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Implication d’une situation doublement minoritaire

Dans le document Joseph Chbat, (Page 87-90)

Chapitre 3 Présentation générale des résultats

3.1 Environnement et collecte des données

3.1.4 La rétroaction du système

3.1.4.3 Implication d’une situation doublement minoritaire

Une situation qui devrait surtout piquer la curiosité d’un répondant, c’est celle où il se trouverait doublement minoritaire, devant l’ensemble des répondants et devant ceux de sa discipline. Mais

encore là, que devrait-il en penser? Nous estimons qu’il devrait au moins se justifier à lui-même, et, qui sait, peut-être trouverait-t-il qu’il est le seul à pratiquer des stratégies fort importantes que les autres ignorent. Dans une telle éventualité, il serait peut-être incité à faire connaître son approche et à la justifier aux autres. Une telle pratique l’amènerait alors à faire émerger de sa pratique individuelle des principes à valeur universelle, et c’est fort probablement comme ça que naissent certaines grandes théories pédagogiques. Curieusement, pour notre professeur de

philosophie, sa position devant la question 39 est doublement minoritaire, comme on peut le voir dans l’illustration qui suit :

La question 39 cherche à vérifier la part de responsabilité qu’un professeur s’attribue dans l’échec d’un élève. Notre professeur de philosophie appartient de toute évidence à une petite minorité (9,4 %) quand sa position est comparée à celle de l’ensemble des répondants. Toutefois, dans cette question, contrairement à celle qui la précède, notre collègue peut faire le constat de sa double dissidence : à la fois par rapport à tous les répondants et par rapport à ses codisciplinaires. Dès lors, il lui reste deux choix : ou bien il comprend qu’il a un effort à faire pour « se

normaliser », ou bien il peut avoir des raisons fondamentales qui l’amènent à cette dissidence à laquelle il tiendrait et à laquelle il aimerait idéalement convertir tous les autres et surtout les gens de sa discipline.

En acceptant de s’attribuer une grande part de responsabilité devant l’échec d’un élève, ce professeur admet par le fait même qu’il est dans son pouvoir, voire même dans son devoir, de faire réussir tout le monde, de sorte que, si un élève ne réussit pas, il est prêt à en prendre le

Que pourrait-il répondre alors à celui ou à celle de ses collègues qui lui dirait : « Écoute, quand j’ai fait mon possible pour aider les gens à réussir, je ne peux pas m’attribuer une grande part de responsabilité dans leur échec? ».

3.1.4.4.1 Des scénarios divers

On pourrait imaginer divers scénarios de réponses de la part de ce professeur : il pourrait bien soutenir une position de principe à l’effet que quiconque va à l’école et fait les efforts qu’on lui demande de faire a le droit de réussir. Si cela n’est pas le cas, il faudra tout faire pour que ça arrive : accorder les points qui manquent, normaliser les notes, souffler les réponses, etc. Si tel est le cas, notre professeur en question doit certainement s’inquiéter d’une érosion de la qualité de la formation à long terme et d’un danger de nivellement par le bas. Cela a déjà menacé notre système d’éducation qui, devant des moyennes jugées insatisfaisantes et en raison d’un taux d’échec jugé trop élevé, a tout simplement procédé à un travail de normalisation et donc de hausse artificielle des résultats. Mais devant un système qui cherche à procéder par compétences, comme on a commencé à le faire depuis la réforme du collégial, une telle situation mènerait à une contradiction flagrante, car si la compétence minimale n’est pas atteinte, faire comme si elle l’était, c’est ouvrir la porte à la diplômation de gens incompétents et cela pourrait avoir des conséquences très néfastes sur l’ensemble du système. On pourrait imaginer ici un chirurgien incompétent qui obtiendrait quand même son diplôme de chirurgien et qui devrait alors procéder à pratiquer la chirurgie, dans laquelle il est incompétent, sur l’ensemble de la population. Il va de soi que nul d’entre nous n’aimerait être la victime qui tomberait sous son scalpel.

Il est donc facile d’imaginer ici que, si notre collègue en question est le moindrement

consciencieux, pour ne pas dire simplement conscient, il ne pourra pas soutenir cette version pédagogique du non-échec par la simple attribution des points qui manquent ou par la simple normalisation des résultats. Et s’il pense arriver à un tel résultat de réussite universelle par ce biais, il aura certes à faire un bon examen de conscience et fort probablement à changer son choix de réponse devant la question posée.

Mais si notre collègue est d’accord avec tout cela et qu’il veuille quand même soutenir sa position du droit à la réussite, il aura alors à en persuader ses collègues, et il aura besoin d’avoir de très solides arguments. Que pourra-t-il évoquer comme argument devant ses collègues lorsqu’il sait que la majorité d’entre eux reconnaît que, devant un certain nombre d’échecs (jugé normal) de leurs élèves, ils n’ont pas besoin de s’attribuer une grande part de responsabilité, et ils n’ont pas à se remettre en question, car, quand ils ont fait leur possible, ils n’ont pas à assumer la responsabilité de l’élève qui ne réussit pas?

3.1.4.4.2 Des arguments qui font réfléchir!

À la lecture des commentaires fournis à la suite de la question 39 posant le problème que nous venons d’identifier, nous avons trouvé un argument qui vaut la peine d’être remarqué. L’un des collègues qui visiblement voulait assumer une grande part de responsabilité dans l’échec de ses élèves écrit : « Au début de ma carrière, il m’arrivait de trouver normal qu’un certain pourcentage de mes élèves (15 à 20 %) échoue dans mes cours, mais, avec le temps et avec toute l’expérience pédagogique que j’ai prise, j’ai réussi à diminuer sensiblement ce pourcentage, et, aujourd’hui, il ne reste qu’une toute petite minorité qui m’échappe. Or, si on m’avait demandé au début si j’avais une part de responsabilité dans l’échec de mes élèves, j’aurais pu affirmer que non, puisque j’avais l’impression de faire tout ce que je pouvais. »

On voit bien ici une piste de réflexion intéressante sur le plan pédagogique! Et l’argument continue : « En effet, si en m’améliorant moi-même, j’ai pu passer d’un taux d’échec de 20 % à un taux qui est maintenant en bas de 5 %, je peux très bien reconnaître que, sans le savoir et sans le vouloir, j’avais quand mêmealors une part de responsabilité dans l’échec de certains de mes élèves. Ultimement, je pourrais dire que mon expérience me fait cheminer vers un horizon d’échec zéro, car si j’ai réussi avec le temps à faire chuter le taux d’échec chez mes élèves de 20 % à 5 % , qu’est-ce qui m’empêcherait de réduire encore l’écart et d’en arriver à éliminer complètement les échecs chez mes élèves?

Dans le document Joseph Chbat, (Page 87-90)