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Identification des phases de la création d’un Learning Game

Chapitre 2. État de l’art des méthodologies, des méthodes et des outils pour la

3.1 Méthodologie globale de création de Learning Games

3.1.2 Identification des phases de la création d’un Learning Game

Comme Paquette et al. (1997) et McMahon (2009a), nous pensons qu’il est nécessaire de proposer un workflow clair avec des étapes bien définies pour aider les concepteurs à s’organiser dans leurs tâches. La méthodologie que nous proposons se veut la plus géné-rique possible et applicable à tout type de LG (mono ou multijoueurs, en formation professionnelle ou initiale avec ou sans tuteur, décon-necté ou en réseau…). Il ne s’agit pas de fournir un processus normé et rigide, mais plutôt un cadre méthodologique structurant en 7 grandes phases. De plus, les phases que nous proposons dans cette partie se déroulent dans un ordre logique, mais des retours en arrière ou des phases se déroulant en parallèle pour des parties différentes du LG sont possibles.

Pour chaque phase, nous détaillerons les rôles des acteurs qui interviennent, leurs tâches respectives, les outils à leur disposition ainsi que les documents qu’ils créent ou dont ils se servent. En effet, nous pensons que l’identification de ces éléments facilitera le travail

des acteurs (Paquette et al., 1997; McMahon, 2009a; Nadolski et al., 2008).

3.1.2.1 Phase I : Besoins client

Le processus de fabrication d'un LG est déclenché par un client qui formule une demande correspondant à des besoins spécifiques. En fonction des cas ce client peut être un responsable de formation, un enseignant, un chef d’entreprise… Ses attentes sont rédigées dans un

cahier des charges avec l’aide du chef de projet. Ce document doit

être le plus complet possible pour que le projet se déroule au mieux. Pour aider le chef de projet, nous proposons un modèle de cahier des charges basé sur ceux utilisés lors des projets de LG réali-sé à l’INSA de Lyon et ceux des entreprises de jeux vidéo que nous avons pu étudier. Les éléments suivants qui composent le cahier des charges servent uniquement de guide et sont optionnels :

• Étude de l’existant : documents et méthodes de formations clas-siques que le client veut remplacer par le LG.

• Études du marché : études des autres LG existants similaires ou proches des résultats attendus avec la liste des fonctionnalités dont on veut s’inspirer.

• Liste des besoins :

- Besoins pédagogiques : le cadre de la formation, temps disponible, nombres de tuteurs et d’élèves et le profil des apprenants.

- Besoins ludiques : type de ressorts ludiques que les clients aimeraient utiliser comme le hasard, la compéti-tion, la mimicry, le vertige (Callois, 1992) ou encore la reconnaissance, la collaboration (Mariais, 2012) et les ca-ractéristiques du monde virtuel (rendu en 3D, réaliste, fantaisiste…).

- Besoins fonctionnels : évolution du système, fonctionnali-té de sauvegarde, d’exportation des résultats des appre-nants, de paramétrage du LG par le tuteur et de suivi des apprenants par le tuteur.

- Autres besoins : assurer le portage multilingue du LG, la portabilité sur tous les systèmes d’exploitation ou naviga-teur…

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Thèse de doctorat en Informatique

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- Contraintes de temps : date du rendu et disponibilité des ressources (humaines, matérielles).

- Contraintes techniques : moyens matériels, configuration minimale des ordinateurs, dispositions de la salle de for-mation ou encore la rapidité de la connexion Internet. Le chef de projet prend en compte toutes les informations inscrites dans le cahier des charges et a pour mission de veiller au bon déroulement des étapes de la création. Pour l’aider dans ses tâches de planification du projet, il existe nombre d’environnement de

gestion de projet comme Microsoft Projects54, Genius55… qui intè-grent des outils de planification (diagramme de Gantt et Pert) ainsi que des systèmes de partage de document sécurisé.

3.1.2.2 Phase II : Spécification des objectifs pédagogiques

Les LG que nous étudions servent à construire des compétences mé-tier. Nous donnerons plus de précision sur ce terme dans le chapitre 4. Quoi qu’il en soit, lors de cette deuxième phase, le cogniticien doit donc travailler avec un ou plusieurs experts du domaine, souvent désignés par le client, pour formaliser une carte des connaissances et

des compétences du domaine en accord avec les besoins

pédago-giques du cahier des charges.

Cette formulation est très compliquée à établir car les experts ne savent pas toujours exprimer clairement toutes leurs compétences souvent construites au fil des années et des expériences. Le cogni-ticien est donc nécessaire à cette étape. Il peut par exemple utiliser des outils de formalisation du domaine (knowledge management) comme un éditeur de cartes conceptuelles ou un outil de méthode MASK afin d’aider l'extraction et la formulation des connaissances (Ermine, 1970). Il existe de nombreuses autres méthodes pour aider les experts à formuler leurs connaissances que nous ne détaillerons pas ici (Aussenac, 1989). Ces connaissances extraites sont le plus souvent formalisées à l’aide d’ontologies ou de graphes.

Nous attirons l’attention sur le fait que l’expert du domaine peut, en plus des connaissances indispensables, indiquer des « bons comportements » que doit acquérir l’apprenant. Contrairement aux

54www.microsoft.com/france/project

formations classiques dispensées en cours, les LG sont des environ-nements interactifs dans lesquelles ces comportements peuvent être intégrés et évalués. Voici quelques exemples classiques de compor-tements évalués dans les LG proposés à l’INSA de Lyon :

• Ne pas déranger inutilement les employés d’une entreprise. • Respecter les consignes de sécurité.

• Respecter la confidentialité des informations. • Ne pas poser des questions inappropriées. • Porter assistance à autrui.

• Avoir une attitude responsable et ne pas mentir. • Savoir justifier ses décisions.

• Utiliser les outils adéquats mis à disposition.

• Commenter correctement ses fichiers de programme informa-tique.

• Savoir optimiser ses programmes informatiques.

Une fois que la carte des connaissances et des comporte-ments du domaine que l’on aimerait inculquer aux apprenants a été formalisée, le cogniticien et l’expert pédagogique doivent spécifier formellement les objectifs pédagogiques que les apprenants devront atteindre au cours du LG. Nous proposerons dans le chapitre suivant une modélisation de ces objectifs pédagogiques sous la forme d’une liste de compétences métiers. Cette liste servira de référence pendant toute la suite de la création pour vérifier que le LG en cours de pro-duction favorise bien l’apprentissage de ces compétences cibles.

3.1.2.3 Phase III : Conception

La phase de conception consiste à détailler un scénario complet pour le LG. Cette étape fait d’abord intervenir l’expert pédagogique qui doit veiller à ce que le LG garde un fort potentiel éducatif vis-à-vis de la liste des objectifs pédagogiques. Le game designer doit en pa-rallèle imaginer une mise en scène ludique et un environnement vir-tuel attractif dans lequel l’apprenant aura envie de s’immerger. Ces deux acteurs doivent donc travailler ensemble pour fournir un scéna-rio de LG à la fois éducatif et ludique. Le game designer et le screen designer peuvent ensuite décrire en détail le story-board (succession d’écran du LG) et toutes les spécifications graphiques et sonores qui seront données à l’équipe de réalisation.

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La phase de conception est sans conteste la phase la plus dé-licate de la création d’un LG (Zyda, 2005; Kelly et al., 2007; Jovano-vic et al., 2008) et comme nous l’avons montré dans le chapitre 2, les méthodologies et outils qui existent ne répondent que partiellement à nos besoins. Nous ne ferons que décrire sommairement la phase de conception ici puisque nous proposerons une méthodologie détaillée pour guider les acteurs à travers cette phase dans la deuxième partie de ce chapitre.

3.1.2.4 Phase IV : Contrôle qualité

Pour réduire le temps et le coût de conception, nous préconisons une méthodologie de conception avec des contrôles qualité fréquents (Marfisi-Schottman et al., 2009b; Marfisi-Schottman et al., 2009a). Ces contrôles qualité permettent de comparer le LG en cours de créa-tion aux exigences spécifiées dans le cahier de charges initiale en vue de déterminer si la conformité est obtenue pour chacune de ces carac-téristiques.

Dans cette partie nous allons détailler un de ces contrôles qualité que nous proposons et qui nous paraît tout à fait original puis-qu’il a lieu avant même la réalisation du LG. Nous pensons que l’utilisation d’un tel contrôle permet de gagner énormément de temps par rapport à la méthode classique qui consiste à tester le système sur un échantillon d'apprenants à la fin de la réalisation. En effet, cette approche implique souvent de repasser par la phase de conception et de production. Notre objectif n’est pas de supprimer ces tests d’utilisabilité, mais de venir en complément en proposant une vérifi-cation adaptée à une première itération dans la création du LG. Pour insister sur l’importance de ce contrôle qualité et inciter les créateurs à réellement prendre le temps de le faire, nous l’avons identifié comme étant une phase de la méthodologie à part entière.

Au cours de cette phase, l’expert pédagogique peut, dans un premier temps, tester le scénario avec des algorithmes de parcours de graphe qui détectent des chemins sans issue ou les parcours qui ne passe pas par toutes les activités nécessaires à couvrir les compé-tences cibles.

Il est également possible d’aller plus loin dans les validations du scénario en modélisant de façon détaillée le scénario et les interac-tions du LG avec des Réseaux de Pétri (Zhou, 1995; Araujo & Roque, 2009) et en utilisant des algorithmes de validation de modèle

(Grahlmann & Best, 1996). L’inconvénient de cette technique est qu’il faut faire appel à un autre acteur, compétent dans ce domaine, pour mettre au point les réseaux de Pétri en partant des spécifications détaillées. Cependant, certaines études comme la thèse de Bonnefoi, (2010) vise, entre autres, à réduire cette contrainte en proposant des règles pour construisent automatiquement le réseau de Pétri à partir de diagrammes d’activité UML pouvant être renseignés par des ingé-nieurs informaticiens. De plus, une fois que le réseau existe, il peut être utilisé dans la phase de suivi des apprenants (Thomas et al., 2011) ou pour adapter la difficulté du jeu en temps réel pour que le joueur se sente en challenge permanent (Champagnat et al., 2005).

Pour des tests plus approfondis, il est possible de mettre au point des joueurs virtuels types qui vont agir en fonction de leurs ni-veaux de connaissances et de profils comportementaux prédéfinis (prudent, fonceur, curieux…) (Manin et al., 2006; George et al., 2005). Pour le moment, cette méthode existe uniquement pour les LG de type jeu de plateau qui possède des structures très formalisées, mais elle devrait pouvoir être étendue à d’autres types de jeu. L’objectif de ces simulations est d’expérimenter le déroulement d’un LG afin de juger statistiquement par simulation de l'atteinte des ob-jectifs pédagogiques.

3.1.2.5 Phase V : Réalisation

Le scénario, le story-board et toutes les spécifications graphiques et sonores sont donnés à l'équipe de réalisation, composée de dévelop-peurs et de sous-traitants externes (graphistes, comédiens, cinéaste, sound manager…). Ces acteurs doivent collaborer pour donner nais-sance au premier prototype du LG. La collaboration entre ces acteurs peut être facilitée par des environnements de développement intégré (IDE) qui proposent des outils de contrôle de cohérence et de débo-gage. La plupart du temps, ces environnements proposent également des systèmes de gestion de versions centralisée comme SVN56 ou Git57.

Il existe beaucoup d’autres outils pour accélérer la produc-tion. Nous pouvons en citer quelques-uns utilisés dans les entreprises de jeu vidéo et qui peuvent tout à fait s’appliquer au développement

56http://subversion.apache.org

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de LG. Dans les grosses entreprises de jeux vidéo, les équipes travail-lent par exemple avec la méthode agile SCRUM (Schwaber & Beedle, 2001) qui permet d’optimiser le temps de production en structurant le travail en « sprints » de 2 à 3 semaines. Toutefois, cette méthode ne convient pas toujours aux graphistes-animateurs qui n’ont pas l’habitude d’évaluer avec autant de précision le temps nécessaire à effectuer leurs tâches. Ces derniers utilisent donc souvent la mé-thode KANBAN (Baglin, 1984) déployée à la fin des années 1950 dans les usines Toyota ou des variantes de cette méthode qui fonc-tionne sur les tâches beaucoup plus petites. Les équipes utilisent aussi parfois des wiki pour communiquer entre elles sur les fonctionnalités à développer (Xiao et al., 2007). Des logiciels comme JIRA58 sont aussi utiles pour faire des demandes de corrections d’erreurs avec un système de tickets avec des degrés d’importance.

À la fin de cette phase de réalisation, le chef de projet peut capitaliser les composants logiciels, les images, les vidéos et les sons qui ont été développés dans une base de données. Afin que ces élé-ments puissent être retrouvés et éventuellement réutilisés lors d’un autre projet, il est indispensable de les décrire avec des métadonnées comme celles proposées dans la troisième partie de ce chapitre.

3.1.2.6 Phase VI : Test sur public cible

Le prototype rentre en phase de test sur un échantillon d’apprenants et de tuteurs. Cette étape étant très consommatrice en temps et en ressources, il est souhaitable d’aider l’expert pédagogique en propo-sant un environnement de test qui collecte toutes les traces d’utilisation et permet de les analyser (avec des méthodes de data mi-ning par exemple) (Settouti, 2011). Après avoir étudié les résultats de cette phase de test, l'expert pédagogique doit remédier aux éventuels problèmes en notifiant les acteurs concernés des changements néces-saires. La création du LG reboucle ainsi sur des phases antérieures jusqu'à ce qu’il soit validé pour ses qualités ludiques et éducatives.

3.1.2.7 Phase VI : Utilisation et maintenance

Une fois que le LG est passé par toutes les phases précédentes, le LG

finalisé peut être utilisé en situation réelle par les apprenants et les tuteurs. C’est à ce moment que le tuteur peut procéder à des petits

ajustements du LG (modification de certaines données, ajustement de la difficulté, modification du scénario en ajoutant ou en enlevant des écrans, changement de l’ordre…). Ces degrés de liberté l’aideront à s’approprier le LG et lui donneront envie de l’intégrer à ses forma-tions (Lefèvre, 2009). Si le tuteur où les apprenants rencontrent des problèmes, ils doivent pouvoir en informer l'équipe de conception et de réalisation pour remédier au problème.

Les concepteurs peuvent également intégrer des capteurs in-formatiques pour collecter les traces d’usage afin de faire ressortir des indicateurs « qualité » guidant l’amélioration du produit.