Chapitre C Traitement du passif et optimisations
C-‐1 ) C HOIX DE L ' ECHEANCIER
Cette section détaillera les règles applicables en matière de plan de continuation dans le cadre d'un redressement judiciaire. Pour autant, le plan de sauvegarde, plus souple juridiquement, peut s'inspirer de ces principes.
(a) Contraintes légales
Les contraintes légales sont principalement les suivantes : § la durée du plan ne peut excéder dix ans139,
§ la première échéance doit s'effectuer au plus tard à la date anniversaire de l'arrêté du plan,
§ la Loi140 impose que le remboursement annuel soit égal au minimum à 5% du
passif admis, exception faite des deux premières années.
Aucune périodicité des échéances n'est imposée par la loi, mais la pratique montre que les plans prévoient le minimum légal, à savoir une échéance par an.
(b) Demande d'abandon de créances
Le plan proposé peut prévoir un choix pour les créanciers d'être remboursés plus
rapidement en contrepartie d'une réduction de leurs créances.
1) Créanciers privés
Pour autant, le principe d'égalité de traitement entre les créanciers doit être respecté et l'alternative proposée doit être cohérente et proportionnelle à l'échéancier sans abandon de créance.
A titre d'exemple, pour un plan sur dix ans proposant des annuités de 10% par an, il semble cohérent de proposer un paiement immédiat à hauteur de l'ordre de 25% à 35% de la
créance initiale (soit un abandon de créance de 65% à 75%) ou encore un échéancier réduit à trois annuités en contrepartie d'une remise de dettes de l'ordre de 50%. Cette
139 C. com. art. L.626-‐12
Reprendre une entreprise à la barre du Tribunal – Guide pratique pour l'expert-‐comptable du repreneur 97 égalité de traitement s'obtient en actualisant l'échéancier par la méthode du DCF141 puis en
appliquant la probabilité142 de mener à bien le plan de continuation.
Il est ici rappelé que les comptes courants d'actionnaires sont considérés être des
créances de la société et rentre donc dans le passif. Les actionnaires ont donc intérêt à les
déclarer au Mandataire Judiciaire. Pour autant, le Tribunal impose quasiment systématiquement que le plan de continuation ne prévoit pas de remboursement de comptes courants avant d'avoir apuré l'intégralité du passif tiers.
Au moment de finaliser ce mémoire, un projet de Loi de Finance prévoyant la non-‐
déductibilité des abandons de créances à caractère financier est en discussion à
l'Assemblée Nationale et au Sénat. Pour autant, il semblerait que cette mesure ne concerne
pas les sociétés en procédure collective.
2) Créanciers publics
Depuis 2007, les créanciers publics (Trésor Public, URSSAF et autres organismes sociaux143)
peuvent accorder des remises de dettes, mais dans des conditions extrêmement
limitatives144, à savoir :
§ la demande doit être formulée dans les deux mois de l'ouverture de la procédure collective,
§ les remises de dettes publiques sont sujettes à un double plafond :
o les remises de dettes publiques ne peuvent excéder trois fois le montant
des dettes privées145,
o le taux de remise accordée ne doit pas excéder le taux moyen pondéré des
abandons de créances privées146,
§ l'abandon doit être concomitant avec celui des dettes privées147
Dans ces conditions, le cas de figure le plus propice à la demande de remise de dettes auprès des créanciers publics concerne le cas d'une société ayant un important compte
courant que l'actionnaire est prêt à abandonner.
141 Discounted Cash-‐Flow (voir Partie I – 3-‐2) §(b) Actualisation des flux futurs)
142 De l'ordre de 30% (cf. statistiques en Partie I – 1-‐1) §(b) Taux d'échecs des procédures collectives) 143 Hors créanciers super-‐privilégiés pour qui aucune remise de dette n'est possible.
144 Pour plus d'information, voir le Bulletin Officiel des Impôts 13 S-‐1-‐07 n°100 du 21 août 2007 :
http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2007/13rcpub/textes/13s107/13s107.pdf
145 De ce fait, les "petits" RJ, où le passif fiscal et social représente souvent une part importante du passif, se trouve pénalisés par la faible part des créanciers privés et donc des abandons de créances qu'ils peuvent faire potentiellement
146 Cette condition pénalise cette fois les "gros" RJ/sauvegardes où les créances privés ne consentent à abandonner en moyenne qu'un faible % de leur créance
147 De même les conditions contractuelles de l'abandon de créances (retour à meilleure fortune, clause d'excess cash-‐flow…) doivent également s'appliquer à la remise de dettes publics.
(c) Optimisation de l'échéancier
Le cadre légal permet donc une assez grande souplesse dans les modalités de remboursement sur passif. Dans ces conditions, l'échéancier peut être optimisé en
prévoyant des échéances progressives, une clause d'excess cash-‐flow ou encore des délais
de paiement avec l'AGS.
1) Echéancier à annuités progressives
Aussi, il est possible d'imaginer des annuités progressives qui augmentent au fur et à mesure du plan.
A titre d'exemple, l'échéancier suivant148 est tout à fait conforme à la Loi, mais la pratique
montre une moins grande progressivité dans les plans proposés.
Il convient de rappeler ici les statistiques des plans de continuation : 70% des plans de continuation sont convertis en liquidation. Pire, selon les professionnels, environ 40% ne parviendraient même pas à s'acquitter de la première échéance.
Aussi, il faut être extrêmement prudent dans son approche et sur les capacités de remboursement de l'entreprise convalescente. En effet, autant il est toujours possible de
revenir devant le Tribunal pour solliciter un remboursement plus rapide, autant le défaut
de paiement d'une seule échéance entraine de facto la résolution du plan et l'ouverture d'une nouvelle procédure collective (Voir Partie III -‐ Section C-‐2) §(c) Résolution du plan).
Néanmoins, un excès de prudence peut entraîner un refus des créanciers et donc refroidir
le Tribunal pour arrêter le plan de continuation. Certes, l'appréciation du Tribunal est
148 Voir également en Annexe n°6 l'échéancier progressif utilisé par le groupe ARES, société cotée qui a connu une procédure collective en 2009
3% 3% 5% 5% 7% 7% 15% 15% 20% 20% 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 année Annuités (en % du total du passif)
Reprendre une entreprise à la barre du Tribunal – Guide pratique pour l'expert-‐comptable du repreneur 99 souveraine149, mais ce dernier retiendra la solution qui répond au mieux aux vœux de la Loi
(maintien de l'activité, sauvegarde des emplois et apurement du passif).
2) Une clause d'"excess cash-‐flow"
J'ai récemment expérimenté dans un dossier l'insertion d'une clause d'"excess cash-‐flow" dans un plan de continuation. En l'occurrence, le bailleur, principal créancier de cette
procédure, a accepté de différer le remboursement de 30% de sa créance à l'atteinte d'un certain niveau de cash-‐flow.
Dans ce même dossier, le gérant s'est engagé à céder le fonds de commerce à compter de l'année 5, afin de pourvoir rembourser l'intégralité du passif et notamment les 30% de la créance du bailleur qui, sans cette cession, serait difficilement remboursable.
Ce dossier montre bien comment le droit des procédures collectives est capable de s'adapter aux contraintes économiques actuelles en intégrant des mécanismes modernes.
3) Délai de remboursement accordé par l'AGS
L'AGS procède à l'avance à la fois les créances de salaires non-‐payés avant le redressement judiciaire (= créances super-‐privilégiées) et les indemnités de rupture liées aux licenciements économiques de la période d'observation (= créances privilégiées).
Or, autant les créances super-‐privilégiées ne peuvent faire l'objet de délais de paiement et de remise de dettes150, la deuxième catégorie d'intervention de l'AGS peut bénéficier d'un
délai de paiement151.
Aucun délai n'est annoncé officiellement, mais en pratique, on constate entre 12 et 24
mois d'étalement pour autant qu'une demande de délai de paiement soit formulée à l'AGS
avant la présentation du plan.