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Changements physiques et fonctionnels dans la structure urbaine :

Deuxième partie: Recherche empirique

Chapitre 7 : Résultats obtenus et recommandations

4.2. Formes et transformations urbaines dans la ville de Sétif : périodes coloniale et postcoloniale

4.2.3. Les grandes tendances du processus urbain à Sétif :

4.2.3.3. Changements physiques et fonctionnels dans la structure urbaine :

Sétif, ville carrefour, a un grand impact sur la vie économique à l’échelle régionale et attire ainsi un grand nombre d'investisseurs et de visiteurs. Cependant, la nécessité d'élargir les infrastructures administratives et culturelles traditionnellement situé dans le centre, a imposé leur délocalisation ailleurs dans la ville en laissant sur place des bâtiments transformés en annexes avec le même type de fonction, mais qui ont rarement changé leur usage.156

Il existe deux types de rues : les rues principales (10 à 12 m de large et un trottoir de 8 m, 4 m sous arcades) et des rues secondaires (6 à 8 m de large et un trottoir de 1,2 m). Tandis que seule la première ceinture (une zone non-aedificandi sous la période d'occupation coloniale) autour de la vieille ville a changé et devient une avenue large de 15 à 20 m. La rue principale est devenue le cœur du centre-ville et un marché de consommation. Il est un lieu de shopping et de rencontre cristallisé avec une belle architecture, offrant une échelle humaine intime avec son propre sens du temps et de l'espace. Elle fait partie de la mémoire collective de la ville – en l’occurrence la Rue de Constantine à Sétif. (Figure 9)

Le quartier civil a conservé son système en damier et ses principaux éléments structurants, tandis que le quartier militaire a été transformé en parc d'attractions, perdant sa configuration initiale tout en gardant le lien entre les quartiers central et nord de la ville. L'ancien noyau civil, avec un urbanisme régulier, possède une structure composée de trois éléments superposés : des îlots divisés en parcelles, rues ou places et bâtiments. Les îlots ont généralement une forme rectangulaire avec deux types de taille moyenne : 35 m × 65 m et 60 m × 80 m. Certains de ces îlots, en raison de leur position spécifique, changent légèrement de formes et de dimensions ; tels que les îlots de remparts, îlots de porte, îlots « ouverts », et ainsi de suite.

Il y a deux types de parcelles dans le noyau central : des parcelles régulières de forme rectangulaire ou carrée formant la majeure partie de la ville et les parcelles irrégulières

156Diafat, A. et Madani, S., (1999), “Contribution to a Study of the Urban Form and Transformations of a Colonial

Origin City: Setif – Algeria”, in G. Corona and G.L. Maffei (eds): ‘Transformations of Urban Form: From Interpretations to Methodologies in Practice’, Firenze: ALINEA Editrice, (pp. FM2 11–FM2 14), p. FM2 14.

suivant leur emplacement dans les îlots adjacents à la muraille. Les transformations actuelles concernant la subdivision des parcelles initiales affectent principalement le morcellement des parcelles héritées entre les membres de la famille. Dans certains cas, la parcelle ne peut atteindre que 5 m de largeur ou moins.

Figure 9 : Rue de Constantine, partie de la mémoire collective de la ville de Sétif.

Il existe trois principaux types d’habitat colonial. Tout d'abord, la Hara, une maison coloniale traditionnelle et collective organisée autour d'un espace central, la cour, où les commodités sont partagées. Deuxièmement, la maison coloniale individuelle, construite sur une petite parcelle, spatialement organisée comme la Hara, mais occupée par une seule famille. Enfin, l'Immeuble de rapport, c'est un bâtiment colonial de taille moyenne. Cet habitat collectif est composé d'appartements organisés autour d'un espace central.

Les bâtiments du quartier où prédominaient les marchands musulmans et juifs (rue Valée, La rue d'Aumale et la rue d'Isly, le long de la rue du Général Sarrail et autour du marché couvert) étaient de styles architecturaux variés :

Les deux prédominants ont souligné la nature plurielle de cette petite ville coloniale. Le premier consistait en trois immeubles de trois à quatre étages avec des balcons en fer forgé et représentaient un style de vie de type européen (immeubles de rapport). Le deuxième type était un bâtiment bas (Hara) constitué d’une cour intérieure entouré de plusieurs pièces communicantes. Dans ce dernier type de bâtiment, une porte unique donne accès à toute la maison. Les pièces intérieures s'ouvrent sur la cour ou la coursive ; appartements composé de plusieurs chambres adjacentes ayant des portes donnant sur les chambres voisines.157

157Bahloul, J. (1996), “The Architecture of Memory: A Jewish-Muslim Household in Colonial Algeria, 1937–1962”,

La forte densité au niveau du sol est la principale transformation affectant les bâtiments dans cette partie du centre-ville. Ce processus touche principalement les bâtiments de type Hara, où le rez-de-chaussée devient souvent un espace pour activités commerciales, qui s'étendent fréquemment au sous-sol. Les occupants des Hara et des anciennes maisons soupçonnent les autorités locales de ne pas garantir ou ne seront pas en mesure de les aider à continuer à vivre dans le centre puisqu’elles ne sont plus en charge du processus de renouvellement urbain, qui est entre les mains de nouveaux spéculateurs immobiliers. Les voix de ces citoyens, pour qui le droit au logement est affaibli, ont été rejointes par les critiques d’autres acteurs indépendants (architectes, avocats, géographes et sociologues). Les autorités locales sont accusées d'être en faveur des forces du marché à l'origine du développement immobilier.

Ces constructions ont résisté aux changements culturels associés au passage de la période d'occupation française à la période postindépendance, mais n'ont jusqu'ici pas résisté si bien aux transformations imposés par le changement économique du socialisme à une économie capitaliste. La forte densité a été promue, particulièrement durant les 15 dernières années, conséquence directe du développement de l'économie de marché en Algérie, un processus en partie mené par les nouveaux riches propriétaires qui ont tendance à reconstruire les maisons qu'ils ont achetées, augmentant ainsi la densité du bâti dans le quartier. Ces actions de renouvellement urbain, favorisées par l'attitude de « laissez-faire » des autorités, ont permis aux promoteurs de se débarrasser des anciens baux et des locataires pauvres qui continuent à payer le loyer bien au-dessous de celui du marché actuel. La politique du « laissez-faire » semble plutôt favorable au marché spéculatif et au développement foncier et immobilier. Cependant, cette approche ne permet pas aux personnes concernées de prendre part aux décisions liées à la qualité de leur cadre de vie. Le désengagement de l'administration publique dans la gestion de ces projets de rénovation urbaine est fâcheux et a certainement un impact négatif sur la qualité de l'environnement urbain. L'attraction d'une population plus riche est indéniable en raison de la proximité du centre-ville historique et de ses services et équipements publics, l'attractivité urbaine rend possible la réalisation de transactions immobilières rentables.

En raison des changements rapides et profonds vécus par la ville de Sétif, le centre historique est devenu lors des dernières décennies un secteur vétuste. Seulement, la forme urbaine originale existe toujours avec ses structures permanentes, la densification au niveau du sol étant le principal changement affectant le centre-ville et en particulier la typologie Hara et maison coloniale. Leurs rez-de-chaussée et caves deviennent souvent des espaces d'activités commerciales.158 Tandis que, depuis le milieu des années 1980, la plupart des équipements administratifs et culturels (Hôtel de ville, poste centrale, musée, banque d’Algérie, etc.) déplacés du centre historique vers la zone péricentrale n'ont pas libéré les vieux bâtiments, d’origine coloniale, pour d'autres utilisations. Dans certains cas, ces bâtiments inoccupés ont été fermés pendant longtemps, souffrant ainsi de détérioration et de vétusté. Le quartier

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Diafat, A. et Madani, S., (1997), « Processus de transformations urbaines du centre ancien de la ville de Sétif: période post-coloniale », in Proceedings of Séminaire National : ‘L’Architecture et la ville dans le contexte Algérien’, Institut d’Architecture de Biskra,Algeria, 10–11 November 1997, pp. 315–329.

militaire a connu la transformation la plus réussie jusqu'à présent dans le noyau central au cours des dernières décennies. Son espace vert ouvert attire des visiteurs de toute la région autour de Sétif et est devenu le deuxième point de repère dans la ville après l'emblématique fontaine Ain Fouara. (Figure 10)

Figure 10 : L'emblématique fontaine Ain Fouara. Par Francis de Saint-Vidal, 1898.

Malgré les changements profonds dans les modes de vie, dans les fonctions urbaines, et dans l'habitat physique, tel que décrit dans les paragraphes ci-dessus, la forme et la composition des rues et des espaces publics ont permis l'évolution et l'adaptation de la structure urbaine aux différents besoins, et pour cette raison la réputation du centre-ville de Sétif continue d'être culminante. Socialement, et contrairement à la tradition occidentale, le centre-ville est surpeuplé les week-ends - surtout le vendredi. En effet, les espaces publics fournissent des lieux de réunion et de rassemblement. La rue principale, rue de Constantine, semble avoir le plus grand nombre, par hectare, de boutiques et de cafés avec des terrasses dans la ville. Dans d'autres rues, diverses activités commerciales pénètrent jusqu’au cœur des îlots entièrement bâti.

4.2.4. Conclusion :

Les centres urbains créés pendant la période coloniale, en tant que petites villes ou villages, sont devenus des villes importantes durant la période postcoloniale, dont la plupart continuent de répondre aux besoins sociaux et culturels actuels de la société algérienne. Confronté à un énorme déficit de logements et à d'autres besoins sociaux connexes, le développement d'une

politique de la construction de logements est devenu une préoccupation dominante des pouvoirs publics algériens au cours de la période après-indépendance. La question des changements urbains et de l’offre de logements est fondamentalement différente dans une situation d’urbanisation nouvelle ou dans une zone subissant un renouvellement urbain. Dans une nouvelle zone d'urbanisation, le foncier, principalement acquis par le gouvernement pour l'extension urbaine, ne présente aucun obstacle puisque les autorités publiques sont responsables des tâches de réglementation, de négociations et d'expropriation. Dans le contexte du renouvellement urbain, par contre, la valeur d'usage du sol est déjà élevée et que le coût de sa cession est généralement élevé, l'acquisition du foncier tend à être basée sur la valeur du marché et fréquemment des prix hors portée sont affichés.

Cette étude donne un aperçu sur les changements subis par la structure urbaine à Sétif, comme exemple des récents défis urbains et pratiques d'urbanisme auxquels sont confrontées les villes en Algérie. De nouvelles transformations dans la structure urbaine et des changements dans les modes de vie ont été relevés au cours des dernières décennies dans la ville de Sétif, mais cette structure semble avoir évolué et s'est adaptée à ces changements. Le centre-ville a été soumis à d'importantes transformations urbaines, qui ont été théoriquement conçues autrement par les autorités locales de planification. Dans l'ensemble, le système de planification a été inefficace, marqué par l’absence d’une stratégie de développement urbain claire pour la vieille ville, notamment autour de la question de savoir comment insérer l'architecture contemporaine dans le vieux tissu urbain.159 La responsabilité et la légitimité des autorités locales à Sétif dépendaient de leur capacité à contrôler l'avenir de la ville. Lorsque des actions de planification appropriées ont été mises en œuvre, cela a permis de jeter des bases consistantes pour un meilleur développement urbain servant les intérêts et les besoins de la population locale.

La planification stratégique est nécessaire pour formuler des projets ou des programmes à moyen et long terme pour le développement de la ville. C’est le meilleur moyen d’anticiper et de contrôler la croissance urbaine, mais une bonne gouvernance urbaine est également nécessaire afin de tirer le meilleur parti des propositions provenant de la participation des différentes parties prenantes. Néanmoins, des stratégies urbaines judicieuses adoptées dans le passé devraient également être prises en considération car elles peuvent paver la voie du développement urbain durable aujourd'hui. Enfin, toute stratégie de développement réussie devrait être sur la base d'investissements publics et privés dans l'ancien noyau urbain, car cela apportera certainement une satisfaction sociale parmi les habitants, en améliorant leur habitat, en préservant le patrimoine architectural et urbain et en améliorant les conditions d'un développement urbain durable.

159Diafat, A. et Madani, S., (2013), “Urban Changes in the City of Setif – Algeria: Colonial and Post-Colonial

Periods”, in Conference: ‘Colonial and Postcolonial Urban Planning in Africa’, Institute of Geography and Spatial Planning, University of Lisbon & International Planning History Society, Lisbon, 5-6 September 2013

4.3. Processus des transformations urbaines du centre ancien de Sétif : la