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L’incertitude de la prise en compte de l’ordre public sociétaire lors du contrôle de la sentence arbitrale

Section 2 : La portée de l’ordre public contrariée par la faculté du règlement alternatif des litiges sociétaires

B- L’incertitude de la prise en compte de l’ordre public sociétaire lors du contrôle de la sentence arbitrale

206. L’arbitrabilité des litiges qui relèvent des questions intéressant l’ordre public ne signifie pas que la référence à l’ordre public disparaît de la justice arbitrale. Il est en effet communément fait obligation à l’arbitre de respecter le contenu des règles d’ordre public en litige afin de garantir la validité et l’exécution de sa sentence par les juridictions étatiques. C’est du moins, ce qui ressort de l’esprit même de l’arbitrage et qui le rapproche dans une certaine mesure de la justice institutionnelle509.

207. Fondamentalement, l’idée est de ne pas affranchir l’ensemble du processus arbitral de toute exigence relative à l’ordre public. Ce qui reviendrait à une libéralisation à l’extrême de la justice arbitrale qui, dans sa nature même, présente la particularité de pouvoir être soumise au contrôle du juge étatique, garant du respect de l’ordre public. Ainsi, dans les hypothèses où le juge d’appui a l’occasion de connaitre de la teneur de la sentence arbitrale, il vérifie notamment si l’arbitre s’est conformé aux dispositions d’ordre public de la matière. C’est, semble-t-il, la raison d’être des modalités d’intervention du juge étatique, organisées par la loi relativement à l’issue de la procédure arbitrale510.

208. Ainsi, la doctrine est unanime sur le fait que l’arbitre, « peut statuer sur des matières

intéressant l’ordre public sociétaire, et la seule limite de son intervention réside dans la violation de ce dernier, dont il ne doit pas être l’instrument »511. Il « ne peut pas écarter une

règle d’ordre public. Il doit même en faire une application d’office »512. En réalité, le contrôle de la sentence arbitrale opéré lors de l’exequatur ou à la suite d’une demande en annulation de

509 Voir P. MAYER, « L’arbitre et la loi », in Etudes offertes à Pierre CATALA. Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Litec, 2001, p. 226.

510 C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Montchrestien, 2013, n° 895

et s.

511 D. COHEN, Arbitrage et société, LGDJ, 1993, n° 280.

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la sentence est l’occasion pour le juge de vérifier si l’arbitre s’est conformé à l’ordre public sociétaire lors de la reddition de sa décision513. Néanmoins, on peut regretter avec la doctrine le constat qui se dégage de la pratique et selon lequel le contrôle de la sentence arbitrale est souvent « particulièrement léger »514. A cet effet, on a justement fait remarquer qu’en France, la jurisprudence se montre mesurée quant au contrôle de la sentence arbitrale au point de contrarier l’application de l’ordre public515.

209. Pour ce qui est du droit Ohada, les textes sur l’arbitrage prévoient aussi des voies de recours en vue du contrôle de la sentence516. Mais leur mise en œuvre révèle un réel défaut de prise en compte préjudiciable à la portée de l’ordre public sociétaire lors dudit contrôle. Presqu’à l’identique de l’article 1520-5° du code français de procédure civile qui prévoit un contrôle de la sentence arbitrale au regard de l’ « ordre public international »517, les dispositions du droit Ohada organisent elles aussi le contrôle de la sentence arbitrale en référence à la notion « d’ordre public international des Etats signataires »518. Toutefois, cet ordre public international auquel le juge d’appui doit se référer ne semble pas faire l’unanimité ; tant son sens que son contenu suscitent de récurrentes interrogations519.

210. En effet, dans le cadre du contrôle de la sentence arbitrale par le juge étatique saisi d’une demande d’exequatur ou d’un recours en annulation, le législateur Ohada invite le juge à se référer à l’ordre public international520. De ce fait, il est prévu que la violation par un tribunal

513 E. SCHOLASTIQUE, « Arbitrage et droit des sociétés » : Rev. Dr. et Patr., 2002, n° 105, p. 52.

514 M. BUCHBERGER, « L’ordre public sociétaire », in Mélanges en l’honneur du Professeur Michel GERMAIN,

op.cit., p. 198, n° 25. Voir aussi C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 981.

515 M. BUCHBERGER, « L’ordre public sociétaire », op.cit., p. 198, n°25 et s. ; adde C. JARROSSON,

« L’intensité du contrôle de l’ordre public », in E. LOQUIN et S. MANCIAUX (dir.), L’ordre public et l’arbitrage, LexisNexis, 2014, p.161. ; P. MAYER, « La sentence contraire à l’ordre public au fond », in Rev. arb. 1994, p. 615, n° 5 et s.

516 Voir dans l’AUA, les articles 25 et suivants qui organisent les recours contre la sentence arbitrale et les articles

30 et suivants qui fixent le régime de la reconnaissance des sentences arbitrales.

517 L’article 1520 du code de procédure civile français dispose en effet en son point 5 que « Le recours en annulation n'est ouvert que si (…) la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international ».

518 Cf. art. 26 AUA.

519 Voir P. DIEDHIOU, La reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales dans l’acte uniforme relatif au

droit de l’arbitrage de l’Ohada », in Mélanges en l’honneur du Professeur Jean-Michel JACQUET, LexisNexis, 2013, p. 494. A noter par ailleurs que la maîtrise du contenu de cette notion continue d’ébranler aussi la doctrine française. Voir notamment à ce sujet P. LAGARDE, Recherches sur l’ordre public en droit international privé,

LGDJ, 1959 ; R. LIBCHABER, « L’exception d’ordre public en droit international privé », in T. REVET (coord.),

L’ordre public à la fin du XXe siècle, Dalloz, 1996, p. 65.

520 Nous notons que la règle, telle que posée, vaut pour toutes les sentences arbitrales qu’elles soient rendues à

l’issu d’un arbitrage ad hoc ou sous l’égide de la CCJA. Mais nous n’entendons pas revenir sur la différence de terminologie utilisée par le législateur qui varie du règlement d’arbitrage de la CCJA à l’AUA. Le législateur parle indistinctement les expressions « ordre public international » (art. 30.6 du règlement d’arbitrage de la CCJA), «

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arbitral « d’une règle d’ordre public international des Etats signataires du traité » est une cause

d’annulation de la sentence arbitrale521. Aussi, la reconnaissance et l’exécution de ce dernier sont-elles refusées si la sentence « est manifestement contraire à une règle d’ordre public

international des Etats-parties »522.

211. Il devient dès lors important de savoir, dans l’hypothèse d’une sentence arbitrale rendue en matière de droit des sociétés de l’Ohada, si le contrôle de sa validité tient compte de l’ordre public sociétaire tel qu’il se dégage des dispositions applicables en la matière. Autrement dit, est ce que l’ « ordre public international des Etats signataires » est conçu de manière à s’entendre des dispositions d’ordre public des Actes uniformes, et donc de l’ordre public sociétaire de l’AUSC pour ce qui concerne la présente étude.

212. « La question divise profondément la doctrine »523, qui semble attendre une orientation jurisprudentielle précise524. Cette incessante recherche d’unanimité sur la notion d’ordre public international des Etats signataires serait notamment due à sa nature « passablement

ambigüe »525 et surtout au fait que les conceptions les plus défendues ne semblent pas prendre en compte les dispositions d’ordre public des Actes uniformes pour le contrôle des sentences arbitrales.

213. Certes, une tendance favorable à la prise en compte des règles d’ordre public des Actes uniformes dans la définition de l’ordre public international des Etats signataires de l’Ohada s’est d’abord dessinée. On a ainsi écrit que « cet ordre public international des Etats parties

[est], en réalité un ordre public communautaire qui doit tenir compte des règles impératives du droit Ohada et du droit international »526. Mais cette tendance ne semble pas avoir prospéré, parce que traduisant une « vision [qui] ne correspond pas à l’état du droit positif qui prévoit

des règles d’ordre public interne distinct de son ordre public international »527.

521 Voir art. 26 AUA. Voir aussi B. BAYO BYBI, « L’efficacité de la convention d’arbitrage en droit Ohada » : Rev. ERSUMA, n° 2, Mars 2013, p. 73.

522 Voir art. 31 in fine AUA, Pour les arbitrages CCJA ; voir art. 30.6 du règlement d’arbitrage de la CCJA. 523 S. I. BEBOHI EBONGO, « L’ordre public international des Etats parties à l’OHADA », in Rev. cam. arb., n°

34, juil.-août-sept. 2006, p. 4.

524 On a notamment écrit qu’ « Il appartient à la Cour commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA, juridiction supranationale, non seulement de préciser le sens de cette notion, mais surtout de définir un véritable ordre public communautaire de l’Ohada ». cf. S. I. BEBOHI EBONGO, « L’ordre public international des Etats parties à

l’OHADA », idem. Voir aussi Ph. LEBOULANGER, « L’arbitrage et l’harmonisation du droit en Afrique » : Rev.

arb. 1999, n° 3, p. 567, n° 53.

525 P. MEYER, OHADA : Droit de l’arbitrage, Bruylant, Collection « Droit uniforme africain », 2002, p. 258, n°

439.

526 P.-G. POUGOUE, J.-C. JAMES et alii, « Actes uniformes », in Encyclopédie du droit Ohada, Lamy, 2011, p.

82, n° 242.

527 G. NGOUMTSA ANOU, « Actes uniformes et conflits de lois », in Encyclopédie du droit Ohada, Lamy, 2011,

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214. C’est alors que, logiquement, on a ensuite soutenu que la « règle d’ordre public

international des Etats signataires » doit être distinguée de l’ « ordre public interne » de

l’Ohada qui, en droit des sociétés commerciales, s’assimile à l’ordre public sociétaire. L’ordre public interne de l’Ohada et l’ordre public international des Etats signataires n’entretiendraient qu’un rapport de voisinage dans lequel chaque expression recouvrirait une réalité propre528. Le premier désigne « toutes les règles communes impératives auxquelles on ne peut déroger par

convention »529. En ce sens, on a même expressément illustré que « l’essentiel des règles du

droit Ohada des sociétés forme des règles d’ordre public internes de l’Ohada » et « ne s’imposent pas nécessairement dans l’ordre international de l’Ohada »530. Quant au second, il s’agit d’un ordre public au sens du droit international privé qui n’a vocation à s’appliquer qu’à l’arbitrage des seuls litiges internationaux531. En tant que tel, le législateur ferait référence à « un ordre public d’éviction » dont le rôle est d’écarter l’application d’une loi étrangère532. Cette conception semble avoir été confortée par les juges de la CCJA qui ont décidé, dans un litige qui opposait deux sociétés de droit béninois relativement au commerce interne, que « c’est à tort qu’est invoquée la violation de l’ordre public international comme moyen d’annulation de la sentence rendue dans un tel arbitrage »533. A cet effet, la doctrine commente alors, que, ce faisant, la juridiction communautaire « révèle que certaines normes de l’Ohada s’appliquent à l’arbitrage interne tandis que d’autres, sont réservées à l’arbitrage international notamment la référence à l’ordre public international »534.

215. A notre avis, cette analyse soulève notamment deux réflexions. Primo, les décisions

issues des arbitrages internes échapperaient logiquement au contrôle de leur conformité en vue de leur éventuelle annulation. La raison en est que la référence faite à la notion d’ordre public international ne concerne que l’arbitrage international et surtout que le contenu de cette dernière notion ne recouvre pas celle de l’ordre public interne. Secundo, une telle façon d’appréhender l’ordre public international de l’Ohada introduit en droit Ohada une différence entre l’arbitrage interne et l’arbitrage international alors même que le législateur n’a pas entendu distinguer entre ces modalités de l’arbitrage535.

528 G. NGOUMTSA ANOU, « Actes uniformes et conflits de lois », idem.

529 G. NGOUMTSA ANOU, « Actes uniformes et conflits de lois », idem, p. 220, n° 196. 530 Idem, p. 217, n° 181.

531 P. MEYER, OHADA : Droit de l’arbitrage, Bruylant, Collection « Droit uniforme africain », 2002, p. 258, n°

439.

532 G. NGOUMTSA ANOU, « Actes uniformes et conflits de lois », in Encyclopédie du droit Ohada, Lamy, 2011,

pp. 220-221, n° 198.

533 CCJA, arrêt n° 045/2008, 17 juil. 2008, SONAPRA, Recueil CCJA, n° 12, 2008, p. 66. 534 G. NGOUMTSA ANOU, « Actes uniformes et conflits de lois », préc., p. 217, n° 181.

535 Sur l’absence de distinction entre arbitrage interne et arbitrage international en droit Ohada, voir A. FENEON,

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216. Par ailleurs, d’autres auteurs pour qui la formulation de la disposition légale n’est pas anodine, avancent que l’ordre public international dont parle le législateur est bien celui « des

Etats signataires du traité »536 et devrait, de ce fait, pouvoir s’interpréter comme l’ordre public international de chaque Etat signataire pris individuellement. Pour les partisans de cette forme d’interprétation537, « l’ordre public international d’un Etat membre », devrait s’entendre de l’ordre public international de l’Etat où l’annulation ou l’exequatur est demandé car, écrivent- ils, « celui [l’ordre public] d’un autre Etat peut être différent ».

217. Une telle approche avait été pensée par le Professeur Pierre MEYER538, qui avance néanmoins qu’elle ne serait envisageable que lorsque le litige soumis à l’arbitre ne relève pas d’une matière harmonisée dans l’espace Ohada. Mais étant donné que la décision annulant ou ayant refusé d’annuler la sentence pourra être connue de la CCJA en cassation539, une autre question de fond qui prouve théoriquement les limites de cette approche est de savoir si la CCJA pourrait apprécier la conformité d’une sentence arbitrale à l’ordre public international de chaque Etat partie et ce, surtout dans des matières qui ne font pas l’objet d’harmonisation540. Nous avons dit théoriquement puisque des auteurs rapportent qu’en pratique « l’examen de la

jurisprudence produite par les juridictions étatiques de l’espace OHADA en la matière révèle que dans les quelques cas inventoriés, le juge saisi s’est appuyé sur l’ordre public propre à son Etat pour refuser d’accorder l’exequatur sollicité »541ou d’annuler ou non la sentence critiquée.

218. Des développements qui précèdent, on perçoit non seulement la difficulté à mettre en

œuvre le critère de l’ordre public international comme repère de contrôle de la sentence

BENCHENITI et A. FALALI (dir.), Les annales de l’Université d’Alger I, Série spéciale - Colloques et

Séminaires, n° 3/ 2014, p. 162, n° 22. L’auteur note expressément « que le droit OHADA ne fait pas de distinction

entre l’arbitrage interne et l’arbitrage international ».

Pour un autre auteur, « la distinction entre arbitrage interne et arbitrage internationale n’est plus d’actualité »

dans les pays de l’Ohada et l’inutilité de la distinction entre arbitrage interne et arbitrage international en droit Ohada est une « originalité procurée par le droit Ohada en matière d’arbitrage » : Cf. O. BOTOE-BI-EVIE, Pour une promotion de la liberté contractuelle en droit OHADA des sociétés, op. cit., spéc. p. 216, n° 271 et p. 201, n° 252.

536 J.-P. ANCEL, « Le contrôle de la sentence », in P. FOUCHARD (dir.), L’Ohada et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean DUPUY pour le droit et le développement (Vol. I), Bruylant,

2000, p. 191. L’auteur se demande notamment : « pourquoi l’ordre public international ‘’des Etats parties’’ ? » et répond que cette formulation légale permet légitimement d’interpréter la notion comme « l’ordre public

international d’un Etat donné de cette communauté ».

537 B. MERCADAL (dir.), Code Pratique OHADA. Traité, Actes uniformes et Règlements annotés, éd. Francis

LEFEBVRE, 2014, p.168. Comm. sous art. 26 AUA.

538 Voir P. MEYER, OHADA : Droit de l’arbitrage, Bruylant, Collection « Droit uniforme africain », 2002, p.

258, n° 439.

539 Cf. art. 25 AUA.

540 Rappelons que, suivant les dispositions de l’article 14 du traité de l’Ohada, la CCJA n’est compétente que pour

les règles de compétence de la CCJA.

541 P.-G. POUGOUE, J.-C. JAMES et alii, « Actes uniformes », in Encyclopédie du droit Ohada, Lamy, 2011, p.

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arbitrale542, mais surtout l’incertitude généralisée relative à la prise en compte de l’ordre public sociétaire du droit Ohada à l’occasion du contrôle des sentences arbitrales en droit des sociétés. Mieux, le contrôle de la sentence n’étant qu’« éventuel »543, les parties peuvent, en raison du pouvoir de leur volonté sur la procédure arbitrale, adopter ou faire adopter conventionnellement des solutions qui s’inspirent moins de la règle de droit, soit-elle d’ordre public, que de leur sentiment d’équité.

219. De telles éventualités ne sont pas étrangères au droit Ohada, qui consacre la possibilité

pour les parties à l’instance arbitrale d’y mettre fin par transaction544. Aussi, les parties peuvent- elles confier à l’arbitre la mission de statuer en amiable compositeur545. Il s’agit dans cette dernière hypothèse d’une modalité de mise en œuvre de l’arbitrage dans laquelle l’arbitre amiable compositeur n’est pas obligé de statuer conformément à la règle de droit546. Pour le Professeur Loïc CADIET, dans l’amiable composition, « la contractualité de l’arbitrage est

même d’autant plus forte que l’arbitre aura mission de trancher le litige, non pas en droit, par application des règles juridiques, mais en équité, comme amiable compositeur »547.

220. Beaucoup d’auteurs soutiennent néanmoins que l’amiable composition ne permet en aucun cas à l’arbitre d’écarter les règles de droit d’ordre public. Mais dans les faits, il est clair que les arbitres, ne disposent pas de moyens pour distinguer dans la loi applicable, les dispositions d’ordre public qui devraient s’imposer à eux. Aussi, partant du fait que c’est « largement afin d’échapper à la référence nécessaire à la règle de droit que les parties désirent

souvent se soumettre à l’arbitrage [en amiable compositeur] »548, la mission que celles-ci confient à l’arbitre manifeste de leur part, « une renonciation conventionnelle au bénéfice de la

loi »549, même d’ordre public qui assurerait leur protection. Dans ces conditions, si la solution à laquelle aboutit l’arbitrage satisfait l’équité et l’intérêt commun des parties, il est possible

542 H.-J. TAGUM FOMBENO, « Regard critique sur le droit de l’arbitrage OHADA », http://www.tagumjoel.com/document/doc/regar_arb.pdf?8a5f82d7d95452317e518309eea91055=1b1cb316b2a2f 1f4d9133d91e649a487

543 M. BANDRAC, J.-P. DOM et B. Le BARS, « Arbitrage », in J.-Cl. Société-Traité, fasc. 29-30, n° 31. 544 Art. 16 AUA.

545 L’amiable composition est un système de résolution du litige reconnu dans le droit de nombreux pays

notamment dans les législations relatives à l’arbitrage. En droit Ohada, c’est l’article 15 de l’AUA qui consacre la possibilité pour les arbitres de « statuer en amiable compositeur lorsque les parties lui ont conféré ce pouvoir ». En droit français, les dispositions des articles 1478 et 1512 applicables respectivement à l’arbitrage interne et à l’arbitrage international disposent d’une part que « le tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles

de droit, à moins que les parties lui aient confié la mission de statuer en amiable composition » et d’autre part que « le tribunal arbitral statue en amiable composition si les parties lui ont confié cette mission ».

546 V. DAI DO, « L’amiable composition, une voie à privilégier dans l’arbitrage ? », in J. MESTRE (dir.), La paix, un possible objectif pour les juristes de droit des affaires, LGDJ, 2016, p. 261, n° 7.

547 L. CADIET, « Panorama des modes alternatifs de règlement des conflits en droit français », in R.L.R., n° 28,

2011, p.149, n° 4.

548 B. MOREAU et alii, « Arbitrage commercial », in Répertoire de droit commercial, Dalloz, 2013, n° 279 549 CA Paris, 28 nov. 1996, Rev. arb. 1997, p. 380, note E. LOQUIN.

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que, même contraire à l’ordre public, elle puisse être exécutée volontairement tant qu’elle ne subit –ce qui est probable– aucun contrôle de la juridiction étatique550. Sans doute que ces raisons sont de celles qui ont amené certains auteurs à affirmer que l’arbitrage en amiable composition est un mécanisme qui « permet à l’amiable compositeur de résoudre le conflit sur

des bases extra-juridiques »551.

221. Si l’arbitrabilité des litiges sociétaires, telle que posée par le législateur Ohada et exposée dans nos développements, dénote des limitations à la portée de l’ordre public sociétaire, il y a dans la réforme de l’AUSC davantage de raisons de douter d’une réelle portée impérative des dispositions d’ordre public sociétaire. En effet, comme s’il avait décidé d’instituer une « privatisation de la justice commerciale »552, le législateur Ohada offre désormais aux sujets de son droit des sociétés, la possibilité de recourir à de véritables modes amiables de règlement des conflits.

§2 : La relativité de l’ordre public, tirée de la mise en œuvre des autres modes de règlement amiable des conflits sociétaires

222. La réforme de l’AUSC a été l’occasion pour le législateur OHADA de diversifier les alternatives à la justice étatique qu’il offre en vue du règlement des litiges sociétaires. Désormais, la société et les associés peuvent, d’après le législateur, recourir à « d’autres modes

alternatifs de règlement des différends »553. Si la doctrine554 appelle à se rendre à l’évidence que, le recours à l’arbitrage rend aléatoire l’application effective de la règle de droit malgré l’obligation des arbitres de respecter la loi, on est fondé à se demander si le respect exclusif des prescriptions légales peut être assurée dès lors que les litiges sont susceptibles d’être réglés dans

550 En réalité, si la sentence rendue en amiable composition traduit le sentiment d’équité des parties au litige, il y

a peu de chance qu’elle fasse l’objet d’un contrôle de sa conformité à l’ordre public par le biais d’un recours en annulation. De même, cette sentence est fortement susceptible de s’exécuter volontairement. Ce qui dispense les

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