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2. Cadre théorique

2.5 L'autodétermination

L’autodétermination est une dimension importante de la qualité de vie. Elle est définie comme étant « les habiletés et attitudes requises chez une personne, lui permettant d’agir directement sur sa vie en effectuant librement des choix non influencés par des agents externes indus » (Haelewyck & Grosbois, 2004, p.174), ou encore comme les habiletés et les attitudes d’une personne de « faire des choix, s’affirmer, se prendre en charge, se connaître, prendre des décisions, revendiquer ses droits et développer son efficacité personnelle, s’auto-réguler et être indépendant » (Lachapelle & Wehmeyer, 2003, p.205). Une personne autodéterminée, a la possibilité de faire des choix et prendre des décisions, en accord avec ses préférences, valeurs et buts sans interférences non justifiées, pour déterminer le degré de contrôle qu’elle souhaite avoir sur sa propre vie et en garder ou augmenter sa qualité de vie. Il est important de souligner que l’autodétermination est une action volontaire qui permet à la personne de devenir son premier « agent causal » de sa vie (Shogren, Wehmeyer, Palmer & Forber-Pratt, 2015). Les résultats d’une étude de Wehmeyer et Schwartz (1998), qui analyse la relation entre l’autodétermination et la qualité de vie, montrent que l’autodétermination est un bon prédicteur d’un meilleur niveau de qualité de vie chez les personnes présentant une déficience intellectuelle et qu’il est important d'accroître le soutien et la promotion de l'autodétermination chez les adolescents présentant une DI. Il est nécessaire de donner à ces personnes l'opportunité de faire des choix et d’être créateurs de leurs projets de vie. Les résultats de cette recherche montrent que les personnes ayant une DI qui peuvent mieux contrôler leur vie sont susceptibles d’avoir une qualité de vie supérieure.

Selon le modèle fonctionnel de l’autodétermination (Lachapelle & Wehmeyer, 2003), les facteurs déterminants l'émergence d’un comportement autodéterminé sont:

4. Les capacités individuelles (déterminées par le développement personnel et les situations d’apprentissage) ;

5. Les occasions fournies par l’environnement et les expériences de vie ; 6. Les types de soutien mis à la disposition de personnes ;

7. Ces facteurs varient en fonction des perceptions, des croyances entretenues et par les membres de l’entourage.

Le caractère autodéterminé ou pas du comportement d’une personne est relevé par quatre caractéristiques essentielles :

5. La personne agit de manière autonome. Cela signifie que la personne agit en fonction de ses intérêts, préférences et/ou aptitudes et sans influences externes exagérées ou ingérence. Une personne autonome est capable de prendre des décisions, de faire des choix dans sa vie.

6. Le comportement est autorégulé. Le processus d’autorégulation représente les stratégies d’autogestion (auto-instruction, autoévaluation, autorenforcement), la capacité à se fixer des buts, la résolution de problèmes, la prise de décision et l’observation. Une personne relève d’un comportement autorégulé si elle décide

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quelles compétences utiliser dans telle situation, est capable d’analyser la tâche et de formuler, de mettre en place et d’évaluer un plan d’action et ses ajustements nécessaires. Les personnes autorégulées essaient d’observer leurs comportements et d’apprendre de leurs expériences de vie. Ainsi, elles développent des compétences nécessaires pour surmonter les difficultés de la vie quotidienne.

7. La personne agit avec “empowerment” psychologique. Ce concept signifie avoir le sentiment de modifier son environnement (Bastien, Renard & Haelewyck, 2015). Le concept d’“empowerment” psychologique découle des dimensions de la perception du contrôle (efficacité personnelle, lieu de contrôle et motivation). La personne agit avec empowerment psychologique si ses actions sont en concordance avec ses croyances et qu’elle est capable d’intervenir sur des changements dans son environnement pour produire des résultats attendus. Les individus acquièrent une perception d’empowerment psychologique par un processus d’apprentissage et d’utilisation d'habiletés de résolution de problèmes et de développement de contrôle sur leur vie.

La personne apprend à apprécier les résultats en faisant distinction entre les conséquences de son comportement et efforts et l’effet de facteurs extérieurs (milieu, intervention, autrui). Au niveau de l’individu, l’empowerment se définit par un processus dans lequel la personne a une maîtrise et un contrôle sur la manière dont elle mène son existence et qu’elle développe un esprit critique sur l’environnement qui l’entoure (Zimmerman, Israel, Schulz & Checkoway, 1992). L’empowerment se réalise lorsque les forces et compétences individuelles, les aides apportées par l’environnement de l’individu et les comportements proactifs permettent de mettre en place des changements en termes de politiques sociales (Zimmerman & Rappaport, 1988). L’intérêt de se pencher sur ce processus pour la recherche est qu’il fait partie des mécanismes importants dans le développement psychologique humain, car il permet de développer des compétences dans l’identification des ressources et le développement des stratégies adéquates à l’atteinte d’un but (Zimmerman &

Rappaport, 1988). Ce processus peut aussi être mesuré en termes de “degré d’empowerment”. Ce sont les capacités personnelles de la personne à prendre des décisions et les opportunités données par l’environnement qui définissent l’étendue et l’intensité de l’empowerment. Parmi ces opportunités, on comprend les aides psychologiques, mise à disposition de l’information, ressources matérielles, sociales, financières et humaines (Alsop & Heinsohn, 2005). Ces mêmes auteurs proposent un modèle pour mesurer le degré d’empowerment à l’aide de composantes quantifiables.

D’abord, nous pouvons quantifier la capacité de l’individu à faire ses propres choix, ensuite, nous pouvons quantifier les opportunités mises à disposition par les structures et organisations existantes. Le degré d’empowerment est défini par les choix qui ont pu être satisfaits suite à l’articulation de ces deux composantes. (Lachapelle &

Wehmeyer, 2003, Haelewyck & Grosbois, 2004).

Lachapelle et Wehmeyer (2003) énumèrent les facteurs qui font partie intégrante de l'émergence de comportements autodéterminés : faire des choix, prendre des décisions, résoudre des problèmes, se fixer des buts et les atteindre, s’observer, s’évaluer et se valoriser, pratiquer l’auto-instruction, promouvoir et défendre ses droits, avoir un lieu de contrôle interne, une conscience de soi, se connaître soi-même, avoir un sentiment d’efficacité personnelle et d’avoir la capacité d’anticiper les résultats de ses actions. Les auteurs mettent aussi en avant le fait que les adultes présentant une DI sont moins autodéterminés que les personnes sans

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déficiences. Selon le modèle de l’autodétermination, l'émergence de l’autodétermination est influencée par des facteurs personnels, mais elle peut aussi être influencée par des facteurs environnementaux. La mise en œuvre de mesures de soutien au développement de capacités implique de donner à ces personnes des occasions de prendre des décisions, de faire des choix et d’avoir le contrôle.

Plusieurs travaux (Desrochers, Lachapelle, Pigot & Beauchet, 2007 ; Lussier-Desrochers & al., 2011 ; Lachapelle & al., 2013 ; Lachapelle, Lussier-Lussier-Desrochers, Caouette &

Bélec, 2013) mettent en avant que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication peuvent être des modalités de soutien pertinentes à l'autodétermination auprès de personnes présentant une DI. Les technologies qui soutiennent de façon plus particulière l’émergence des comportements autodéterminés chez les personnes présentant des incapacités intellectuelles sont appelées « technologies de soutien à l’autodétermination » (Lachapelle & al., 2011). En effet, dans la population ayant une déficience intellectuelle modérée ou légère, vivant en appartement adapté, les recherches se sont principalement focalisées sur les activités de la vie quotidienne où plusieurs difficultés sont rencontrées comme l’application des fonctions exécutives (planifier, procéder par étapes, contrôler son action) et comment les outils technologiques peuvent pallier ces obstacles. On estime que ces technologies soutiennent l’autodétermination car elles permettent à des personnes de mettre à bien des activités de la vie quotidienne (faire à manger, faire le ménage, la lessive…) qui sont essentielles dans la gestion de la vie en appartement (faire un budget, hygiène corporelle, prise de médicaments, etc.). Elles peuvent également donner des informations utiles à l’utilisation des moyens de transport ou aux autres services publics (Lussier-Desrochers, Lachapelle & Caouette, 2014). En outre, elles permettent l’apprentissage de nouvelles compétences telles que les connaissances spatiales. Dans cet exemple, les connaissances spatiales se définissent par la capacité à trouver des points de repère, de pouvoir les relier et de créer un réseau. En faisant usage de réalités virtuelles, les personnes ayant une déficience intellectuelle peuvent acquérir ces connaissances leur permettant de se repérer dans leur environnement et de s’y déplacer, rejoignant l’objectif d’autodétermination et plus globalement, de participation sociale (Mengue-Topio, Courbois &

Sockeel, 2015). D’autres outils technologiques sont mobilisés dans le cadre de l’autodétermination. Il s’agit de logiciels utilisables sur smartphone. Ces logiciels permettent de donner des indications sonores, donnant le nom du logiciel mis à disposition une fois qu’on a appuyé dessus et invite à le faire une seconde fois pour le démarrer. Un autre exemple de technologie de soutien est celui des logiciels mettant à disposition des assistances visuelles de soutien, c’est-à-dire que le logiciel associe l’aide sonore à des images représentant les étapes de résolution d’une tâche (Lachapelle & al., 2011 ; Lachapelle, Lussier, Caouette &

Therrien-Bélec, 2013).

Lachapelle et al. ont réalisé en 2013 une recherche qualitative auprès de quinze adultes présentant une déficience intellectuelle sans trouble associé, sur la contribution de l’utilisation de logiciels d’assistance à la réalisation de tâches (ART) intégrés sur un téléphone intelligent, en lien avec l’émergence des comportements autodéterminés de ces personnes. Les objectifs plus spécifiques de cette recherche ont été…

…d’identifier les effets perçus par les proches et les intervenants de l’utilisation d’une technologie mobile d’assistance à la réalisation de tâches

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…d’identifier les facteurs modifiant les effets perçus de l’utilisation d’une technologie mobile d’assistance à la réalisation de tâches

…d’identifier la contribution possible de la réalisation de tâches sur l’émergence de comportements autodéterminés. Chacun des participants a utilisé l’ART pour l'exécution de deux tâches en milieu résidentiel et deux tâches en milieu de travail sur une base régulière pendant une période de 8 à 10 semaines consécutives. Pour que les tâches soient en concordance avec les besoins du participant, elles ont été choisies à la fois avec ce dernier, un proche et un intervenant. Les participants ont aussi bénéficié d’un suivi téléphonique pour que les chercheurs puissent vérifier le bon fonctionnement de l’appareil et offrir au besoin un soutien technique.

Les effets de l’utilisation d’ART perçus par les personnes présentant une DI, démontrés par les résultats de cette recherche sont au nombre de trois:

-la possibilité d’accéder à de nouvelles activités ou de réaliser des tâches complexes auparavant insoupçonnées, soit un accroissement de l’autonomie des participants conjugué à une augmentation de leur intérêt et de leur motivation à initier et à réaliser certaines tâches.

-un impact positif sur l’estime de soi des participants, dû au fait que les participants ont eu accès à un outil technologique socialement valorisé.

-les intervenants mentionnent une transformation dans leurs façons de soutenir les apprentissages comme la diminution de la nécessité de leur présence et la modification de type d’apprentissage par l’accès à des tâches de complexité supérieure qui s’apprennent plus rapidement.

Pour conclure, on constate un intérêt pour plusieurs outils technologiques tels que les logiciels d’assistance pour smartphones, éducatifs, d’assistance à la communication, soutien à domicile et sites internet, accessibles. Les recherches démontrent qu’elles servent l’autodétermination, mais que ceci ne peut se faire (Lussier-Desrochers, Caouette & Hamel, 2015) qu’à condition que l’octroi de ressources financières, une volonté d’implanter ces technologies dans les lieux accueillant les personnes avec DI et que les acteurs impliqués se montrent disponibles.

Dans la littérature, on trouve des recherches qui parlent d’une optimisation du design élaboré à partir de ce que l’utilisateur ayant un handicap peut et veut faire plutôt que de le forcer à s’adapter à l’interface. Il faut alors impliquer ces personnes dans l’élaboration du design du début jusqu’à la fin pour faire du web un outil essentiel dans l’empowerment de cette population. En effet, comme les personnes ayant un handicap sont les plus motivées à améliorer leur vie par l’utilisation des technologies, il semble important de créer des outils accessibles qu’elles peuvent elles-mêmes configurer (Ladner, 2008).

Dans le domaine de la déficience intellectuelle en termes de handicap, on y trouve l’étude sur la perception que les personnes avec DI ont de l’empowerment et des technologies de l’information et de la communication. Le concept d’empowerment y est vu en termes de participation, d’influence, de la prise de conscience de l’aptitude à influencer l’environnement et de la capacité d’adaptation des personnes concernées. L’idée est de voir à quel point les

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outils informatiques peuvent soutenir les personnes dans ces domaines. Tout d’abord, il est affirmé que le fait d’avoir des outils de communication est essentiel dans la participation, car ils permettent aux personnes avec une déficience intellectuelle de maintenir des liens sociaux et d’avoir des contacts avec le monde extérieur (par les médias). Cependant, ceci ne peut être appliqué que si les personnes concernées en ont conscience et ne sont pas freinées par les stéréotypes qui peuvent être formulés comme le fait qu’ils n’ont pas les compétences requises pour faire usage de ces outils (Renblad, 2003). C’est alors à travers des entretiens que l’auteur va rendre compte de quelle image les personnes avec DI ont de leurs capacités à influencer leur environnement malgré les croyances populaires à leur sujet. Les résultats ont montré que la majorité des participants aux entretiens disent avoir peu d’influence et expliquent qu’il est important pour eux d’avoir un contrôle sur leur vie comme la gestion de leur argent, leur vie sentimentale, leur travail, comment ils s’habillent, pouvoir donner son opinion, obtenir une aide adéquate à leur problème, etc. Dans ces entretiens, une partie des questions étaient sur les TIC et il en est ressorti que les personnes interviewées ont pour la plupart un ordinateur. Par exemple pour l’un d’eux, ce dernier lui permet de créer des images en rapport avec des événements de sa vie. Un autre l’utilisait pour trouver des réponses à ses questions en faisant des recherches sur internet, notamment sur la déficience qu’il avait.

L’ordinateur lui permettait aussi de faire des achats en ligne ou d’envoyer des mails. Pour conclure, bien que cet exemple concerne une population précise (des personnes ayant une DI modérée ou légère) dans un pays comme la Suède dont la politique sur le handicap diffère de celle de la Suisse, il nous donne des résultats importants pour la suite de notre travail. Le fait est que des outils comme l’ordinateur et internet peuvent pallier certains problèmes que rencontrent les personnes avec DI.

L’importance de l’accessibilité numérique se retrouve de manière très explicite dans les plans d’action e-Europe et représente un élément de la politique d’intégration pour personnes handicapées ou âgées, en facilitant leur autonomie scolaire, professionnelle ou personnelle (Burger, 2005).