• Aucun résultat trouvé

La consécration de la liberté de recourir au règlement amiable des litiges sociétaires

Section 2 : La portée de l’ordre public contrariée par la faculté du règlement alternatif des litiges sociétaires

A- La consécration de la liberté de recourir au règlement amiable des litiges sociétaires

225. La position du législateur est clairement affichée à l’article 148 de l’AUSC. Outre l’arbitrage, les litiges sociétaires peuvent être soumis à « d’autres modes alternatifs de

règlement des différends». Avant la réforme de l’AUSC, les acteurs des sociétés commerciales

n’auraient pas pu songer à une telle liberté, puisque l’Acte uniforme semblait avoir, à l’exception de l’arbitrage, érigé des obstacles au recours aux modes alternatifs de règlements des différends557. En effet, aucune référence n’avait été faite à ces « autres modes alternatifs » dans l’AUSC, qui étaient pourtant consacrés par l’Acte uniforme relatif aux sociétés coopératives558. Mieux, au silence du législateur s’ajoutait la consécration du caractère d’ordre

555 Voir A. NGWANZA (dir.), « Les MARC en Ohada », in Journal Africain du Droit des Affaires, n° 1, 2011, p.

6 et s ; K. TSAKADI, « Quelle place pour les MARC dans l’harmonisation du droit Ohada des contrats ? » : Rev.

dr. unif. vol. 13, n° 1-2, jan. 2008, p. 511 et s ; A. DIENG, « Approche culturelle des ARD en OHADA », in JADA, 2011-1, p. 25 et s.

556 P. MEYER, OHADA : Droit de l’arbitrage, Bruylant, Collection « Droit uniforme africain », 2002, p. 14, n°

24. Pour l’auteur, les autres modes alternatifs de règlement des différends à savoir la médiation, la conciliation, la transaction… sont « des modalités de règlement amiable ».

557 L’une des faiblesses handicapant le plein épanouissement du droit OHADA est que « la médiation n’est guère mise en valeur dans la zone » ; cf. B. MERCADAL, « Préface », in Encyclopédie du droit Ohada, Lamy, 2011, p. XIV.

558 L’article 117 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés coopératives du 15 décembre 2010, dispose que « tout litige entre coopérateurs ou entre un ou plusieurs coopérateurs et la société coopérative […] peut également être soumis à la médiation, à la conciliation ou à l’arbitrage ».

Page | 115

public de l’ensemble de l’Acte uniforme qui, enlevait implicitement aux associés toute faculté de transiger559.

226. Paradoxalement, les politiques législatives contemporaines au droit Ohada se

caractérisent pour la plupart d’entre elles, par « un nouveau phénomène, une mode, somme toute

des modes à la mode »560. Dès lors et selon l’avis de la doctrine561 ainsi que des autorités de l’Ohada562, l’introduction des autres modes de règlement de différends à assez vite été définie comme un nouveau défi pour l’Ohada, notamment parce qu’en raison des évolutions contemporaines, la systématisation d’un recours aux modes de règlement amiable est clairement évoquée comme une alternative à la justice contentieuse instituée par l’Etat563. La réforme de l’AUSC a alors été l’occasion pour le législateur d’offrir la possibilité de régler les différends en droit des sociétés dans le cadre d’une « justice négociée »564. Pour ce faire, les rédacteurs de l’AUSC proposent le recours à un domaine véritablement ouvert des modes de règlement

559 Sous réserve de l’exception faite à l’arbitrage et dont les modalités ont été étudiées plus haut, le principe selon

lequel « on ne peut transiger sur l’ordre public » restait implicitement posé.

560 C. POLI, « La médiation : une technique juridique au service de la paix en droit des affaires », in J. MESTRE

(dir.), La paix, un possible objectif pour les juristes de droit des affaires, LGDJ, 2016, p. 281.

561 « Outre l’arbitrage, il existe d’autres modes de règlement des litiges que le recours aux juges étatique ou à

l’arbitrage, qui mériteraient une uniformisation. Il en est ainsi de la médiation et de la conciliation » : cf. J. ISSA SAYEGH et P.-G. POUGOUE, « L’OHADA : défis, problèmes et tentatives de solutions » : Rev. dr. unif. 2008, n° 1-2, p. 469.

562 Au début de l’année 2013, le Secrétariat Permanent de l’OHADA lançait un avis d’appel d’offre relatif à

l’extension de l’OHADA à d’autres matières notamment la médiation commerciale. Avis d’appels d’offre disponible sur : http://www.ohada.org/offres-emplois-sp/fr/sp/actualite/3673,selection-dun-consultant-ou-dun- groupe-de-consultants-pour-etude-sur-les-nouvelles-matieres-ohada.html. Voir aussi le discours de S.E Boni YAYI, alors président de la République du Benin l’occasion de l’ouverture du conseil des ministres de l’OHADA, les 14 et 15 juin 2012 à Cotonou. Dans ledit discours téléchargeable sur www.ohada.org/.../3638,conseil-des- ministres-de-lohada-benin-juin-2012 . Le président de la république du Bénin d’alors, M. Boni YAYI déclarait

notamment que l’on ne pouvait plus se permettre dix-neuf ans après la signature du traité de l’Ohada, d’éluder «

la question … de la médiation commerciale ».

563 Voir F. LECLERC, « L’avancée des MARC : ordre ou désordre ? Contribution à une théorie générale des

MARC », in H. BENCHENITI et A. FALALI (dir.), Les annales de l’Université d’Alger I, Série spéciale -

Colloques et Séminaires, n° 3/ 2014, p. 10, n° 7.

Aussi, une étude récente, révèle-t-elle que la règle doit être de proposer chaque fois une transaction, une conciliation ou une médiation ; le traitement juridictionnel devant être l’exception : cf. A. GARAPON, S. PERDRIOLLE, B. BARNABE et alii, La prudence et l’autorité. L’office du juge au XXIe siècle, Rapport de la

mission de réflexion confiée par Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, à l’Institut des hautes études sur la justice,sur l’évolution de l’office du juge et son périmètre d’intervention, mai 2013, p. 31.

564 « Le but du recours à un mode alternatif de règlement des conflits est de parvenir à un accord, solution négociée et non imposée émanant des protagonistes eux même et non d’un tiers » ; cf. M.-C. RIVIER (dir.), Les modes alternatifs de règlement des conflits : un objet nouveau dans le discours des juristes français ?, [Rapport de recherche], Centre de Recherches Critiques sur le Droit, 2001, disponible sur https://halshs.archives- ouvertes.fr/halshs-01050858, p. 67, n° 134.

Voir aussi sur la notion de justice négociée relativement aux modes amiables de règlement des litiges : J.-P. BONAFE- SCHMITT, « La médiation : du droit imposé au droit négocié », in F. OST, P. GERARD et M. VAN DE KERCHOVE (dir.), Droit négocié, droit imposé, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis, 1996, p. 419 et s. ; P. FRUMER, « L’encadrement supranational de la solution contractuelle : l’impact des garanties du procès équitable », in S. CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ (dir.), La contractualisation de la production

Page | 116

alternatifs et ceci, contrairement au droit des sociétés coopératives de l’Ohada qui restreint le choix des justiciables à la conciliation et la médiation565.

227. A cet effet, les termes de l’article 148 de l’AUSC autorisent formellement le recours à tous moyens de règlement des litiges566 autrement que par une décision judiciaire ou par une sentence arbitrale. A ce titre, les mécanismes de règlement amiable des litiges qui s’offrent aux praticiens sont très variés puisque « les MARC représentent assurément aujourd’hui une

panoplie d’outils bien plus riche qu’elle ne l’était il y a encore une trentaine d’années »567. En tant que tel, ils comprennent généralement et sans aucune prétention à l’exhaustivité, « la

médiation et la conciliation, ainsi que les formes de négociation directe sans intervention d’un tiers, telle que la procédure participative »568. Mais d’après la doctrine africaine569, les modalités de règlement amiable les plus pratiquées dans l’espace Ohada sont la médiation et la conciliation et dans une moindre mesure, la procédure simulée ou le mini-trial570 qui reste quant

565 A cet effet, l’article 117 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives de l’Ohada dispose que

« Tout litige entre coopérateurs ou entre un ou plusieurs coopérateurs et la société coopérative relève de la

juridiction compétente. Ce litige peut également être soumis à la médiation, à la conciliation ou à l’arbitrage ». 566 On note qu’en France par exemple, les modes alternatifs forment une catégorie ouverte et se présentent comme

un « fourre-tout recouvrant une série hétéroclite de systèmes divers, tendant au règlement des litiges autrement

que par un jugement ou une sentence arbitrale » ; cf. J.-C. GOLDSMITH, « Les modes de règlement amiable des différends (RAD) » : RIDA 1996, n° 2, p. 222 et s.

567 Selon F. LECLERC, « L’avancée des MARC : ordre ou désordre ? Contribution à une théorie générale des

MARC », in H. BENCHENITI et A. FALALI (dir.), Les annales de l’Université d’Alger I, Série spéciale -

Colloques et Séminaires, n° 3/ 2014, p. 30, n°41. Voir aussi P. BOULISSET, « l’émergence des modes alternatif de règlement des conflits », in Annales des loyers, n° 4, 2002, p. 605 et s.

Dans le même sens, le Professeur Jacques EL-HAKIM a écrit qu’ « On a recensé aux États-Unis près de quatre-

vingt modes différents de règlement de conflits, tous pourvus, comme il se doit dans la tradition de ce pays-pilote, d’abréviations barbares qui tendent qui tendent à en définir le contenu ». Cf. J. EL-HAKIM, « Les modes

alternatifs de règlement des conflits dans le droit des contrats », in R.I.D.C, n° 2, 1997, p. 347.

568 C. POLI, « La médiation : une technique juridique au service de la paix en droit des affaires », in J. MESTRE

(dir.), La paix, un possible objectif pour les juristes de droit des affaires, LGDJ, 2016, p. 281

569 KENFACK (H.), « La médiation dans les droits ‘‘africains’’ », in W. BEN HAMIDA et S. BOSTANJI (dir.), La médiation dans tous ses états. Actes du colloque organisé à Tunis les 9 et 10 mars 2017, éd. A. PEDONE, 2018, p. 355 ; P. MEYER, OHADA : Droit de l’arbitrage, Bruylant, Collection « Droit uniforme africain », 2002,

p. 14 et s., n° 24 à 28 ; G. KENFACK DOUAJNI, « la conciliation et la médiation dans les pratiques contractuelles », in Actes du colloque internationale de Libreville sur « Les pratiques contractuelles d’affaires et les processus d’harmonisation dans les espaces régionaux », Publication de l’ERSUMA, 2012, 1ère édition, p.

259 ; P.-G. POUGOUE, J.-C. JAMES et alii, « Actes uniformes », in Encyclopédie du droit Ohada, Lamy, 2011, p. 29, n° 17.

570 D’origine américaine, la procédure simulée ou mini trial s’est exportée dans le monde sous l’influence des

milieux économiques et juridiques anglo-saxons dans lesquels il a connu un succès considérable, la pratique de la procédure simulée s’est sensiblement répandue dans les pays francophones du nord. Elle s’organise notamment en deux grandes étapes consistant d’une part pour les conseils des parties à échanger des mémoires et des pièces mais aussi à plaider chacun sa cause devant les représentants des parties, le plus souvent assistés d’un conseiller neutre. D’autre part, la deuxième phase consiste en un processus transactionnel au cours duquel les parties discutent et négocient en vue de conclure un règlement amiable. Voir M. De BOISSESSON, « Le mini-trial, un procès fictif » : Petites aff. 1987, n° 126, p. 134 et s. ; J.-C. NAJAR, « Le mini-trial, chimère ou panacée ? » : D.P.C.I. 1988, vol. 14, n° 3, p. 451 et s.

Page | 117

à elle encore peu connue571. C’est notamment pour cette raison que, sans pour autant occulter les négociations directes entre les parties au litige qui visent une résolution de leur différend sans l’aide d’un tiers, les développements qui vont suivre vont principalement s’intéresser à la médiation et à la conciliation.

228. Il faut par ailleurs noter qu’en dépit du fait que l’article 148 de l’AUSC soit formulé sans précision particulière, il consacre à notre avis, le recours aux modalités conventionnelles des MARC ; c’est-à-dire celles qui se déroulent sur initiative exclusive des parties et en dehors du cadre des juridictions institutionnelles de l’Etat572. Mieux encore, telle qu’elle est formulée, la disposition en cause semble traduire la volonté originelle du traité de l’Ohada de permettre aux justiciables de résoudre leurs litiges autrement que par le recours à la justice étatique. Une raison conceptuelle fonde davantage une telle conviction de notre part, celle selon laquelle, l’expression « modes alternatifs » exprime fondamentalement le souci de ses promoteurs de distinguer les méthodes qu’elle recouvre de tout recours aux juridictions étatiques. Cela justifie que les MARC soient de plus en plus définis comme un « ensemble de techniques de règlement

des litiges qui se situent en dehors des tribunaux et qui permettent aux parties de régler leurs litiges, tout en maintenant entre elles une communication ou un dialogue »573.

229. Ces traits caractéristiques des MARC apparaissent notamment dans la définition de la

médiation et de la conciliation conventionnelle574, qu’il ne nous paraît pas important de

571 G. KENFACK DOUAJNI, « la conciliation et la médiation dans les pratiques contractuelles », in Actes du colloque internationale de Libreville sur « Les pratiques contractuelles d’affaires et les processus d’harmonisation dans les espaces régionaux », Publication de l’ERSUMA, 2012, 1ère éd., p. 259.

572 Par exemple, la disposition de l’article 148 de l’AUSC ne semble pas faire référence à la modalité judiciaire de

la conciliation ou de la médiation, auquel cas, le législateur aurait sans doute précisé que les autres modes alternatifs de règlement des litiges qu’il consacre doivent être mise en œuvre sur invitation de la juridiction étatique ou devant cette dernière. C’est par exemple le cas dans l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement en doit Ohada. Voir l’article 12 de l’Acte uniforme portant organisation des Procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose qu’en cas d’opposition à injonction de payer, « La juridiction

saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation. Si celle-ci abouti, le président dresse un procès- verbal de conciliation signé par les parties dont une expédition est revêtue de la formule exécutoire ».

573 D. MATRAY (dir.), Arbitrage et modes alternatifs de règlement des conflits, éd. CUP, 2002, cité par R.

DIJOUX, La contractualisation des droits fondamentaux, op. cit., n° 293, p. 183.

574 Voir D. DRIDI, « La convention de médiation », in W. BEN HAMIDA et S. BOSTANJI (dir.), La médiation dans tous ses états. Actes du colloque organisé à Tunis les 9 et 10 mars 2017, éd. A. PEDONE, 2018, p. 29.

Page | 118

distinguer ici575 contrairement à une certaine tendance doctrinale576. En effet, « la médiation,

qui est uneconciliation par un tiers, n’en est qu’un avatar »577 ; l’une et l’autre consistant en un processus consensuel de gestion des conflits dans lequel le tiers impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel tente à travers l’organisation d’échanges entre les colitigants de les aider à régler un conflit578. Dès lors, la distinction qui serait fondée sur le rôle du médiateur, plus actif que le conciliateur579, n’enlève rien au pouvoir prépondérant des parties en conflit sur la substance purement conventionnelle de la solution envisagée dont la tendance est souvent d’écarter au besoin le droit positif en vue d’une solution consensuelle de rechange. Tout bien considéré, il apparaît que « la distinction reste fragile et artificielle, car elle reste

fondamentalement tributaire de la personnalité du conciliateur ou médiateur et fondamentalement dépendante de la bonne ou mauvaise volonté des parties concernées »580.

575 En effet la doctrine la plus autorisée renonce à distinguer la médiation de la conciliation suggérant de voir dans

la médiation une espèce de conciliation. Voir notamment Ph. FOUCHARD, « Arbitrage et modes alternatifs de règlements des litiges du commerce international », in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du

20ème siècle : A propos de 30 ans de recherche du CREDIMI – Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn –

Université de Bourgogne – CNRS, Litec, 2000, Vol 20, p. 109.

Aussi, la jurisprudence juge-t-elle de l’inopportunité de cette différenciation. Dans un arrêt du 16 juin 1993 (Cour de cassation, 2ème chambre civile, Bruère c/Caisse régionale de Garantie, JCP G 1993, I, 3723, n° 3, observations de L. CADIET), la cour de cassation française a décidé que la médiation, dont l’objet est de procéder à la confrontation des prétentions respectives des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur, est une modalité d’application de la conciliation.

576J.-L. VIVIER, « La réforme de la conciliation et l'introduction de la médiation » : Petites aff. 25 nov.1996, p.12.

L’auteur écrit notamment que « La différence entre la médiation et la conciliation est aisée à définir en théorie :

le conciliateur élabore une décision et recueille l'assentiment des plaideurs ; le médiateur aide les parties à élaborer elles-mêmes un accord ».

Voir aussi P. MEYER, OHADA : Droit de l’arbitrage, Bruylant, Collection « Droit uniforme africain », 2002, p.

16, n° 26. Distinguant la médiation de la conciliation, l’auteur écrit que « C’est précisément le rôle du tiers qui est

utilisé comme facteur de distinction entre la conciliation et la médiation. Le médiateur est en quelques sorte, un conciliateur particulièrement actif, dynamique et directif ». Il précise néanmoins que « La distinction entre la

conciliation et la médiation n’est pas unanimement acceptée ».

Voir par ailleurs F. VERT, « La confusion terminologique entre médiation et conciliation : un frein à leur développement » : Gaz. Pal. 31 jan. 2015, p. 9 ; M. BOITELLE-COUSSAU, « Comment choisir entre la conciliation et la médiation ? » : Gaz. Pal. Edition professionnelle, 12 et 13 juin 2015, n° 163 à 164, p. 9 et s.

577 L. CADIET, « Panorama des modes alternatifs de règlement des conflits en droit français » : R.L.R. 2011, n°

28, p. 150, n° 4. Voir aussi J.-C. GOLDSMITH, « Les modes de règlement amiable des différends (RAD) » : RIDA 1996, n° 2, p. 222, n°1 ; H. LECUYER, « A la recherche de la notion de médiation », in W. BEN HAMIDA et S. BOSTANJI (dir.), La médiation dans tous ses états. Actes du colloque organisé à Tunis les 9 et 10 mars 2017, éd. A. PEDONE, 2018, p. 17.

578 J. FAGET, Médiations, les ateliers silencieux de la démocratie, éd. Eres 2010, p. 27.

579 Sur le débat sur la distinction ou non de la conciliation et de la médiation, voir T. S. TOIKADE « La conciliation en droit judiciaire privé camerounais », 2016, disponible en ligne sur https://hal.archives-ouvertes.fr/hal- 01333621 , p. 22 et s. Voir aussi F. LECLERC, « L’avancée des MARC : ordre ou désordre ? Contribution à une théorie générale des MARC », in H. BENCHENITI et A. FALALI (dir.), Les annales de l’Université d’Alger I,

Série spéciale - Colloques et Séminaires, n° 3/ 2014, p. 35, n° 47. Selon ce dernier auteur, « contrairement à ce

qui peut se passer en matière de médiation, le conciliateur se contente de faciliter, d’encadrer et de formaliser la discussion entre les parties, mais ne propose pas de solution ».

580 M. A. MOURJI, « Les modes alternatifs de règlement des conflits. ‘‘ Un procédé séduisant, mais d’une

efficacité incertaine », in H. BENCHENITI et A. FALALI (dir.), Les annales de l’Université d’Alger I, Série

Page | 119

Mieux, il a même été proposé « de parler plutôt de médiation-conciliation pour souligner

l’absence de différence entre ces deux modes de règlement des conflits »581.

230. Dans son acte uniforme récemment élaboré relativement à la médiation (AUM)582, le législateur Ohada ne montre d’ailleurs aucune sensibilité aux arguments de la conception doctrinale favorable à une distinction stricte entre la médiation et la conciliation. Il a plutôt choisi d’appréhender sous le vocable unique de la « médiation », tous les modes de règlement alternatif des litiges, faisant intervenir un tiers en vue d’un règlement amiable. En conséquence, il se dégage de l’article premier de l’AUM, une définition « extensive »583 appréhendant la médiation comme « tous processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties

demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport… ».

231. Au-delà des précisions qui précèdent et en dépit de la récente réglementation

communautaire relative à la médiation, la réalité substantielle des « autres modes alternatifs de

règlement des différends », auxquels l’AUSC fait référence, est qu’ils contribuent à puissent être abandonnés à la liberté des colitigants la déjudiciarisation des rapports sociaux, favorisent « l’évitement du juge »584 ainsi que l’effritement du droit à un juge585. Toute chose qui ne garantit pas forcément le respect dû à l’ordre public ou plus largement à la norme juridique. En effet, l’application de ces modes de règlement des litiges au droit des sociétés de l’Ohada suppose que les litiges sociétaires en droit Ohada, en vue de solutions pacifiques adaptées à leurs besoins communs, et qui ne résident pas nécessairement dans la norme juridique.

232. Toutefois, en décidant ainsi de proposer et de laisser la conduite de ces modes

conventionnels de règlement des différends presqu’exclusivement à la discrétion des parties au

581 G. KENFACK DOUAJNI, « la conciliation et la médiation dans les pratiques contractuelles », in Actes du colloque internationale de Libreville sur « Les pratiques contractuelles d’affaires et les processus d’harmonisation dans les espaces régionaux », Publication de l’ERSUMA, 2012, 1ère éd., p. 261. Dans le même sens, le professeur

philippe DELEBECQUE écrit que « les deux notions sont équivalentes » : DELEBECQUE (Ph.), « L’état de la perception de la sécurité juridictionnelle dans l’espace OHADA : regard à partir des modes (alternatifs) non juridictionnels de règlement des conflits », in L. CADIET (coord.), Droit et attractivité économique : le cas de

l’OHADA, IRJS éd., 2013, p. 129.

582 Adopté à l’occasion du conseil des ministres de l’Ohada des 23 et 24 novembre 2017, l’acte uniforme relatif à

la médiation a été publié au journal officiel de l’Organisation le 15 décembre 2017 et est entrée en vigueur le 15 mars 2018.

583 A. D. FOULON et B. DEBOSQUE, « La nouvelle médiation dans l’espace Ohada, pour un meilleur accès à la justice », publié le 16 jan. 2018 sur https://afrique.latribune.fr/think-tank/tribunes/2018-01-16/la-nouvelle-

Outline

Documents relatifs