Bilan des Transformations :

La rénovation de ces quelques édifices publics ou biens vacants n'a eu lieu que suite au tremblement de terre de 1975 ou à un incendie, mais rarement à un état de vétusté très avancé (Figure 13). La construction de toute la parcelle, parfois même par regroupement de deux parcelles (cas du Centre d'Echanges lfrikia et de l'immeuble de 24 logements en face du Marché couvert), est un cas très courant. Cette opération de densification est souvent caractérisée par un commerce occupant le R.d.c., des bureaux et des logements aux étages. Les constructions privées rénovées sont souvent des Hara (vastes maisons organisées autour d'une cour). Cette lente transformation se fait encore sans grand changement de la structure urbaine originelle et en général en accord avec certaines règles d'urbanisme telles que l'alignement et la mitoyenneté.

Le décret 83-01 autorisant la vente des biens vacants a permis aux nouveaux propriétaires d'effectuer des transformations, voire des reconstructions. Ceci a également fait apparaître plusieurs phénomènes au niveau du noyau central :

- Absence d'entretien par les propriétaires de ce parc immobilier - essentiellement locatif. Cette situation est due en partie à la législation régissant les biens vacants. - Le développement de la copropriété rend plus complexe le processus de réhabilitation. - La multiplication des activités tertiaires fait perdre au centre ancien sa vocation

sociale.

- La vétusté, la dégradation et le dysfonctionnement du tissu urbain ancien conduisent à des opérations de renouvellement ou de consolidation.

- L'absence d'inventaire du patrimoine historique entrave toute action.

- L'absence d'études d'urbanisme réglementaire et opérationnel concernant le centre ancien rend sa gestion arbitraire.

Finalement, l'absence d'une stratégie urbaine pour le développement du centre ancien en fait non seulement un lieu de spéculation foncière et immobilière, mais aussi le met en danger devant ces types de transformations arbitraires qui ne tiennent pas compte de ce capital immobilier à valeur urbaine et architecturale incontestable et reconnue.

4.3.6. Conclusions et recommandations :

Si la défense du patrimoine est du ressort du politique et qu'en théorie les conditions existaient en Algérie pour l'élaboration et la concrétisation d'une réelle politique urbaine, « la réalité socio-économique n'a fait prévaloir ni l'intérêt collectif sur les intérêts de groupes dominants et spéculatifs, ni les valeurs culturelles résultant de démarches de recherche identitaire ni encore la concertation comme principe de travail (soit l'idéal démocratique!) »,186 et l'un des fondement du projet urbain.

186_{Boumaza N., 1995, op. cit., p. 32.}

Face aux immenses besoins de la population en matière de logements et d'équipements, la préoccupation des pouvoirs publics a été entièrement et longtemps tournée vers la construction neuve. De ce fait, le patrimoine existant est délaissé et même se dégrade de jour en jour, sous l'effet du surpeuplement, de la surutilisation et du sous-entretien. Il fût souvent jugé plus simple de raser des constructions vétustes que de les réhabiliter.

A Sétif, le dépérissement du patrimoine immobilier colonial du centre ancien crée des difficultés d'adaptation aux exigences des modes de vie contemporains. Ce phénomène est dû beaucoup plus à une surutilisation de cet ensemble urbain, d'où la nécessité d'une stratégie d'intervention qui permettra de mettre fin non seulement au processus de dégradation, mais aussi posera le problème d'insertion de l'architecture contemporaine dans le centre ancien.

Cette stratégie urbaine peut être basée sur l'orientation des investissements publics et privés vers le patrimoine urbain ancien. Ceci permettra la satisfaction sociale des habitants par l'amélioration de leur habitat, la préservation du patrimoine urbain et architectural et la mise en œuvre de meilleures conditions pour un environnement urbain durable.

Les recommandations formulées lors du Colloque Algéro-Français à Oran en 1987,187 doivent être mises en œuvre à l'échelle nationale le plus tôt possible. Dans le cas de Sétif, il n'y a qu'à adopter ces recommandations retrouvées ci-après :

- Créer les supports législatifs et administratifs, prenant en charge les intérêts réciproques de tous les acteurs et usagers.

- Respecter la qualité urbaine du tissu ancien et historique.

- Assurer la continuité avec la trame régulière et orthogonale existante. - Réaliser un inventaire du patrimoine architectural.

- Créer un laboratoire de recherche des techniques de restauration et de reconstruction en associant l'Institut d'Architecture de Sétif par exemple.

- Créer un organisme en charge de veiller à la protection du patrimoine, les opérations de restructuration étant soumises à son avis préalable, tel que le Conseil de l'Architecture et l'Urbanisme de la Wilaya de Sétif.

- Disposer des moyens nécessaires pour établir un diagnostic adéquat et rationnel, tout en préparant, dès l'étude, les conditions de faisabilité technique et financière.

- Développer un urbanisme concerté en faisant participer tous les acteurs publics et privés, notamment l'Université de Sétif.

- Mettre en place des mesures d'incitation et d'aide à l'auto-réhabilitation, sous forme d'aide financière et de mise à disposition de matériaux.

- Mettre en place sur le quartier concerné, une équipe opérationnelle assurant, de façon permanente, un processus d'étude, de proposition, de gestion et d'assistance technique aux usagers.

187

Rapport de la Commission N°3 (1987), « Transformation des tissus urbains anciens: conclusions et

recommandations », Actes du Colloque International (Algéro-Français): 'Les tissus urbains', Oran 1-3 Décembre 1987, éd. MUC/ENAG, Alger, 1989, pp. 23-24.

- Former les personnels d'étude et de gestion des opérations, ainsi que les personnels des entreprises appelées à réaliser les travaux.

- Proposer également, par la formation, la réhabilitation, des savoir-faire et des métiers oubliés, ainsi que la création de petites entreprises artisanales.

L'objectif final est d'améliorer l'habitat existant par une réponse adéquate à des problèmes de dégradation ou de destruction qui peuvent résulter d'un manque d'entretien ou simplement de la vétusté des bâtiments. Cette stratégie constitue le seul véritable préalable à la sauvegarde d'un ensemble urbain et s'impose comme un enjeu important pour l'avenir.

Dans l’une de nos études sur les transformations de la forme urbaine et de la ville d’origine coloniale à Sétif, l'analyse combine à priori l'approche typo-morphologique de l'environnement bâti à l'étude de la pratique et de l'usage. Ce qui a conduit à la recherche de méthodes de classification, de mesure et d'évaluation en fonction du cas particulier de Sétif. Les résultats de l'analyse montrent que, malgré les transformations du cadre bâti, l'évolution des modes de vie et d'usages, le tissu urbain évolue et s'adapte souvent à ces changements par la forme permanente des rues et des espaces publics, la stabilité relative de son découpage parcellaire et la transformation du bâti en ruine.188

4.4. Problématique de sauvegarde des « Hara » : Habitat traditionnel en