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(2 souvent avec les

Dans le document Ce volume consacré aux (Page 58-74)

Un inédit de Stéphane Mallarmé

(2 souvent avec les

moments <destin> derniers du délicieux enfant —

De fait, à partir du folio 53 (p. 151 sqq.), du folio 96 (pp. 194 sqq.)etdu folio 132-133 (pp. 230-231) se multiplient les ébauches d‟une structure du contenu, avec des plans en deux ou trois parties. Il n‟est pas sûr que le Rondel triste qui suit compense l‟inachèvement du Tombeau projeté dans les fiches : il paraît étranger à de tels plans, sinon à leur contenu. La mise à distance de l‟horreur passe ici par la récriture, comme si Mallarmé avait soudain, chez Hugo, reconnu la fraternité d‟un destin douloureux, une voix presque sienne. C‟est son style qui rend une l‟œuvre intéressante : Mallarmé s‟essaye à donner un ton funèbre à la forme d‟ordinaire enjouée du rondeau (qu‟il intitule «rondel»). Mais surtout, l‟on remarque une sourde lutte avec «V.H.», par delà les deuils comparables. Mallarmé, qui assimila Hugo à l‟alexandrin, réduit et allège prodigieusement les trois fameuses strophes (Contemplations, IV) écrites pour l‟anniversaire de la mort de Léopoldine. Comme souvent, c‟est pour lui l‟occasion de s‟élever de l‟anecdote au symbole qu‟elle permet d‟atteindre, de créer.

PLAGIATS ET FAUX

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V.H.

Demain, dès l‟aube, à l‟heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois tu, je sais que tu m‟attends.

J‟irai par la forêt, j‟irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l‟or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

RONDEL TRISTE

L‟heure d‟une aube sépulcrale Qu‟au surgir n‟exalte de bruit Si la pompe sacerdotale Fuyait ce jour comme de nuit Sauf si ta main s‟orne fatale Du houx sombre dont le vert nuit L‟heure d‟une aube sépulcrale Qu‟au surgir n‟exalte de bruit

Sache, de la tombe natale A l‟inutile soir qui luit, L‟âme d‟Anatole s‟enfuit

Car la baigne une eau plus lustrale L‟heure d‟une aube sépulcrale FOLIOS 5 (verso)/6 (recto) : ARVERS

Quelque temps après la mort de Félix Arvers, lorsqu‟il fut question d‟en : e'.ébrer la mémoire, une épigramme17 attestait la surprenante fortune du célèbre sonnet, en même temps qu‟elle suggérait perfidement la minceur d‟une gloire bâtie sur si peu :

Un monument au pauvre Arvers ? Qu‟a-t-il donc fait ? Quatorze vers.

Tous les contemporains avaient été séduits par ce texte, paru en 1833 dans Mes heures perdues, mais qui figurait déjà manuscrit sur l‟album de Marie No- ±er.

probable inspiratrice de la pièce. Ici, Mallarmé inaugure sans le savoir une

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tradition : la transtylisation du Sonnet d‟Arvers, où s‟illustreront bien des pasticheurs à venir (Georges-Armand Masson, Antoine Pol et Charles Dubin, Elenri Bellaunay, notamment). Outre la forme sonnet et l‟économie du traitement, le thème de l‟incommunicabilité l‟auront requis, tout lyrisme dépouillé. De fait, ici, le poète généralise le malaise du cœur souffrant de l‟incompréhension, et médite sur la valeur du poème écrit sur «l‟albe papier», «frappe unique». On note aussi, au v. 10, une formule (dont c‟est peut-être la première occurrence) promise, puisqu‟elle traverse

«Crise de vers», à un bel avenir («Le vers qui, de plusieurs vocables, refait un mot total, étranger à la langue et comme incantatoire»). Pareil «recyclage» perpétuel, l‟un dans l‟autre, du discours théorique et de la poésie, est une belle preuve, si besoin, de l‟hypothèse qui veut qu‟»en vérité, il n‟y a pas de prose».

Félix Ar vers 18

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère, Un amour étemel en un moment conçu : Le mal est sans espoir, aussi j‟ai dû le taire, Et celle qui l‟a fait n‟en a jamais rien su.

Hélas ! J‟aurai passé près d‟elle inaperçu, Toujours à ses côtés et toujours solitaire

Et j ‟ aurai jusqu‟au bout fait mon temps sur la terre, N‟osant rien demander, et n‟ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l‟ait faite bonne et tendre, Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d‟amour élevé sur ses pas ;

A l‟austère devoir pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tout remplis d‟elle,

«Quelle est donc cette femme ?» et ne comprendra pas.

SONNET

Glacé comme aux papiers albes les caractères,

Un autre cœur sans foi futile aura déçu Pour l‟âme éprise d‟aile un semblant de mystère Parcelle qui le voit fatalement insu.

Rien, qu‟à passer près d‟elle alors inaperçu, Sans que l‟absence auxjours vaguement délétère, Triste avec, mome jeu, ce délire conçu,

Des jours suivant ce jour aux longs rideaux s‟altère.

PLAGIATS ET FAUX

61 Par quel devoir occulte où ce beau cœur se mure !

Que garde un mot total à l‟instar d‟un murmure L‟albe papier subtil aussi qu‟elle déploie

Mis le doigt sur sa lèvre exquise d‟indolente Tandis que l‟âme élève une horreur plus que lente Féminine à jamais ne la saisir que proie.

FOLIOS 6 (verso)/ 7 (recto) : SULLY-PRUDHOMME

«L‟imagination matérielle» de Mallarmé, selon la belle expression de J.-P.

Richard, devait trouver aliment dans ce Vase brisé, autre monument dû à Sully- Prudhomme. D‟un côté, il va vers la concision, selon un principe d‟économie qui procède d‟un calcul rigoureux : Mallarmé réduit à un seul les quatre quatrains de l‟auteur parnassien. D‟un autre côté, il dédie cette réduction à l‟auteur du poème, et c‟est l‟indice que la matière sur laquelle il exerce désormais son imagination créatrice est le texte de ce dernier au moins autant que telle potiche accidentée. Ce quatrain est la seule pièce à comporter une signature en initiales, comme certains

«petits vers» effectivement offerts ou expédiés. Il pourrait s‟agir de la matrice originale d‟un envoi perdu (l‟on sait que Mallarmé n‟a pas dicté tous les «riens précieux» à sa fille Geneviève).

Armand Sully-Prud.

Le Vase brisé

Le vase où meurt cette verveine, D‟un coup d‟éventail fut fêlé ; Le coup dut l‟effleurer à peine, Aucun bruit ne l‟a révélé.

Mais la légère meurtrissure, Mordant le cristal chaque jour,

D‟une marche invisible et sûre En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fùi goutte à goutte, Le suc des fleurs s‟est épuisé ; Personne encore ne s‟en doute : N‟y touchez pas ! il est brisé.

Souvent ainsi la main qu‟on aime, Effleurant le cœur, le meurtrit.

Puis le cœur se fend de lui-même.

La fleur de son amour périt.

Toujours intact aux yeux du monde,

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Il sent croître et pleurer tout bas Sa blessure fine et profonde :

Il est brisé, n‟y touchez pas !

***

Sur un vase fêlé

Pour A. S.-P.

Ce vase, Armand, qu‟aucune brise Soit leur éventail, soit le vent De la croisée issu souvent,

Honnis le fel traître, ne brise.

S.M.

FOLIOS 7 (verso)/8 (recto) : BAUDELAIRE

«Il y a du talent chez ces jeunes gens : mais que de folies ! Quelles exagérations et quelles infatuations de jeunesse ! Depuis quelques années, je surprenais çà et là des imitations et des tendances qui m‟alarment. Je ne connais rien de plus compromettant que les imitateurs et je n‟aime rien tant que d‟être seul. Mais ce n‟est pas possible, et il paraît que Y Ecole Baudelaire existe»19.

L‟auteur des Fleurs du Mal n‟est pas le seul à remarquer ce phénomène, classique entre tous, de la contagion artistique. Que Mallarmé soit (entre autres) visé ne fait aucun doute : n‟avait-il poussé l‟audace jusqu‟à lui soumettre ses premières essais ? Le portrait au vitriol que brosse Barbey d‟Aurevilly dans les Trente-Sept Médailonnets du Parnasse fait un singulier écho aux inquiétudes de Baudelaire : Mallarmé y figure «le contemporain le plus surprenant, et pour les amateurs de haute bouffonnerie le plus inespéré. Original ? non... mais dans la violence de l‟imitation transcendant... Il a évidemment pour générateur M. Baudelaire, mais l‟effréné Baudelaire n‟est qu‟une perruque d‟académicien, correcte, peignée, ratissée, en comparaison de ce poulain sauvage, à tous crins, échevelé, emmêlé»20. L‟on se souvient aussi de la remarque, peut-être plus technique, d‟un Charles Cros :

«Mallarmé est un Baudelaire cassé en morceaux qui essaie en vain de se recoller»21. Le texte de La Chevelure a-t-il paru trop long ou verbeux à ce grand lec- ' teur de Baudelaire? Cela expliquerait qu‟il n‟en ait, de sa belle écriture ronde, recopié que la première strophe, close par un surprenant «Et caetera» ; Mallarmé n‟a jamais caché son goût pour la brièveté et la concision22. Littérairement parlant, le texte-source offrait une excellent aliment à des obsessions familières, en articulant déjà la thématique de l‟azur à celle de «la chevelure vol d‟une flamme...».

L‟oxymore «Casque d‟azur noir» compense-t-il le ton d‟ironie, à la limite du burlesque (voir les rimes milliardaires) ? On peut gager que Mallarmé, lorsqu‟il commet ces petits vers, ne fait plus partie, ou seulement de très loin désormais, à l‟encombrante «Ecole Baudelaire».

PLAGIATS ET FAUX

63 Ch. Baudelaire

La Chevelure

O toison, moutonnant jusque sur l‟encolure ! O boucles ! O parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l‟alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure,

Je la veux agiter dans l‟air comme un mouchoir ! Et caetera

Que sauf s‟il touche, ému, la tresse — Casque d‟azur noir aux reins chu —

Il ne peut guère, ô mulâtresse, Jouir ton Faune, lui barbichu.

*

Mordre sitôt le crépuscule Cette touffe de rêve noir Mérite, oui, cet opuscule (Sans cesser d‟agiter, pour voir).

FOLIOS 8 (verso)/9 (recto) : LECONTE DE LISLE Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,

Tombe en nappes d‟argent des hauteurs du ciel bleu.

Tout se tait. L ‟ air flamboie et brûle sans haleine ; La T erre est assoupie en sa robe de feu...,

Le plus célèbre des Poèmes antiques (1852) devient chez Mallarmé un po-me

«torride», bien éloigné de la sérénité contemplative sur laquelle s‟acheva;: le texte de Leconte de Lisle :

Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ; Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ; Et retourne à pas lents vers les cités infimes, Le cœur trempé sept fois dans le Néant divin.

C‟est pourtant cette dernière strophe que Mallarmé se borne à transcrire en vis-à-vis de sa performance. La récriture va dans le sens de ce que notait le poète en opposant VAprès-midi d‟un Faune à Hérodiade («Je me remets le premier mai à mon Faune, tel que je l‟ai conçu, vrai travail estival!»23). Le premier quatrain, au reste, est le seul où, par le thème et l‟allure, l‟auteur avoue sa dette envers son modèle parnassien. C‟est l‟heure du zénith. Dans T atmosphère étouffante, un Faune médite.

Ni nymphes, ni chèvres désormais ; faute de

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pouvoir accrocher son désir à rien de vivant, il se console en faisant des bonds pour atteindre le ciel, sa récompense suprême... Cette impuissance et cette résolution utopique font de lui le frère du Pître châtié, du Sonneur, et comme eux, un symbole indirect de l‟artiste tel que Mallarmé le conçoit. Autre source, pleinement autographe, L 'Après-midi d un Faune fournit non seulement le protagoniste, mais aussi les éléments de transition (nous les soulignons ci-après), comme si le sonnet Le Faune qu‟on va lire en était la suite narrative :

«Non, mais l‟âme

De paroles vacantes et ce corps alourdi Tard succombent au fier silence de midi :

Sans plus il faut dormir en l‟oubli du blasphème, Sur le sable altéré gisant et comme j'aime Ouvrir ma bouche à l‟astre efficace des vins !

Couple, adieu ; je vais voir l‟ombre que tu devins.»

Dès le second quatrain de notre sonnet, la désignation tout indirecte de «la chèvre» — dont le mot n‟apparaît qu‟au premier tercet (v. 10) —, ne contribue pas peu à l‟originalité puissante de cette pièce. Ce souci de doubler la périphrase énigmatique par la dénomination signale peut-être l‟œuvre de transition.

Leconte de L.

Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ; Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ; Et retourne à pas lents vers les cités infimes, Le cœur trempé sept fois dans le Néant divin.

***

LE FAUNE

Quand Midi, roi d‟Eté, accabla résolu D‟or la fouille nappée adjurant son haleine Infernale, dans l‟air un tourbillon de laine A estompé le lac que le sol n‟a pas bu.

La masse immaculée où le sabot fendu Toujours jalousera les tiens sur cette arène,

Faux miroir de la corne ! elle quitte une scène Altérant ton désir aux collines tendu.

A ce Faune battant l‟espace et pour sa fièvre Qui va jeter T amour brutal sinon la chèvre (Celle-là te scrutait muette et son œil rond) ?

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PLAGIATS ET FAUX

Si rien de vif n‟habite ou la palme ou la brume, Capricieux volcan que tu devins, ce bond, Que sa couronne au ciel éperdument l‟allume.

FOLIOS 9 (verso)/10 (recto) : HEREDIA

«Et sur les incarnats, grand ouvert, ce vitrail.»

(iOuverture ancienne, début de Y Incantation).

Le sonnet de José-Maria de Heredia, Vitrail, parut pour la première fois le 25 juin 1892, dans la revue La Lecture. L‟on a pu avec raison déchiffrer dans ce :e\te l‟influence déterminante de Théophile Gautier. En effet, Heredia faisait plusieurs emprunts évidents, tant thématiques que formels (tout un syntagme à la nme, souligné infra) à certain Portail, dans La Comédie de la Mort :

Les chevaliers couchés de leur long, les mains jointes, Le regard sur la voûte et les deux pieds en pointe (...) Un lévrier sculpté vous lèche le talon (...)

Aux reflets des vitraux la tombe réjouie, Sous cette floraison toujours épanouie,

D‟un air doux et charmant sourit à la douleur (...)

Le sonnet des Trophées ne justifie pas peut-être pas entièrement la définition rosse que Félix Fénéon donnait de l‟auteur dans son Petit Bottin des Let- tres et des Arts : «HEREDIA : Orfèvrerie, damasquineries, cuirs cordouans». Mais 2 illustre tout de même un goût déjà passablement suranné pour le Moyen-Age. les Romantiques n‟avaient-ils pas fini par lasser le public avec une littérature r :p souvent tournée vers le passé médiéval ? On note aussi — travers d‟époque — les spécificités d‟une manière très parnassienne de retour : la couleur locale es: à peu près exclusivement exprimée par un vocabulaire archaïsant, dans le cadre d‟une narration rétrospective assumée qui, elle, montre un décalage comparable à celui des Antiquités de Rome de Du Bellay par rapport au passé romain de l‟Italie à la Renaissance, entre la nostalgie du révolu et la conscience de /irréversibilité du temps.

L‟on sait toutefois que l‟originalité des contenus n‟est nullement de règle en poésie, pas plus pour un Baudelaire que pour un Heredia ou un Mallarmé. A /epoque, Heredia fréquentait les «mardis» depuis des années. Qu‟est-ce qui pousse son hôte de la rue de Rome à se saisir d‟une pièce qui figurera bientôt /uns toutes les anthologies ? Outre son exemplarité, que Mallarmé est l‟un des r -emiers à déceler, il faut compter l‟attrait pour un poème qui récrivait déjà un u _:eur cher, la fascination pour le thème du vitrail, ou bien encore la proximité r_ sonnet avec certaines de ses propres tendances (voir Sainte). Dans sa réponse 11 enquête de Jules Huret sur l‟évolution littéraire, notre auteur stigmatise en termes assez durs l‟écriture naturaliste, en des termes qui viseraient plutôt les Parnassiens «joailliers», s‟il ne s‟agissait du même défaut24. Il est d‟autant plus

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piquant de l‟observer ici en pleine correction de la copie heredienne, selon des vues sans doute difficiles à concilier avec la thématique choisie. Ainsi n‟évite-t- il guère l‟archaïsme, un effet surtout dû à la conservation massive du vocabulaire (des mots-rimes en particulier), mais aussi recherché dans certains tours syntaxiques («devers», v. 4 ; «près les», v. 9) qui n‟ont pas d‟équivalents chez Heredia. Il n‟empêche que le traitement en sonnet élizabéthain d‟octosyllabes fait un texte plus alerte, moins pompeux et comme tel bien distinct du «modèle» heredien.

José-M. de H.

VITRAIL

Cette verrière a vu dames et hauts barons Etincelants d‟azur, d‟or, de flamme et de nacre,

Incliner, sous la dextre auguste qui consacre L‟orgueil de leurs cimiers et de leurs chaperons ;

Lorsqu‟ils allaient, au bruit du cor ou des clairons, Ayant le glaive au point, le gerfaut et le sacre,

Vers la plaine ou le bois, Byzance ou Saint-Jean d‟Acre, Partir pour la croisade ou le vol des hérons.

Aujourd‟hui, les seigneurs auprès des châtelaines, Avec le lévrier à leurs longues poulaines, S‟allongent aux carreaux de marbre blanc et noir : Ils gisent là sans voix, sans geste et sans ouïe,

Et de leurs yeux de pierre ils regardent sans voir La rose du vitrail toujours épanouie.

***

Encore à souffler dans la nacre Un étonnement de clairons Avec le gerfaut et le sacre,

S‟emportait devers les hérons

Quand la verrière, soleil âcre A presque enflammer les barons,

Aux dames qu‟un luxe consacre Cingla d‟orgueil les chaperons.

Ces gisants près les châtelaines Ou l‟or par dessus l‟habit noir Et les boucles de leurs poulaines Se relèveraient pour te voir Splendeur de voûtes inouïe Rose de verre, épanouie.

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FOLIOS 10 (verso)/15 (recto) : MÆTERLINCK

«Mæterlinck m‟écrit ce matin, et je détache de sa lettre ces mots : «A part Stéphane Mallarmé, que je considère comme un des plus grands penseurs et des plus hauts esprits de ce monde.. .»»25.

L‟on sait combien, enthousiasmé par La Princesse Maleine, Mallarmé félicita Octave Mirbeau d‟avoir lancé l‟auteur belge par son article du Figaro : Vous avez deviné, et j ‟ai senti toute la délicatesse de mon nom prononcé, quelle joie me causerait l‟article sur Mæterlinck, d‟abord que vous raffolliez aussi du livre, et l‟éclat fait autour; il n‟y a pas jusqu‟au sourire, en songeant à la stupéfaction des gens... Quelle lointaine tapisserie que cette Princesse Maleine avec un vent d‟au delà dans les trous.. .»26. De son côté, Maurice Mæterlinck participera à l‟album d‟hommages réunis par Albert Mockel en 1897 avec un Fragment (en prose). Il lui fera parvenir Le Trésor des Humbles la même année.

Non moins fasciné par Pelléas & Mélisande, que Mæterlinck lui envoie en 1892, Mallarmé n‟allait pas tarder à en tirer un bien étrange texte, intitulé Dit de Mélisande. Il l‟écrit en suivant d‟assez près27 le début de l‟acte III, qui s‟ouvre parla célèbre chanson :

MELISANDE,à la fenêtre, pendant qu 'elle peigne ses cheveux dénoués. Mes longs cheveux descendent Jusqu‟au seuil de la tour !

Mes cheveux vous attendent Tout le long de la tour ! Et tout le long du jour !

Et tout le long du jour !...

C‟est la scène où Pelléas, venu par le chemin de ronde faire ses adieux à Mélisande, s‟exalte en un délire passionné à embrasser les cheveux de celle-ci.

Golaud les surprend et à la scène 2, il fait visiter à Pelléas les souterrains du château, comme pour agiter une sourde menace.

Sa Mélisande, l‟auteur d'Hérodiade la fait parler après la fuite du «page»

comme elle le nomme. Quelques traits la distinguent de l‟héroïne de Mæterlinck . La jeune épouse de Golaud est ici plus mûre ; dans sa longue tirade, elle tente de se rassurer, de se persuader qu‟elle a bien fait de ne pas céder à Pelléas, lequel semble s‟être montré plus audacieux que dans la pièce, à déchiffrer les allusions de ce passage :

Et, mes cheveux noués aux saules par les branches , Lui ! pour tel lys sanglant arraché sur des planches (Un désolement nu de vierge, ces matins)

Non loin du mur plus bas, plus bas, dans les jardins .

Non loin du mur plus bas, plus bas, dans les jardins .

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