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Implication managériale : les neuf étapes traduisant opérationnellement l’analyse et la

Partie 4 : Evaluer, piloter et rendre compte d’une démarche

1 Implication managériale : les neuf étapes traduisant opérationnellement l’analyse et la

processus d’institutionnalisation de la responsabilité

sociale au sein des entreprises

Nos recherches destinées à analyser et formaliser le processus d’institutionalisation de la RSE au sein des organisations peut, aujourd’hui, se traduire par une démarche opérationnelle structurée en neuf étapes. Au travers de recherches interventions, nous avons progressivement structuré ce déroulé dans deux entreprises, sur des périodes d’au moins trois ans, dans le cadre de la Chaire « ISO 26000 et RSE »79. Notons que ce déroulé a également été déployé dans deux autres entreprises, toujours dans le cadre de la Chaire « ISO 26000 et RSE »80. Ces entreprises étant de tailles, de domaines d’activités et de nationalités différentes, à chaque fois, il a été nécessaire d’apporter des aménagements en fonction de leurs spécificités.

Étape 1 :

La première étape consiste à dialoguer avec la direction de l’entreprise et à l’impliquer. Cela correspond très clairement à la première phase de notre formalisation du processus d’institutionnalisation de la RSE : le préalable au déploiement d’une démarche responsable requiert un engagement fort de la direction qui la portera au sein de l’organisation et légitimera l’action des acteurs de l’entreprise qui seront en charge de la mettre en œuvre. Cette implication forte de la direction et son soutien constamment réaffirmé au cours du déroulé de la recherche-intervention constitue la condition sinae

qua non de la réussite du projet.

Étape 2 :

La seconde étape consiste en la définition du projet. Cela permet d’effectuer empiriquement la transition entre la première et la seconde phase de notre « méta-méthodologie » qui vise à définir les priorités d’une stratégie responsable cohérente. Concrètement, il s’agit de s’entendre sur une trame générale (un « fil rouge ») qui va structurer le projet. C’est un préliminaire nécessaire pour s’assurer que les membres de

79 Il s’agit du Groupe Fleury Michon, de 2010 à 2013 (la démarche s’est poursuivie de 2013 à 2016, mais sous une forme différente) et du Groupe de Transport Routier Hautier (de 2015 à 2018).

l’entreprise impliqués dans « l’équipe projet », d’une part, et les enseignants-chercheurs impliqués dans la recherche-intervention, d’autre part, se comprennent le mieux possible. Du côté des professionnels, cela implique une formation quant aux enjeux du développement durable et de la démarche responsable, ainsi qu’une clarification des termes employés. Cette formation prend la forme de réunions et/ou de séminaires animés par les enseignants-chercheurs. Du côté de ces derniers, cela implique de comprendre l’entreprise, son/ses métier(s), son contexte, etc. Ceci passe également par des réunions, mais aussi des visites de sites. Ce n’est qu’alors, après s’être le plus clairement compris et entendu qu’il est possible de définir un projet réaliste qui structurera le déploiement de la démarche responsable, dans le cadre de la recherche-intervention.

Étape 3 :

La troisième étape consiste en un état des lieux, indispensable au bon déroulement de la seconde phase de notre analyse du processus d’institutionnalisation de la RSE (définir les priorités). Celui-ci se fait selon la logique de l’ISO 26000 à travers ses « questions centrales » subdivisées en « domaines d’actions ». Pour ce faire, nous procédons en trois étapes :

1°) Impulser l’état des lieux et la collecte de données. Cela nécessite, au préalable de présenter la démarche responsable au sens de l’ISO 26000, en expliquant que cette norme est, en réalité, un guide générique de mise en œuvre de la RSE. Là encore, une journée de formation pour les cadres est nécessaire pour faire comprendre que l’objectif n’est pas la certification (qui, en théorie, n’existe pas, hormis des certifications « maison » type AFAQ 26000, BV 26000 ou autre Vigéo 26000) et qu’il est nécessaire de « traduire » cette norme générique en fonction des spécificités de l’entreprise (secteur d’activité, taille, environnement socio-économique, etc.). Sur cette base la collecte de données peut commencer.

2°) Deux à trois mois plus tard, présentation, par l’entreprise, des résultats intermédiaires de l’état des lieux. Cela permet de s’assurer que l’équipe projet de l’entreprise a bien compris la démarche. Sa formation continue en précisant le détail des « questions centrales » et des « domaines d’action » qui leurs sont associés via des exemples pratiques. De là, l’état des lieux se poursuit.

3°) La finalisation et la validation de l’état des lieux se font un à deux mois après, dans le cadre d’un travail conjoint entre l’équipe projet et les enseignants-chercheurs.

Étape 4 :

L’état des lieux validé, l’auto-évaluation peut démarrer. Nous sommes désormais au cœur de la seconde phase de notre méta-méthodologie : c’est là que vont se dessiner les priorités. Concrètement, l’objectif est de déterminer les domaines d’actions relatifs à la RSE prioritaires pour l’entreprise. Mais nous amorçons ici, également, la troisième phase de notre méthodologie, à savoir, l’apprentissage profond, par les membres de l’équipe projet, de la démarche responsable. Ainsi, six temps se distinguent :

1°) Tout commence par une journée de sensibilisation des cadres impliqués à la méthodologie de l’auto-évaluation.

2°) Ensuite, une seconde journée de formation a pour objet d’expliciter la méthode de hiérarchisation des priorités selon la grille de criticité adaptée du SD 21000(Cf. Partie II point 1.1.2. du présent document et Baret, Petit, 2008). Il s’agit également de valider

l’adoption de cette approche par les membres de l’équipe projet, puis de commencer à l’appliquer concrètement. Le processus d’auto-évaluation est, alors, initié.

3°) Temps de travail interne : l’équipe projet, s’appuyant, selon les besoins, sur les autres collaborateurs de l’entreprise, commence à positionner les enjeux « RS » sur la grille de criticité. En cela, elle est accompagnée, dans le cadre de la recherche-intervention, par des chercheurs (concrètement, il s’agit de 2 à 5 demi-journées de suivi, sur une période de 3 à 4 mois). Cela débouche sur un premier rapport d’auto-évaluation. 4°) L’objectif est, désormais, de commencer à prendre en compte les parties prenantes. Cela implique une nouvelle phase de sensibilisation et de formation (une journée) pour que les membres de l’équipe projet comprennent comment identifier et hiérarchiser leurs parties prenantes, mais aussi amorcer le dialogue avec elles.

5°) Durant les trois mois qui suivent, l’équipe projet, éventuellement épaulée par d’autres collaborateurs et les chercheurs impliqués dans la recherche-intervention, réalise des enquêtes auprès des parties prenantes. Les résultats de ces enquêtes permettent de valider/corriger le premier rapport d’auto-évaluation (nous insistons longuement dans nos travaux –Baret, Petit, 2008 et seconde partie du présent document- sur l’importance du bouclage entre l’auto-évaluation a priori et sa révision à l’aune du dialogue effectif avec les parties prenantes). Sur cette base est établi le rapport d’auto-évaluation final.

6°) Diffusion en interne du rapport d’auto-évaluation final et recherche d’axes d’améliorations (généralement dans le cadre d’un événement –séminaire à l’extérieur de l’entreprise, par exemple-). L’enjeu est qu’au moins les principaux cadres de l’entreprise (et plus largement si possible) s’emparent de ce rapport d’évaluation en se constituant en groupes de travail chargés de proposer des axes d’amélioration autour des points critiques qui émergent de l’auto-évaluation. Concrètement, différentes méthodes ont été utilisées, au cours du temps, pour faire fonctionner les groupes de travail. La seule constante est l’implication directe d’un enseignant-chercheur, garant de la méthodologie. L’output de ces groupes de travail est de produire des plans d’actions à court-terme (un an) et, parfois également à moyen terme (deux-trois ans).

Étape 5 :

Cette cinquième étape opérationnelle correspond à la troisième phase de notre formalisation du processus d’institutionnalisation de la RSE (mise en œuvre de la démarche responsable via la mobilisation des acteurs). Dans le prolongement de l’étape quatre, il s’agit d’abord de faire valider les axes d’amélioration par le Comité de Direction de l’entreprise concernée, puis de préciser les plans d’actions concrets et, enfin, de structurer le dialogue avec les parties prenantes. La validation des axes retenus et l’orientation des plans d’actions se fait généralement en CoDir. Ensuite, l’équipe projet élabore et formalise des plans d’actions à court et moyen terme. Ceci se fait sur la base des propositions faites par les groupes de travail et accompagné par les enseignants-chercheurs, toujours dans le cadre de la recherche-intervention, qui organisent des formations thématiques (achats responsables, ancrage territorial…). Pour partie au moins, ces plans d’actions doivent permettre d’amorcer un dialogue avec les parties prenantes. Bien sûr, ils doivent également préciser les ressources (humaines et financières), le rétro-planning et les indicateurs d’évaluation. Ils sont ensuite à valider par l’entreprise (généralement le CoDir).

L’étape six peut être réalisée en parallèle de la précédente. Elle vise à la compléter et la prolonger en réalisant une veille (i.e. un « benchmark ») des bonnes pratiques responsables observées autour des domaines d’action jugés critiques, donc prioritaires, par l’entreprise. Il s’agit de les sélectionner en fonction du contexte de l’entreprise (secteur d’activité, territoire, concurrents, etc.). Concrètement, cela peut se traduire par la création d’un observatoire des bonnes pratiques responsables ou la structuration d’une équipe de veille. La finalité est d’inspirer des plans d’actions ou de les améliorer sur la base d’expériences réussies dans d’autres structures.

Étape 7 :

Cette septième étape vise à opérationnaliser le dialogue de l’entreprise vers ses parties prenantes internes et externes. Il s’agit de rendre compte de sa politique responsable en développant une communication interne et externe. Les rapports RSE/développement durable sont un outil standard, mais d’autres peuvent être utilisés ou créés. Cette étape participe de la troisième phase de notre « méta-méthodologie » en contribuant à mobiliser les salariés sur les enjeux responsables et en participant d’un apprentissage profond. A l’externe cela participe de l’ouverture du dialogue aux parties prenantes qui demeure toujours un point de blocage pour les entreprises.

Étape 8 :

La huitième étape est cruciale au sens où elle valide la réalité de la démarche responsable. Il s’agit d’intégrer cette dernière dans la stratégie de l’entreprise (donc de la formaliser) et dans son système de management (donc de la rendre applicable). Les implications opérationnelles et managériales pour les équipes doivent être clairement identifiées et évaluées. Concrètement, cela nécessite de concevoir un système de management intégrant les enjeux du développement durable, structuré selon les lignes directrices de l’ISO 26000. Il faut également formaliser un référentiel clair qui constitue un véritable mode d’emploi de la RSE. En amont, la réalisation d’une « charte d’engagements responsables » permet de rappeler à l’ensemble des personnels l’enjeu de la démarche responsable. Bien évidemment, le tout doit être accompagné d’actions de sensibilisation et de formation auprès de l’ensemble des personnels, adaptées aux postes et métiers de chacun. Cela correspond donc au prolongement de la phase 3 de notre formalisation du processus d’institutionnalisation de la RSE.

Étape 9 :

La visée de cette neuvième étape est d’asseoir la démarche responsable de l’entreprise dans une logique d’amélioration continue. Cela implique que la mise en œuvre du système de management de la responsabilité sociale selon l’ISO 26000 puisse constamment s’enrichir des initiatives et innovations de la part des collaborateurs internes ainsi que des retours des parties prenantes externes. Pour ce faire, il convient, en interne, de favoriser, voire stimuler, les innovations responsables et les comportements vertueux par des systèmes de récompenses et/ou d’intégration des critères RS dans l’évaluation des collaborateurs. En externe, c’est à l’entreprise d’être proactive en termes de communication avec ses parties prenantes : elle doit susciter le dialogue plutôt que d’attendre passivement des retours sur sa politique responsable. Nos travaux de recherches, à l’instar de leur déclinaison opérationnelle, sous forme d’une méthodologie en neuf étapes, se heurtent à différentes limites et doivent être

mieux formalisés sous certains aspects. Nous retenons quatre axes à améliorer, qui vont structurer notre activité de recherche pour les prochaines années :

1°) Évaluer, piloter et rendre compte de la performance globale (déjà bien amorcé dans la 4ème partie du présent dossier d’HDR, cela reste néanmoins un champ encore largement inexploré).

2°) Analyser et formaliser les démarches responsables d’ancrage territorial (déjà abordé dans le 3ème point de la première partie du présent dossier, ce sujet éminemment complexe pour les entreprises et pour la recherche -notamment du fait de sa dimension interdisciplinaire- reste à approfondir).

3°) Formaliser en termes théoriques et épistémologiques nos avancées sur le déploiement opérationnel de la RSE afin de contribuer à régénérer le management stratégique.

4°) Analyser la perception et l’implication des parties prenantes dans les démarches responsables

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