conventions sociales). Le domaine “accès aux ressources numériques” est ajouté. En prenant les ressources personnelles et environnementales que chaque individu rencontre, l’inclusion digitale implique une interaction entre ces 5 domaines qui peuvent favoriser la participation sociale, et donc l’inclusion, des personnes ayant une DI à travers les Technologies de l’Information et de la Communication.

Plusieurs personnes présentant une DI ne peuvent ni participer ni tirer profit de la société numérique car l’environnement numérique n’est pas adapté à leurs besoins. Ce fait amène ces personnes dans une situation d'exclusion numérique qui est nommée “fracture numérique” (Romero-Torres & al., 2018, Lussier-Desrochers & al., 2016). La fracture

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numérique résulte d’un déséquilibre entre les demandes de la société numérique (facteur environnemental) et les capacités de la personne (facteurs personnels) (Lussier-Desrochers

& al., 2016).

On apprend de Pinède, (2018) qu’on peut identifier trois types de fractures numériques liées à la situation de handicap :

1. La fracture numérique instrumentale. Dans ce type il s’agit d’une fracture numérique qui est liée à un manque d'équipements ou d'accès à un réseau internet, à la

téléphonie mobile, etc.

2. La fracture numérique méthodologique, dite de « second degré » (Pinède, 2018, p.

17) liée aux compétences qui doivent être mobilisées pour que les personnes puissent s’approprier les contenus de l’information ou de services en ligne, voire pouvoir eux-mêmes offrir des informations ou des services.

3. La fracture numérique sociale est à la rencontre des sphères technique, culturelle et sociale. De nos jours où les individus sont de plus en plus connectés virtuellement, les TIC peuvent renforcer l’exclusion sociale de personnes déjà exclues, par le fait qu’elles ne peuvent participer à une vie sociale de plus en plus importante dans l’espace virtuel.

Le fait d’avoir de l’équipement, un accès à un réseau internet et les compétences minimums requises pour accéder dans le monde virtuel n’impliquent pas automatiquement la diminution de toutes les autres inégalités (sociales, culturelles, cognitives). Si la technologie offre des opportunités, elle peut en même temps générer des risques en matière d’effets d’échelles et de diversité d’ancrages (culturel, social, individuel). Pour les personnes présentant une déficience intellectuelle l’accès au monde virtuel peut à la fois leur amener des opportunités, mais en même temps peut accroître leur vulnérabilité.

Plusieurs études montrent non seulement que la fracture numérique place à l’écart de la technologie les citoyens avec déficiences, mais elle est en même temps un facteur important d’exclusion sociale. Ce phénomène est contradictoire avec le contexte politique et législatif actuel qui accorde une importance majeure à assurer une participation pleine et entière des personnes en situation de handicap dans toutes les dimensions de la vie sociale (Romero-Torres & al., 2018).