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A – Les homicides pathologiques

Dans le document La criminalité des malades mentaux (Page 68-71)

Les homicides pathologiques se distinguent des meurtres réalisés par des délinquants dont on ne peut déterminer un trouble grave de la personnalité ou l’existence d’une maladie mentale, tout au plus des traits caractériels. Les meurtres de ces derniers sont réalisés librement et lucidement. Leur motivation est utilitaire (règlement de comptes, homicide crapuleux par intérêt ou par vengeance, euthanasie,…)

Les homicides pathologiques sont le fait d’un agresseur unique, souffrant de psychose, ou bien d’un sadique sexuel passagèrement incontrôlé. L’agresseur peut traverser une crise existentielle, passionnelle, coléreuse ou émotive, liée à des difficultés familiales, professionnelles ou sociales. Le crime est désorganisé et violent. Le mobile est inexistant ou illogique. La victime, souvent connue de l’agresseur, présente des blessures multiples, témoignant d'un acharnement excessif. Les lésions du visage type défiguration sont fréquentes. Des actes sexuels ante- et post-mortem sont parfois réalisés. L’agresseur est proche de sa victime, utilisant ses mains et ses pieds, un objet contondant, une arme blanche ou à feu, un lien (type cordelette). L'étranglement est fréquent ainsi que les blessures de défense sur la victime. L’agresseur ne cherche pas à cacher son meurtre, laissant le cadavre abandonné sans précaution. L'arrestation est habituellement facile, le sujet restant sur la scène du crime ou dans son voisinage immédiat, ou laissant de nombreuses traces permettant de l'identifier aisément. Une tentative de suicide après le meurtre (meurtre-suicide) n'est pas rare.

Bénézech et al proposent une classification des homicides pathologiques.

1/ L’homicide impulsif : l’agresseur est souvent atteint de troubles intellectuels à type de déficience légère et/ou d’un trouble de la personnalité (antisociale ou état limite). Il commet son acte en état d'ivresse, manifestant une colère importante, non contrôlée, à l’occasion d'un conflit, d'une frustration ou d'une crise. La victime peut être un proche ou une personne inconnue de l'agresseur.

2/ L’homicide passionnel : le sujet présente une crise existentielle grave à l’occasion d’une séparation ou d’une menace de rupture qu’il est incapable de supporter. La perte de l'objet provoque une souffrance intolérable à l'origine, entraînant un fléchissement dépressif et un

passage à l’acte de type meurtre-suicide. La victime est le plus souvent le ou la partenaire comme le sont parfois les enfants du couple.

3/ L’homicide sexuel : l’agresseur a besoin de dominer sa victime, soit par colère (haine envers les femmes ou haine indifférenciée), soit par plaisir (sadisme). Le crime peut être organisé, au quel cas la victime est sélectionnée selon des critères précis, ou il peut être désorganisé, la victime étant choisie de façon aléatoire, par opportunité. Ce dernier cas est surtout celui des agresseurs jeunes et inexpérimentés, sous l'influence d’une drogue ou de l'alcool, ou parce qu’atteints de troubles mentaux. La victime est souvent inconnue du meurtrier.

4/ L’homicide dépressif : souvent observé chez des sujets atteints de troubles thymiques uni- ou bipolaires, au cours d’un épisode mélancolique ou mélancoliforme. Le sujet entraîne ses proches dans la mort au cours d’un mouvement de régression fusionnelle avec la victime. La culpabilité et douleur morale, accompagnées d’auto-accusations et d’un délire congruent à l’humeur, sont intenses. La victime est quelquefois consentante en cas de « pacte suicidaire ». La motivation de l'agresseur se veut altruiste ou possessive.

5/ L’homicide psychotique non délirant : son auteur souffre soit de schizophrénie de type héboïdophrénie, soit de séquelles de psychose infantile sous forme de dysharmonie évolutive. La motivation est d'ordre intellectuel plus qu'émotionnel. Le crime peut se produire pour des causes insignifiantes dans un contexte de réaction impulsive, brutale, échappant à tout contrôle. Les proches sont les victimes les plus exposées.

6/ L’homicide psychotique délirant : le sujet est atteint d'un état délirant aigu ou chronique en phase processuelle à l’origine d’une altération importante des rapports avec la réalité. Le passage à l'acte survient habituellement au cours d’un moment anxieux majeur. Par projection délirante sur la victime, le sujet va ressentir intensément des sentiments de peur, de jalousie ou de persécution motivant la réaction meurtrière défensive contre le supposé agresseur. Les proches parents sont les victimes les plus exposées.

7/ L’homicide de cause organique : le sujet est sous l'emprise d'un ou plusieurs toxiques ou porteur d'une pathologie somatique susceptible de provoquer des perturbations émotionnelles criminogènes (trouble métabolique, tumeur cérébrale, démence, trouble du sommeil). Le

meurtre se produit le plus souvent au cours d’un épisode confusionnel avec désorientation temporo-spatiale, obnubilation de la conscience et surtout délire oniroïde en général terrifiant. Les troubles mentaux organiques les plus souvent en cause sont les ivresses alcooliques pathologiques et les syndromes induits par d'autres substances psychoactives.

8/ L’homicide non classable ailleurs : ce dernier groupe comprend une grande variété de crimes pathologiques, depuis le meurtre compulsif de motivation névrotique jusqu'au meurtre passagèrement psychotique, en passant par le meurtre réalisé par une personne souffrant d'hyperémotivité, de sentiment d'infériorité, de traits de personnalité passive-agressive.

Une telle classification est réductrice : le plus souvent une intrication de plusieurs types d’homicides est constatée. La connotation dépressive et la prise d’alcool ou de toxiques sont fréquentes.

B – Le parricide

Une étude menée par Sylvie Lapalus62 sur plusieurs parricides entre 1825 et 1914 montre qu’il s’agit souvent du crime par le fils contre le père (aujourd’hui estimé à 90% des parricides). Globalement, les accusés sont des hommes d'âge moyen 31 ans, mariés et relativement bien insérés socialement bien qu'instables dans leurs occupations ou leurs emplois. Leur passé révèle déjà des actes de violence à l'encontre de leur victime. Le crime survient généralement dans une cellule familiale fonctionnant en vase clos. Les protagonistes ont noué des liens inextricables au point que les victimes survivantes présentent un comportement particulièrement ambivalent au cours de l'instruction ou du procès. Selon Millaud et al, cités par Bénézech, beaucoup d'auteurs de parricides expriment un sentiment ancien d'impasse relationnelle, d'étouffement, d'échec de toutes les tentatives de prise de distance. Ils peuvent être confrontés à l'idée du parricide depuis longtemps, ayant sollicité souvent une aide psychiatrique avant le drame. Ce point contraste avec la soudaineté du passage à l'acte, déclenché par un événement souvent minime, et la sauvagerie du geste. Le crime des parents est multifactoriel, associant de façon complexe des dimensions psychologique, relationnelle, statutaire, économique et sociale…

62

LAPALUS S. « Pierre Rivière et les autres. De la violence familiale au crime : le parricide en France au

XIXe siècle (1825-1914), Thèse de doctorat en histoire », Revue d'histoire du XIXe siècle, 24 | 2002, [En ligne],

Pour Bénézech et al, les auteurs de crimes familiaux sont généralement perturbés psychologiquement selon deux pôles dominants : un versant psychotique/vengeur pour le parricide (meurtre de son père – matricide : meurtre de sa mère) et le fratricide (meurtre de son frère ou de sa sœur), et un versant passionnel/dépressif pour l'uxoricide (meurtre de l’épouse par le mari) et le filicide (meurtre de son propre enfant). Les parricides représentent 3 à 6 % de l'ensemble des homicides.

Les adolescents parricides sont rarement atteints de psychose. Ils agissent le plus souvent au cours d'une explosion coléreuse suite à des abus répétés et à la violence intrafamiliale du père. Le mobile le plus fréquent est la protection de la mère et du reste de la fratrie contre la violence paternelle.

Parmi les adultes parricides, le diagnostic de psychose est plus fréquemment retrouvé. Le parricide représente 20 à 30% des homicides commis par les psychotiques. Le sujet est le plus souvent atteint de schizophrénie et tue plus volontiers la mère que le père, à moins qu’il ne s’agisse d’un double parricide (père et mère).

Dans le document La criminalité des malades mentaux (Page 68-71)