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Composante contextuelle du conditionnement de Trace

5) Hippocampe et processus cognitifs.

a) Théories sur la fonction de la formation hippocampique.

Il est de nos jours bien admis que, chez l’homme, l’hippocampe serait capital dans la formation de la mémoire épisodique, même si la question de son rôle dans le stockage à long- terme des souvenirs n’est pas résolue (Teyler et Rudy, 2007). La mémoire épisodique est une forme de mémoire déclarative/explicite qui concerne les événements « biographiques» survenus dans la vie d’une personne (Tulving, 1972). Cette forme de mémoire réclame l’intégration de trois composantes : la composante situationnelle ou « quoi » qui concerne la nature de l’événement, la composante spatiale ou « où » qui concerne le lieu et le contexte dans lequel l’événement s’est produit et enfin la composante temporelle ou « quand » qui concerne le moment auquel l’événement a eu lieu. Néanmoins, chez l’animal, l’existence d’un équivalent de la mémoire épisodique reste encore débattue (Clayton et Dickinson, 1998; Roberts et coll., 2008, pour revue voir Dere et coll., 2006).

Les connexions anatomiques de la formation hippocampique en font une zone de réception majeure des signaux en provenance des aires corticales sensorielles. Elles révèlent aussi une organisation intrinsèque se caractérisant par un haut degré d’interconnexion favorable à une activité auto-soutenue et récurrente. Tout ceci suggère donc que cette structure pourrait contribuer à l’utilisation flexible de représentations complexes de stimuli.

Chez l’animal, la capacité de l’hippocampe de permettre la formation et l’utilisation de représentations complexes et flexibles de stimuli a été invoquée pour expliquer son rôle majeur dans des tâches spatiales, conditionnelles, ou séquentielles (Eichenbaum, 1996). L’ensemble des processus hippocampo-dépendants est souvent rassemblé sous le nom de mémoire déclarative (Squire, 1992; Eichenbaum, 2004). Mais le rôle de la formation hippocampique apparaît particulièrement critique dans les apprentissages spatiaux. Il a effectivement été montré par des études lésionnelles que des animaux ne disposant pas d’un

hippocampe fonctionnel étaient fortement déficitaires lors d’apprentissages spatiaux et d’épreuves d’exploration (Morris et coll., 1982; Sutherland et coll., 1982; Jarrard, 1993). Ces déficits étaient attribués au rôle de l’hippocampe dans la mise en place d’une représentation spatiale (O'Keefe et Nadel, 1978; Taube et coll., 1990). En outre, cette structure a la capacité d’associer cette représentation spatiale à des stimuli non spatiaux (Shapiro et Eichenbaum, 1999), ce qui pourrait être important dans le cadre d’un conditionnement de Trace. Cette interprétation est largement appuyée par l’existence au sein de l’hippocampe de « cellules de lieu » répondant essentiellement à la position d’un animal dans son environnement, mais également capables d’intégrer à ce codage une réponse à des stimuli significatifs pour l’animal (Moita et coll., 2004).

En parallèle de son rôle dans les apprentissages spatiaux, l’hippocampe est impliqué dans le traitement d’informations contextuelles. Cette structure semble en effet particulièrement adaptée à la formation d’associations polymodales, complexes (Sutherland et Rudy, 1989). Ainsi, l’hippocampe ne serait pas requis lors de la mise en place et la restitution d’associations simples du type SC-SI quand le SC est un stimulus élémentaire, mais serait nécessaire pour la mise en place de la représentation configurale, unifiée du contexte, qui semble un préalable au conditionnement contextuel (Phillips et LeDoux, 1992; Holland et Bouton, 1999; Rudy et coll., 2004).

La fonction hippocampique a fait l’objet de diverses théories et modélisations visant à préciser comment les diverses informations étaient intégrées et traitées par les différentes sous-régions. Une idée générale de ces modèles est que l’hippocampe a une fonction de traitement de l’information qui modifie les représentations de stimuli qui sont ensuite utilisées par d’autres régions (Rudy et Sutherland, 1995; Gluck et coll., 2003). Ainsi, certains auteurs ont proposé que l’hippocampe encode les stimuli ou ensembles de stimuli nouveaux (Schmajuk et DiCarlo, 1992), un processus auquel participerait une modulation cholinergique de la plasticité synaptique (Hasselmo et coll., 1995). Une autre théorie propose que l’hippocampe serve à différencier des configurations de stimuli relativement voisines (Gluck et Myers, 1997). Enfin, une théorie influente considère que l’hippocampe joue le rôle d’un auto-associateur au niveau de la région CA3. Lors de la présentation d’un élément de la situation initialement encodée, une représentation de l’ensemble de la situation y serait

rappelée et transmise à la région CA1. Cette dernière recoderait l’information issue de CA3 en y intégrant des événements survenant à différents instants et la transmettrait au néocortex (Rolls et Kesner, 2006).

Enfin, en dehors de son rôle dans des processus d’encodage et de mémorisation, l’hippocampe pourrait aussi réguler l’activité d’autres structures comme l’amygdale (Maren et Hobin, 2007) et ainsi avoir un rôle plus général dans le traitement des informations et la régulation ultérieure du comportement.

b) Dissociations fonctionnelles de l’hippocampe dorsal et ventral.

Il semble actuellement émerger un consensus quant au fait que l’hippocampe ne serait pas une structure fonctionnellement uniforme mais que les nombreuses fonctions qu’il sous- tend serait traitées par des régions spécifiques ségrégées sur son axe septo/temporal (Bannerman et coll., 2004). L’HPCd et l’HPCv semblent pouvoir être différenciés aussi bien au niveau anatomique (Pitkanen et coll., 2000) que physiologique (Moser et Moser, 1998; Donley et coll., 2005; Maggio et Segal, 2007a, 2007b). De même, il semblerait que ces deux régions soient impliquées de façon différente dans certains processus décrits comme étant « hippocampo-dépendant». En particulier, des lésions sélectives de ces deux sous-régions peuvent avoir des effets distincts et dissociables au plan comportemental.

La partie dorsale de l’hippocampe est supposée plus particulièrement impliquée dans les apprentissages spatiaux. Une lésion de l’hippocampe dorsal peut ainsi avoir des effets dramatiques et similaires à ceux induit par une lésion totale par aspiration de l’hippocampe sur les performances d’un animal lors d’un apprentissage spatial en piscine de Morris. Au contraire, une lésion ne concernant que la partie ventrale de l’hippocampe n’induit que peu de déficit (Moser et coll., 1993). Ce type de dissociation a été par la suite reproduit à l’aide de lésions excitotoxiques par injection de NMDA (Bannerman et coll., 1999; Bannerman et coll., 2002; Bannerman et coll., 2003) ou d’acide iboténique (Moser et coll., 1995). L’implication sélective de l’hippocampe dorsal dans la mémoire spatiale a pu aussi être mise en évidence dans des tâches comportementales appétitives telle que l’alternance renforcée dans un labyrinthe en T (Hock et Bunsey, 1998; Bannerman et coll., 1999) ou en labyrinthe radiaire (Pothuizen et coll., 2004). L’ensemble de ces travaux met donc en évidence le fait que la

composante spatiale supposé hippocampo-dépendante serait essentiellement prise en charge par la partie dorsale de cette structure aussi bien lors de tâches de mémoire de référence que de mémoire de travail.

En ce qui concerne l’hippocampe ventral, il semblerait que ce dernier soit généralement impliqué dans les processus mis en jeu lors d’un conditionnement de peur. Il a effectivement été montré que des lésions de l’hippocampe ventral étaient suffisantes pour reproduire les effets d’une lésion totale de l’hippocampe sur les réponses de peur observées durant le conditionnement et les tests (Richmond et coll., 1999). Par ailleurs, des expériences de lésion pratiquées avant ou après le conditionnement ont suggéré que l’HPCv et l’HPCd pourraient être différemment impliqués dans l’expression de la réponse de peur en condition de Trace (Burman et coll., 2006).

Il reste donc encore nécessaire de déterminer dans quelle mesure l’HPCd et l’HPCv sont différentiellement impliqués dans la phase d’acquisition du conditionnement de Trace, ainsi que la spécificité de leur implication dans ce type de conditionnement par rapport à un conditionnement de Délai.