• Aucun résultat trouvé

Les centons de Tristan Derême revisités

Dans le document Ce volume consacré aux (Page 183-197)

Le poète «fantaisiste» Tristan Derême a donné de nombreux centons dans ses ouvrages sur la poésie, au titre d‟«exemples de l‟auteur». Si l‟aspect de badinage dont il enveloppe son message est aussi daté que les auteurs qu‟il cite, ses expérimentations nous paraissent intéressantes du point de vue de la morphologie poétique, et méritent de sortir de l‟oubli où elles ont été laissées. Nous les passerons en revue sous trois rubriques, en présentant les échantillons les plus typiques.

Les poèmes en strophes ou en vers continus

Son premier livre L ’Enlèvement sans clair de lune ou les propos et les amours de M. Théodore Decalandre (Emile-Paul frères, 1925) comporte de nombreux poèmes faits d‟emprunts.

Le narrateur déclare s‟être fait «pillard élégiaque» parce qu‟il devait composer un poème pour le lendemain. Il s‟intitule «Les Tourments de l‟Absence»:

Que me font ces vallons, (1) ces tapis de verdure, (2) Le plus riant bocage est un lieu désolé;

Un seul être pour moi remplissait la nature, (3) Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. (4) Répondez, vallon pur, répondez, solitude; (5) Ce n‟est point qu‟en effet vous n‟ayez des appas, (6) Mais qu‟importe à mes pleurs votre sollicitude, Et tous les lieux enfin où je ne te vois pas? (7) Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse, (8) Ces gazons émaillés qui m‟ont vu dans tes bras (9) Sont doux encor, pour moi leur charme s‟intéresse, Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas. ( 10) Pourquoi vous fallut-il tarir mes espérances? (11) Pourquoi m‟accablez-vous de regrets superflus?

Amours, n‟espérez pas un terme à mes souffrances, Hors de l‟objet aimé, le monde entier n‟est plus. (12)

Dans un cauchemar, il donne les noms des poètes qu‟il a mis à contribution et le nombre respectif de leurs vers, et déclare: «[...] —j‟ai choisi les

DOSSIER REECRITURES

184

meilleurs vers des meilleurs poètes et, les unissant par une façon de pauvre ciment personnel, j ‟en ai construit ce petit monument à votre gloire. L‟architecte ne crée pas les pierres de la maison: il les place.»

Puis il craint qu‟on ne voit dans cette «oeuvre d‟amour et d‟érudition» qu‟une série de larcins. Il imagine alors de la publier pour que ses concitoyens puissent deviner l‟origine de ces vers. Dommage qu‟on ne puisse pas cliquer sur ces lignes pour obtenir leurs liens hypertextuels... Nous donnons et discutons en note les emprunts qu‟il a faits1.

Au total, sur les 16 vers de ce poème, 11 vers sont fabriqués avec 12 blocs empruntés à des monuments anciens, et les 5 vers restant (non numérotés) sont un ciment ajouté par T auteur pour les lier, avec imitation des veines et des couleurs des différents marbres employés.

Les poèmes choisis appartiennent au lyrisme élégiaque, et l‟assemblage de leurs plus beaux vers devait faire de ce poème nouveau un concentré d‟excellence...

Comme excuse à ce jeu, Derême remarque un peu plus loin que dans «La Cigale et la Fourmi», «Tout l‟été» est un vers de B aï F .11 en conclut : « et je ne veux point qu‟on m‟interdise de prendre à droite et à gauche quelques vers, sinon des strophes entières, à la façon des pêcheurs qui capturent des truites et des carpes, qu‟ils n‟ont point faites.»

Dans ce même livre il donne un poème pour saluer à la fois le quatrième centenaire de Joachim du Bellay et l‟entrée à l‟Académie de M. Pierre de Nolhac, un poète néoclassique distingué : c‟est un centon de sept quatrains d‟alexandrins, où il laisse au lecteur le soin de démêler quelle est la part de l‟un et de l‟autre.

Il donne aussi un quatrain dissimulé dans une prose où il avait caché des alexandrins (c‟est une facétie fréquente dans son oeuvre), pris à Delille et à Sully Prudhomme, sur le même thème de l‟Espérance. Nous indiquerons leurs frontières par des barres inclinées:

Tels sont l‟oeuvre et le sort de nos illusions, / elles tombent toujours et la jeune Espérance / leur dit toujours: «Mes soeurs, si nous recommencions.» (1) / Elle est le réconfort sur la terre et sur l‟onde (2), / l‟espérance au front gai, qui, lorsque tous les dieux / loin de ce globe impur s‟enfuirent dans les cieux, / nous resta la dernière et console le monde. (3)3...

Mais le centon de Derême le plus original nous paraît être le poème en vers libres qu‟aurait publié Lincoln Tich, un jeune poète fondateur de la revue

Le Cyclamen :

Un corbeau devant toutes les ronces Ent‟rouvertes.

Qui m‟admire, moi?...

Croasse!

Offusque mes regards!

THEORIES DES REECRITURES

185

Deux belettes sont couvertes De coings dorés.

Une ombre a perdu l‟esprit.

Mille grenades traversent L‟endroit où je passe,

Et deux renards sèment la terre De rubis et de parvis.

Comme ce poème est jugé obscur, le narrateur le réimprime en l‟assortissant d‟un commentaire:

Je montrai dans ces vers l‟image du poète au milieu des forces de la nature; la vie, ce grand hallier de ronces, qui, traîtreusement, s‟entrouvre, comme pour accueillir le voyageur, mais c‟est pour l‟étouffer, et partout le noir du corbeau de la mort; le poète, isolé, dédaigné (Qui m'admire, moi?), défiant le funèbre destin (Croasse! Offusque mes regards!), l‟identité de l‟animal et du végétal, les belettes pareilles à des cognassiers; les idées du passé condamnées à périr dans le grand progrès moderne {Une ombre a perdu l'esprit) et enfin la puissance du mystère, les renards remuant les fruits et les pierres précieuses. Etait-ce assez beau!

Mais le jeune poète fait part de son mécontentement de se voir attribuer ce qui résulte en fait d‟un «horrible mélange» entre un quatrain de Théophile de Viau:

Un corbeau devant moi croasse;

Une ombre offusque mes regards;

Deux belettes et deux renards Traversent l‟endroit oùje passe.

Et un quatrain du Cardinal de Bemis:

Toutes les ronces sont couvertes De coings dorés et de parvis;

Mille grenades entr‟ouvertes Sèment la terre de rubis.

«Quant aux mots qui restent inutilisés, ces deux quatrains reconstruits», ajoute-il, «je crois qu‟il faut les lire: «Qui m‟admire a perdu l‟esprit4

Le poème en vers libres est issu d‟une déconstruction de ces deux quatrains en vers réguliers suivie de leur recomposition. Mais alors que Derême utilisait comme éléments des vers qu‟il juxtaposait, ici les vers sont décomposés et leurs fragments sont intriqués5.

Ce poème a une signification polémique, car il se rapporte à certaines manifestations de la poésie «moderne» jugées inacceptables par le néoclassicisme désenchanté et ironique de Tristan Derême et de ses compagnons (dont la poésie semble s‟être arrêtée en 1913):

Il faut excuser la jeunesse qui est folle. C‟était au temps où de braves gens, ayant capturé les mots qui frémissent aux pages du dictionnaire, les jetaient en un chapeau, et,

DOSSIER REECRITURES

186

les yeux clos, les retiraient un par un, les transcrivaient ainsi à la queue-leu-leu, allant à la ligne de temps en temps, quant ils y songeaient. Ils portaient ensuite leur manuscrit à l‟imprimeur, en alléguant qu‟ils avaient enfanté des poèmes.

Il nous paraît faire une allusion à la fameuse recette d‟un autre Tristan (Tzara), intitulée «Pour faire un poème dadaïste», qui avait paru dans le n°18 de Littérature en décembre 19206.

Remarquons que Derême a choisi pour se moquer de T «incohérence» des poètes modernes un poème du XVIe siècle qui décrit le «monde à l‟envers». Quant à la phrase ajoutée, c‟est un message subliminaire qui «mine» le texte où il est glissé.

Ajoutons que le rechapage de vers comptés et rimés en vers libres était d‟ailleurs un jeu fort prisé à l‟époque de Derême, tantôt pour revendiquer cette innovation, tantôt pour s‟en moquer.

Derême donne un poème du même type écrit à la façon de Paul Fort, qu‟il admire, c‟est-à-dire en vers comptés et rimés alignés en prose:

Achève, prends ton luth après un tel affront, / et chante-nous des vers qui charment nos oreilles; / les plus désespérés sont parfois des merveilles / et j‟en vois d‟immortels qui germent sous ton front; / n‟imite point Sapho qui chut de sa presqu‟île; / sois sage en ton malheur et tiens-toi plus tranquille.

Ce centon se présente «... en vers de douze pieds, mêlant les membres épars de Musset, de Baudelaire et de Corneille et, pour vous, évoquant une célèbre femme de lettres.» C‟est un centon diffus, analogue aux disjecta membra de la poétesse après la chute: les vers originels sont démembrés et modifiés, avec quelques portions traduites synonymiquement («les plus beaux» = «des merveilles»), ou homophoniquement («ô ma douleur»/ «en ton malheur»).

Dans Le Violon des muses (Grasset, 1935), l‟article «Le Poète ébéniste»

présente un poème d‟un autre de ses porte-parole, Polyphème Durand, qui se termine par des emprunts:

Ma songerie aimant à me martyriser, J‟ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Poète, prend ton luth et me donne un baiser D‟où monte dans le ciel la lune souterraine.

Les trois premiers vers, de Mallarmé, Nerval et Musset, sont dans toutes les mémoires. Le dernier, d‟Henri de Régnier, se trouve dans un poème de «La Sandale ailée», «Le Secret».

Le titre de l‟article s‟expliqueparune métaphore artisanale : «Mais quoi!

l‟ébéniste, qui veut construire une armoire, fait-il son bois lui-même? il le reçoit des arbres; et vous m‟accorderez que mes quatre planches viennent des plus belles forêts.»

Dans L'Escargot bleu (Grasset, 1936), Derême donne un centon de douze vers dans «Les Pantoufles du Poète et son Cheval» (où il a collé des vers de

THEORIES DES REECRITURES

187

Berchoux, Boileau, Molière, accommodé avec des siens propres).

Dans un autre poème de six vers, il insère de ses propres vers entre un vers de Verlaine et un autre: «J‟aimais jusqu‟à ces fleurs que je faisais couper», qui est un vers de Racine modifié: « J‟aimais jusqu‟à ces pleurs que je faisais couler» (dixit Néron dans Britannicus).

Mais son centon le plus long se trouve dans «Larcins d‟un poète». Il n‟est pas pur, et le ciment de l‟auteur l‟emporte sur les pierres qu‟il conjoint. Sont mis à contribution, comme le signale l‟auteur, dans l‟ordre, et parfois à plusieurs reprises, tels quels ou avec quelques modifications, des vers tirés d‟oeuvres de de Boissière, Baudelaire, Virgile, Sainte-Beuve, Bertin, Victor Hugo, Du Bellay, Ronsard, Paul-Jean Toulet, Laforgue, Musset, La Fontaine, Vigny, Lamartine (pour deux vers qu‟il a employés dans le premier centon cité).

Dans «Destin des poètes», Derême donne encore deux poèmes faits de suites de vers que son porte-parole sait par coeur, mais sans toujours «joindre d‟un ciment agréable ces pierres», c‟est-à-dire sans respecter les rimes dans le premier, ou l‟alternance dans le second. Il s‟agit de vers hétérométriques: Derême, après La Verdure dorée, avait basculé dans des discours faciles en vers mêlés lafontainiens.

Le premier de ces poèmes convoque respectivement des vers ou des groupes de vers de Guillaume Colletet, Ronsard, Villon, Ronsard, Maynard, Ronsard, et le second des vers Corneille, Ronsard, Malherbe, Maynard, Malherbe, Maynard, Guillaume Colletet...

Dans La Tortue indigo (1937), l‟article «Notre ami Boileau» présente un court centon fait de trois pièces en provenance respectivement de Boileau, Baudelaire et Berchoux:

Le vin au plus muet fournissant des paroles, Chacun a débité ses maximes frivoles, Réglé les intérêts de chaque potentat, Corrigé la police, et réformé l‟Etat;

Puis de là s‟embarquant dans la nouvelle guerre, Ou vaincu la Hollande, ou battu l‟Angleterre; (1) L‟un, sans prendre souci des mouchards, ses sujets, Épanche tout son coeur en glorieux projets.

Il prête des serments, dicte des lois sublimes, Terrasse les méchants, relève les victimes,

Et sous le firmament comme un dais suspendu S‟enivre des plendeurs de sa propre vertu. (2)

Il lègue à ses enfants des trésors, des provinces;

Sa femme est une reine et ses fils sont des princes;

Il triomphe au milieu de cet enchantement, Demande encore à boire et s‟endort en chantant.(3)7

Ces trois auteurs ont donc été choisis pour un thème qu‟ils ont en commun, celui de la folie des grandeurs que donne l‟ivresse. Les blocs prélevés sont joints en respectant l‟alternance en genre. L‟auteur signale la légère modifica

DOSSIER REECRITURES

188

tion » d‟un vers de Baudelaire : «L‟Un, sans» au lieu de «Et, sans.. .Et il émet même le souhait de corriger la rime trop pauvre du gastropoète par «et chante en s‟endormant».

Tout ceci pour faire aimer Boileau à l‟égal de Baudelaire! Nous remarquerons que Derême, qui cite dans ce même article un vers de la Satire II (celle sur la rime et la raison), ne pouvait en ignorer le passage où Boileau condamne les formules toutes faites que la rime apporte8. Nous y reconnaissons l‟esquisse d‟un centon, comme le prouvent ses images de couture (le mot grec centon signifie très exactement patchwork). Une poésie fondée sur l‟imitation ne peut engendrer qu‟une suite de centons, comme c‟était le cas de la poésie latine au collège, ce contre quoi le jeune Boileau avait composé une «Satira» en vers latins, parue en 17169.

Enfin, mérite d‟être cité en entier le poème que Derême donne dans/, 'Onagre orangé (Grasset, 1939), à l‟article «D‟un curieux poète, appelé Saint- Amant», où il montre Jocabel se penchant sur la tapisserie où elle travaillait (encore la couture!):

Elle en prend une pièce où l‟aiguille savante Avait représenté, d'une façon vivante,

Mille morts en la mort qui noya les pervers Quand l‟horrible déluge engloutit l‟univers.

Là, de pieds et de mains, les hommes noirs de crimes Des arbres les plus hauts gagnaient les vertes cimes;

L‟effroi désespéré redoublait leurs efforts, Et l‟on voyait pâtir leurs membres et leurs corps...

Dans ce malheur commun, les bêtes éperdues Grimpaient de tous côtés ensemble confondues;

Les abîmes du ciel, versant toutes leurs eaux, Interdisaient le vol aux plus vites oiseaux;

En la laine d‟azur la mer semblait s‟accoître;

Les monts l‟un après l‟autre y semblaient disparaître... (1) Ce fut alors qu‟on vit des hôtes inconnus Sur les bords étrangers tout à coup survenus;

Le cèdre jusqu‟au Nord vint écraser le saule;

Les ours noyés, flottants sur les glaçons du pôle, Heurtèrent l‟éléphant près du Nil endormi, Et le monstre, que l‟eau soulevait à demi, S‟étonna d‟écraser, dans sa lutte contre elle, Une vague où nageaient le tigre et la gazelle... (2) Un jour, ayant tari leur vaste réservoir, Les torrents épuisés cessèrent de pleuvoir...

Et j'attendis trois jours avec trois nuits entières.

Et le soleil encore épandit ses lumières, Et je vis que la mer, reprenant son niveau, Avait laissé renaître un univers nouveau, Mais vide, tout souillé des écumes marines, Et comme hérissé d‟effroyables ruines... (3)

THEORIES DES REECRITURES

189

Il indique que «.. .les quatre derniers distisques appartiennent au corbeau [sic]

des Poèmes Barbares, comme les huit alexandrins, qui marchaient devant eux, sont enfants d‟Alfred de Vigny». Effectivement, le début est un passage tiré du «Moyse sauvé», l‟idylle héroïque de Saint-Amant, sur la description de la pièce de tapisserie du déluge, auquel il a greffé deux autres descriptions du Déluge, pour en faire un poème très «baroque»10.

Les opérations sur le sonnet

Dans Le Violon des muses (Grasset, 1935), dans «Guirlande pour deux vers», il donne un alexandrin qu‟on pourrait qualifier de centon minimal: «Je pense à toi Myrtho... / —... la jeune Tarentine.» On y reconnaît la jonction avec chevauchement d‟une partie d‟un vers de Nerval «Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse...» et d‟une partie d'un vers de Chénier: «Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine!».

Mais surtout, il note qu‟il existe dans les «Chimères» une variante du sonnet

«Myrtho»: la version «A J.-y Colonna» présente des tercets différents, qui proviennent des tercets d‟un autre sonnet, «Delphica»11. Et il applique cette manipulation de Nerval à des sonnets de du Bellay, dans les Regrets de du Bellay:

aux quatrains du sonnet «Je me feray sçavant en la philosophie...», il colle les tercets de celui qui suit immédiatement, «Heureux qui comme Ulysse...», tout en respectant l‟alternance en genre entre les deux parties.

Il use d‟une comparaison horticole pour décrire cette «opération»: «La chair de la Muse est vivante; et, si l‟on greffe à l‟aubépine la branche du néflier, pourquoi, aux quatrains d‟un sonnet, ne grefferait-on pas six vers d‟une autre page?».

Dans La Tortue indigo (1937), «Les sonnets de M. Polyphème Durand»

présentent d‟abord, «un sonnet sans tête» issu de sa propre plume: un quatrain et deux tercets d‟alexandrins. Il rappelle sa définition abrégée du sonnet: «Sonnet, double quatrain qu‟un tercet double suit». Un quatrain suivi de deux tercets est pour lui « un sonnet à qui Ton a coupé la tête», un sonnet «décapité». C‟est une conception (erronée) qui nous paraît rappeler celle du sonnetologue Louis des Veyrrières : «Un autre sonnet réduit, mais plus régulier pourtant, se nomme acéphale ou tronqué, lorsqu‟on retranche le premier quatrain d‟un sonnet ordinaire.» Et il citeun exemple emprunté à François Maynard «qui pourrait être l‟inventeur de ce genre complètement oublié12 ». Cependant, le narrateur de La Tortue indigo souligne par la suite que ce sonnet sans tête est bien un dixain classique.

Son porte-parole donne huit «faux sonnets» en octosyllabes. Ils sont faux en ce qu‟il a ajouté un quatrain à un dixain puisé, indique-t-il, chez Tristan L‟Hermite, Saint-Amant, X, Théophile, Lagrange-Chancel, Brébeuf, Maynard, Corneille. La pièce VII s‟étaye sur une épigramme de Maynard:

DOSSIER REECRITURES

190

Il est autre onde que Neptune Et non moins pleine de fureurs Et des déserts pour nos erreurs Où ne luit d‟or que de la lune. (1)

Racan, Parnasse m‟importune;

Je n‟en goûte plus les douceurs.

Ceux qui sont flattés des neuf Soeurs, Ne le sont pas de la Fortune.

Ces pauvres filles m‟ont promis Plus de noms qu‟à tous leurs amis:

Je veux pourtant quitter leur bande.

L‟art des vers est un art divin:

Mais son prix n‟est qu‟une guirlande Qui vaut moins qu‟un bouchon à vin. (2)

Derême nous paraît avoir choisi ce dixain pour son schéma abba ccd ede, car les épigrammes de Maynard peuvent être aussi en abab ccd eed. Cette pièce peut ainsi être transformée en un sonnet régulier, moyennant l‟adjonction du premier quatrain, postiche (et pastiche), sur les mêmes rimes.

Il indique que la pièce X est composée avec un quatrain de «La Solitude» de Saint-Amant et de deux tercets empruntés à «La Vigne» du même Saint-Amant, avec intercalation d‟un quatrain de sa propre plume:

Que c‟est une chose agréable D‟être sur le bord de la mer,

Quand elle vient de se calmer Après quelque orage effroyable! (1)

Mais qui boirait sinon le diable Un verre de ce gouffre amer,

Lorsqu‟il faut déjà s‟alarmer D‟un broc d‟eau pure sur la table? (2)

Que sous les climats froidureux Les peuples sont bien malheureux De n'avoir aucun cep de vigne!

(3)

Tout plaisir leur est interdit;

Le ciel en tout temps leur rechigne, Et la nature les maudit. (4)

En fait il prend le début abba d‟un dixain abbacdcdee de «La Solitude» (1), et il décompose en aab cbc un sixain aabcbc d‟une chanson insérée dans «La Vigne» (3 et 4). Entre les deux, il insère son quatrain (2), où il s‟amuse à mimer les rimes normandes du premier extrait.

En fait il prend le début abba d‟un dixain abbacdcdee de «La Solitude» (1), et il décompose en aab cbc un sixain aabcbc d‟une chanson insérée dans «La Vigne» (3 et 4). Entre les deux, il insère son quatrain (2), où il s‟amuse à mimer les rimes normandes du premier extrait.

Dans le document Ce volume consacré aux (Page 183-197)