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B – Les apports de la psychiatrie médico-légale

Dans le document La criminalité des malades mentaux (Page 49-51)

Ces apports concernent principalement deux domaines : les homicides (1) et la délinquance sexuelle (2).

1/ La « monomanie homicide » d’Esquirol50

La « monomanie homicide » est un concept décrit en premier par Jean-Étienne Dominique Esquirol (1772-1840). Psychiatre français, il est considéré comme le père de l'hôpital psychiatrique en France. Il a fait voter la loi de 1838 obligeant chaque département à se doter d'un hôpital spécialisé. Esquirol, encore appelé « le maître de Charenton », est également le précurseur de la psychiatrie médico-légale. Selon lui, l’aliéniste (qui deviendra plus tard le psychiatre) doit distinguer le criminel de l’aliéné (personne souffrant de troubles mentaux). Il a décrit également le « suicide précédé d’homicide » décrit dans la mélancolie.

Dans la « monomanie homicide », Esquirol passe en revue différents diagnostics nosographiques aujourd’hui reconnus lors de certains passages à l’acte meurtriers. Ces individus sont atteints de folie partielle, la monomanie homicide, qui ne se manifeste qu’au moment du passage à l’acte en touchant indifféremment l’intelligence, l’affect ou la volonté du sujet. Esquirol a décrit quelques traits présents chez ceux souffrant de monomanie homicide tels « une grande susceptibilité » ou encore une certaine « constitution nerveuse ». Pour Esquirol, les aliénés tuent. Certains, irrités, frappent dans un accès de colère car ils se sont perçus contrariés, d’autres tuent pour lutter contre un ennemi - réel ou fictif -, enfin les derniers obéissent aux hallucinations et illusions caractéristiques du délire. Parmi ces malades mentaux criminels, certains sont conscients de leurs actes tandis que les autres ne sont plus que l’instrument de leur folie.

La monomanie homicide a été reprise par Georget et Pinel. Elle a été appliquée à des cas d’homicides particulièrement horribles tels que le parricide de Pierre Rivière ou encore l’infanticide suivi de cannibalisme d’Henriette Cornier. Cependant, ce concept va s’avérer

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COUSIN F.-R., Facteurs criminogènes des maladies mentales, Forensic (5), 2001, p. 27-31.

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ESQUIROL J.-E., Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, chez J-B Baillière, 1838.

insuffisant à décrire les comportements criminels. La monomanie homicide est contestée par Antoine Émile Blanche (1820-1893). Pour lui, « il n’existe pas de forme spéciale d’aliénation mentale qui doive porter le nom de monomanie homicide. L’homicide peut être commis par des aliénés atteints d’affections mentales diverses, à la condition que les malades soient sujets à des crises d’excitation dite congestive assez intenses pour qu’ils n’en restent pas à la pensée et qu’ils viennent à l’acte »51. Selon cet auteur, le passage à l’acte survient au cours d’une crise, d’une évolution paroxystique, y compris dans un délire de persécution, mais il n’est pas la conséquence inéluctable d’une maladie mentale.

2/ Les crimes pervers : les travaux outre-Rhin de Krafft-Ebing (1840 – 1902)52

Richard Freiherr von Krafft-Ebing, psychiatre austro-hongrois, a attaché beaucoup d'importance aux facteurs héréditaires dans l'étiologie des maladies mentales, suivant en cela les idées de Morel et de Magnan, son contemporain parisien. Mais c'est surtout dans le domaine des troubles sexuels, et notamment des perversions sexuelles, que Krafft-Ebing apporte une contribution clinique originale avec son livre « Psychopathia sexualis » (1886), étude de médecine légale qui s’adresse aux médecins légistes et aux hommes de loi. Dans cet ouvrage, Krafft-Ebing étend au domaine de la sexualité son travail effectué sur la classification des maladies mentales en fonction de leurs symptômes. Son livre est constitué de descriptions de phénomènes qu’il qualifie de perversions sexuelles et qu’il classe en catégories. Krafft-Ebing définit la perversion comme toute extériorisation de l’instinct sexuel qui ne répond pas aux nécessités de la nature, c’est-à-dire aux nécessités de la reproduction. Il va populariser les termes de masochisme, de fétichisme et de sadisme, passés depuis dans le langage courant, en référence aux œuvres respectives de Leopold von Sacher-Masoch et du Marquis de Sade.

Les descriptions de Krafft-Ebing concernant les perversions sexuelles seront reprises par Freud qui se consacre non plus à leurs observations mais à l’explication des mécanismes psychiques qui en sont à l’origine. Albert Moll, psychiatre, reprendra le livre de Krafft-Ebing

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BLANCHE A. E., Des homicides commis par les aliénés, Librairie de P. Asselin, Paris, 1878, p. 8. URL : http://manybooks.net/pages/blanchee2635326353-8/0.html

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VON KRAFFT-EBING R., Psychopathia sexualis,. Étude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes. Édition refondue par le Docteur Albert Moll. Traduit de l’allemand par René Lobstein, bibliothécaire à la faculté de médecine de Paris. Préface du Docteur Pierre Janet. Éditions Climats. Librairie Thierry Garnier 1990, 906 pages.

et classera les perversions en deux grandes catégories : celles dont l’acte lui-même est pervers (comme le fétichisme, masochisme, sadisme ou encore l’exhibitionnisme) et celles dont l’objet est pervers (pédophilie, gérontophilie, zoophilie…).

Plus récemment, la très controversée biocriminogenèse tend également à expliquer la criminalité au travers de la constitution organique de l’individu. Cette théorie est apparue en même temps que la génétique faisait ses premiers pas.

C - Biocriminogenèse

La biocriminogenèse part de postulats bio-typologiques. Elle est dominée par l’œuvre de Di Tullio qui accorde une grande importance à l’hérédité, elle-même sous la dépendance de facteurs endocriniens et nutritionnels. Parmi plusieurs travaux, ceux concernant les anomalies chromosomiques ont fait date depuis 1962. En 1971, Nielsen, cité par H. Ey, met en évidence une corrélation entre le syndrome XYY et l’agressivité, notamment sexuelle. Il a surtout noté l’aspect délétère de la longueur du bras du chromosome Y. Mais en 1973, une étude élargie de L. Moor, également citée par H. Ey, démontre que 1,5% des sujets de la population générale ont un chromosome Y dont le bras long est plus long que la normale. Pour autant, ils ne sont pas repérés comme anormalement agressifs. Ainsi, le syndrome XYY est un facteur de délinquance pathologique puisque ce caryotype est plus souvent retrouvé parmi les personnalités psychopathiques. Mais cela ne fait pas de ce caryotype celui de la criminalité en général.

Progressivement, l’idée que l’homme naissait criminel a été abandonnée. Pour certains, l’homme devient criminel, sous l’influence de la société. Ainsi Lacassagne affirmait : « la justice flétrit, la prison corrompt et la société a les criminels qu’elle mérite».53

Dans le document La criminalité des malades mentaux (Page 49-51)