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Historique des Hara :

Deuxième partie: Recherche empirique

Chapitre 7 : Résultats obtenus et recommandations

4.4. Problématique de sauvegarde des « Hara » : Habitat traditionnel en rénovation à Sétif

4.4.2. Historique des Hara :

La Hara est un habitat collectif, dont les familles sont souvent entassées dans une ou deux chambres, organisé autour d'une cour communément connue sous le vocable de ‘Haouch’. Cet espace central est le lieu de toutes les activités communes (point d'eau, toilettes, cuisine, etc.) qui rassemblent particulièrement les femmes. L'architecture classique de ces immeubles datant du dix-neuvième siècle est souvent simple, mais l'organisation intérieure a l'avantage de favoriser la vie sociale, les émotions collectives et le sentiment communautaire qui sont encore apparents chez les habitants des Hara jusqu'à nos jours.

Figure 14 : Ville de Sétif, noyau d’origine coloniale.

Type d’habitation propre aux villes coloniales, ces Hara ont été érigées, à l’origine, par les colons français pour servir d’habitation aux Arabes, juifs et autres étrangers. Les colons, pour leur part, préféraient les immeubles de rapport tels l’immeuble Brincat, situé à l’angle des rues Meslem et 8 Mai 1945 (voir Figure 14). Construction à étages munie d’une toiture la plupart du temps, la Hara se distingue de par sa cour centrale, véritable extension des pièces, et autour de laquelle s’articulent les différentes activités des locataires telles la cuisine et la lessive. Mais la véritable particularité de la Hara demeure celle d’offrir à ses locataires un cadre de vie communautaire. Outre la cour (haouch) et les commodités qu’ils entretenaient à tour de rôle, les habitants partageaient également l’entrée de la Hara, la plupart du temps une ruelle ou bien une « skifa », sorte de long couloir couvert qui donnait accès à la cour. A l’époque, la ségrégation coloniale ne permettait guère aux Arabes de se loger ailleurs que dans ces Hara et ce n’est qu’après l’indépendance que les gens ont pu accéder aux immeubles et biens laissés vacants par les colons français.

Ce type d'habitat urbain traditionnel datant de l'ère coloniale présente aujourd’hui un état de vieillissement qui contraste avec sa situation en plein cœur du centre historique de la ville dont la dynamique économique est affirmée.

Les Hara, jadis particulièrement prisées, sont alors tombées en disgrâce, les Sétifiens préférant à leurs commodités certes rudimentaires, le confort moderne des cités telles que la cité Belle Vue ou encore la cité des Cheminots. Les liens communautaires si chers aux Hara allaient peu à peu être oubliés, laissant place à l’anonymat des grandes cités. A présent, bon nombre de ces lieux particulièrement pittoresques sont en état de délabrement avancé. Malmenées par les outrages du temps et devenues dangereuses de par leur précarité, certaines Hara ont été démolies puis reconstruites en hôtels ou en lieux de commerce.

D’autres Hara continuent néanmoins à servir d’habitation à des locataires, peu regardant à la salubrité, mais abritent surtout des activités commerciales telles que les taxiphones, cabinets d’avocat, des locaux divers. De nos jours, la Hara ne séduit plus comme habitation du fait de sa configuration privilégiant la vie en communauté. La précarité de ces constructions, dont certaines datent de plus d’un siècle, n’est pas étrangère au désenchantement des Sétifiens vis- à-vis des Hara.

4.4.3. Méthodologie :

L'évaluation de cette importante production architecturale et urbaine, de la période coloniale, a le mérite d'ouvrir une vision contemporaine vers ce patrimoine. La première étape est la reconnaissance envers ce noyau ancien, la compréhension de sa nature et sa forme urbaine, ainsi que les raisons de sa formation. La deuxième étape consiste à élaborer des lignes directrices utiles pour nos pratiques contemporaines, par le renouvellement des espaces urbains et pourquoi pas la préservation des communautés vivant dans le centre ville.189

Figure 15 : Hara Hamamou, relevée en 1994. (Bouraghda et al.)

189Diafat A., (2010b), « Problématique de sauvegarde des ‘Hara’: habitat traditionnel en rénovation à Sétif,

Algérie », WOCMES Barcelona 2010 – World Congress of Middle Eastern Studies, Universitat Autòrnoma de Barcelona, Barcelone du 19 au 24 juillet 2010. www.rehabimed.net/?page_id=1866&lang=fr

4.4.3.1. Diagnostic :

Nous avons mené un travail d'analyse urbaine avec nos étudiants de cinquième année atelier d'architecture, durant la période 1993-96, afin de répertorier toutes les Hara du centre ville de Sétif.

Une fiche technique par Hara a été établie pour pouvoir faire un diagnostic précis. (Figure 15)

4.4.3.2. Etude typo morphologique :

Une étude typo morphologique a été menée afin de déterminer la forme urbaine et architecturale du centre ville et d'une manière particulière une étude détaillée des Hara. (Figure 3)

Tableau 3 : Types de cours des Hara du centre ville de Sétif.

Source : Bouraghda K., Nasri F. et Zerguine A., (1994), « Rénovation urbaine : cas des ‘Haras’ du centre ville de Sétif », Mémoire fin d’études en Architecture, encadré par Diafat A., Madani S. et Bellal T., IAS, UFASétif.

4.4.3.3. Enquête sociologique :

Une enquête sociologique, menée par nos étudiants de 5ème année architecture en 1994 (Tableau 4), a accompagné l'étude typo morphologique dans le but de connaître les pratiques socio-spatiales dans les Hara. La synthèse de cette étude a révélé que :

- Une bonne partie du parc de logements du centre ville est détenue par une petite ‘bourgeoisie’ qui loue les Hara à des familles dont le niveau de vie ne permet pas d’entretenir ou de rénover leurs logements et aussi ils sont de simples locataires qui envisagent du jour au lendemain de quitter les lieux.

- La majorité des Hara sont relativement anciennes, leur âge ne suffit pas pour les classer patrimoine. Certaines de ces battisses ont subi des transformations variées et les fiches techniques qu’on a établies donnent une idée précise sur leur état de dégradation.

- Dans les 14 Hara étudiées en 1994, il ressort qu’il y a seulement 21,5% du bâti en bon état (devant subir quelques réparations), 42,65% en état moyen (nécessitant une réhabilitation plus ou moins importante), 35,70% ayant un degré de vétusté très avancé (une rénovation est inévitable, intervention très profonde).

- Pour ce qui est du confort dans les logements enquêtés, 36% ne possèdent pas de cuisine, 81% sans salle de bain et environ 70% sans w.c. privé (il y a des w.c. collectifs).

- Dans les 14 Hara étudiées, soit 141 logements occupés par 151 ménages, le TOL était de 4,64 (inférieur à la moyenne nationale de 7 lors de l’enquête).

- Quant au TOP, il était de 2,25, alors que la moyenne nationale était de 2,8. Ce qui prouve qu’il n’y a pas un surpeuplement au centre ville qui peut alors être densifié. Tableau 4 : Taux d’occupation par pièce TOP et par logement TOL, Hara Hmamou.

Logement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Nbre Pers/Chbre 2 2 2 2 1 2 1 2 3 4 1 3 2 2 2 31 Ménages 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 2 Personnes 1 1 2 8 1 1 1 5 7 5 1 10 4 5 6 56 TOP 0,5 0,5 1 4 0,5 0,5 1 2,5 2,5 1,25 1 3,3 2 2,5 3 1,80 Cuisine - - + - + + - + + + - - - - + 46% SdB - - - + + - - - 13% Wc - - - - - - - - + + - - - - - 13% TOL 3,8

Synthèse TOP = 2,16 < 3 et TOL = 3,09 < 6,8

Source : Bouraghda et al., op. cit.