B-‐1 ) B IEN S ' ENTOURER
C-‐1 ) D EMARCHE DE L ’ EVALUATEUR
Au niveau des contrats de travail, l'Administrateur Judiciaire peut solliciter l'autorisation du
Juge-‐Commissaire pour tout licenciement47. Cette restructuration pourra être financée soit
par l'entreprise, soit par une avance de l'AGS qui devra, elle-‐aussi, être remboursée dans le cadre du plan de continuation.
En complément de cet audit des contrats, le repreneur cherchera à identifier l'ensemble des risques juridiques, à évaluer les litiges en cours et à détecter les éventuels problèmes
environnementaux. De même, au niveau social, le repreneur devra appréhender les facteurs non écrits qui peuvent influer la future organisation : le potentiel humain, les
mentalités, les revendications, les conflits internes, les réticences au changement…
Comme nous l'avons vu dans ce chapitre, cette phase d'analyse de la cible doit permettre
de formaliser les orientations stratégiques et de bâtir les projections financières. Autant
d'éléments qui serviront à la fois, à présenter le projet d'entreprise dans le document remis au Tribunal, et également à aider le repreneur à évaluer correctement la cible.
* *
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Chapitre C
Evaluation financière de la cible
Une fois la cible identifiée et analysée, le repreneur avec l'aide de son expert-‐comptable procèdera à son évaluation financière.
L'objectif de cette évaluation financière est double :
• permettre de choisir son mode de reprise à la barre (offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession ou rachat des titres suivi d'un plan de continuation),
• définir sa stratégie de prix proposé et justifier sa valorisation au Tribunal.
C-‐1 ) D
EMARCHE DE L’
EVALUATEUR(a) Problématiques générales liées à l’évaluation des entreprises en difficulté
Par définition, une entreprise en difficulté est confrontée à des problèmes de trésorerie, du fait, soit de l'accumulation de dettes trop importantes par rapport à sa capacité de remboursement, soit d'une consommation de trésorerie trop importante par rapport à ses fonds propres, soit une combinaison des deux. Si aucune solution n'est trouvée, l'entreprise en difficulté disparaîtra dans un futur plus ou moins proche.
Or, comment évaluer une entreprise qui est proche de la fin ?
Ø Par son patrimoine ? Mais, quelle valorisation retenir si les dettes sont supérieures à
la valeur des actifs ?
Ø Par sa rentabilité ? Mais, comment faire si cette dernière est inexistante voire
négative ?
Ø Par comparaison ? Mais, est-‐ce pertinent de comparer une société in bonis avec une
société en difficulté ? Ou bien, est-‐ce que les prix de cession constatés lors des reprises à la barre reflètent-‐t-‐ils bien la véritable valeur de l'entreprise ?
Alors que toutes les méthodes "classiques" semblent inadaptées, quelle peut être la démarche de l'évaluateur d'une entreprise en difficulté ? Quelle méthode utilisée ? Pour quelle conclusion ?
A cela, se rajoute une autre problématique : l'option pour le repreneur de choisir son
mode de reprise (parts sociales ou fonds de commerce sans reprise du passif).
L'objectif des travaux de l'évaluateur sera donc à la fois d'évaluer l'entreprise en difficulté elle-‐même, mais aussi de procéder à une évaluation financière des différents scénarios possibles.
(b) Proposition d'une démarche méthodologique
Compte tenu de la contrainte de temps, la démarche proposée se veut simple et rapide à mettre en place par la décomposition en éléments-‐clés de la valorisation (valeur de l'entreprise, dettes financières et coûts de restructuration) et en fonction de l’avancement
de la procédure et de ses perspectives (entreprise définitivement compromis, incertaine
ou en bonne voie).
1) Evaluation des chances de redressement de la cible
Avant tout, l'évaluateur devra s'attacher à évaluer les chances de redressement de la cible qui dépendra non seulement de ses fondamentaux (valeur de ses actifs, son positionnent stratégique et ses perspectives financières), mais également :
Ø de l'ampleur de ses difficultés économiques et juridiques,
Ø des actions déjà amorcées pour traiter ses difficultés et de la phase du redressement de l'entreprise (voir le schéma ci-‐dessous),
Ø de la capacité de la structure à surmonter cette crise.
Reprendre une entreprise à la barre du Tribunal – Guide pratique pour l'expert-‐comptable du repreneur 39
En fonction des estimations des chances de redressement, il sera possible de classer la
cible en 3 catégories :
2) Les méthodes d'évaluation préconisées en fonction du scénario
En fonction des perspectives de la cible, l'évaluateur s'orientera vers une méthode d'évaluation adaptée comme le montre le schéma ci-‐après :
Phase de retournement Phase de
restructuration redressement Phase de
P > 0 P < 0 Profits (P) P = 0 Redressement définitivement compromis Redressement incertain Redressement envisagé Liquidation amiable Liquidation judiciaire
Plan de Continuation
Plan de Cession
Approche liquidative
Méthodes traditionnelles d'évaluation (actualisation
des flux futurs, approche patrimoniale, comparables) Méthodes spécifiques d'évaluation (approche optionnelle, A.P.V.) Redressement définitivement compromis Redressement
incertain Redressement envisagé
-‐ investissements trop importants
-‐ projet trop risqué -‐ arrêt de l'activité
-‐ les leviers de retournement ne sont pas complètement identifiés
-‐ le coût de la restructuration apparaît trop élevé
-‐ probabilités de réussites incertaines
-‐ période de trouble en phase d'être résolue -‐ perspectives claires de retournement
-‐ logique de continuité d'exploitation
Figure n°13 : Différentes phases du redressement d'une entreprise
Figure n°15 : Méthode d'évaluation selon le scénario de redressement Figure n°14 : Scénario de redressement
3) Les éléments de l'évaluation
Pour évaluer une entreprise en difficulté, il est préconisé de décomposer les sous-‐ ensembles suivants :
-‐ la valeur de l'actif économique (VE ou Valeur de l'Entreprise), -‐ la valeur des dettes financières (DF),
-‐ les coûts de restructuration (CR), c'est à dire l'investissement nécessaire pour redresser l'entreprise.
Valeur de la Société (VS) =
Valeur d'entreprise (VE) -‐ Valeur des dettes financières (VF) -‐ Coûts de restructuration (CR)
Cette démarche d'évaluation a l'avantage de s'adapter à l'ensemble des cas de figures : Ø en cas de liquidation : les dettes (VF) deviennent immédiatement exigibles et les
coûts de restructuration (CR) se 'transforment' en coûts de liquidation (CL),
Ø en cas de plan de cession : l'absence de reprise des dettes financières conduira à valoriser VF à zéro. Par contre, il conviendra d'intégrer dans la valeur d'entreprise (VE) le besoin en fonds de roulement (BFR) (≠ à l'hypothèse d'une continuation), Ø en cas de plan de continuation : l'étalement du passif sera intégré dans la
composante VF. De plus, il sera possible de rajouter la valorisation de certains actifs, comme les déficits fiscaux.
(c) Particularités propres à un plan de continuation
Dans l'hypothèse où un plan de continuation est arrêté par le Tribunal, l'entreprise bénéficiera d'un étalement du passif (§1) et conservera le report des déficits fiscaux (§2), mais devra supporter l'ensemble des coûts de restructuration (§3).
1) L'actualisation du passif
Dans le cas particulier d'un plan de continuation, le Tribunal peut autoriser un étalement du passif sur une durée allant jusqu'à dix ans et suivant une grande souplesse dans la modularité des échéances48.
Dans ces conditions, l'évaluateur devra programmer l'ensemble des échéances prévues ou prévisibles et procéder à une actualisation de ces flux. Le taux d'actualisation à retenir peut être :
Ø soit le taux sans risque : si l'on se place du point de vue de l'entreprise qui bénéficie d'un étalement gratuit de son passif,
Reprendre une entreprise à la barre du Tribunal – Guide pratique pour l'expert-‐comptable du repreneur 41 Ø soit le taux d'intérêt auquel l'entreprise aurait dû se financer : si l'on se place dans
l'optique de comparaison avec une entreprise in bonis qui devrait, elle, contracter un emprunt bancaire,
Ø soit au coût du capital49 : si l'on se place du point de vue du créancier.
2) L'évaluation des déficits fiscaux
Les déficits fiscaux, en général significatifs dans une entreprise en procédure collective, sont un des principaux arguments qui conduisent le repreneur à opter pour une reprise via un plan de continuation.
Deux choix s'offrent à l'évaluateur :
-‐ intégrer dans les flux de trésorerie les économies d'impôt générées par ce déficit reportable et actualiser des flux net d'impôt (voir ci-‐après la méthode par actualisation des cash-‐flows futurs),
-‐ évaluer, d'une part, l'entreprise comme si elle payait des impôts et, d'autre part,
la valeur actualisée des économies d'impôts générées par ce déficit reportable
(voir ci-‐après le modèle APV).
La première option est préconisée pour sa simplicité de mise en œuvre.
3) Les coûts de restructuration
Les coûts de restructuration incluent tous les coûts nécessaires au redressement durable de l'activité, au premier rang desquels figurent :
-‐ les pertes intercalaires, c'est à dire les pertes que devra subir la société pendant toute la période de restructuration,
-‐ les coûts du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) : indemnités légales, indemnités transactionnelles, mesures de reclassement…
-‐ les investissements lourds : déménagement, modernisation de l'outil de production et du système d'information,
-‐ le coût de rupture de certains contrats tels que les crédits-‐baux ou autres contrats à long terme,
-‐ les mesures de relance de l'activité : marketing, recrutement…
En général, ces coûts de restructuration sont décaissables immédiatement, sauf à trouver un financement spécifique.