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Lésion du cortex entorhinal.

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II- Effets d’une lésion du CE.

Les lésions du CE effectuées avant la phase de conditionnement ne semblent pas avoir d’effet sur la réponse post-choc des animaux. Cependant, elles réduisent fortement la RC au son des rats conditionnés en Trace par rapport aux rats témoins. Ce déficit s’accompagne d’une diminution de la RC en présence du contexte de conditionnement. Par contre, la lésion du CE semble sans effet sur la réponse des animaux conditionnés avec un protocole de Délai et ce quelle que soit la phase de test.

1) Effet de la lésion sur le conditionnement de Délai et contextuel.

Les lésions du CE pratiquées ici n’induisent pas de modification de la RC des animaux conditionnés en Délai, que ce soit durant la phase d’acquisition ou durant la phase de test. A l’heure actuelle, peu d’études ont abordé la question de l’implication du CE lors d’un conditionnement de peur à un stimulus élémentaire tel que le son que nous utilisons. Cependant, nos résultats sont en accord avec les rares travaux effectués à ce sujet qui semblent montrer que cette structure cérébrale ne serait pas requise dans le conditionnement au son en Délai (Phillips et LeDoux, 1995; Schenberg et coll., 2005; Majchrzak et coll., 2006).

Cependant, ces mêmes lésions réduisent de manière drastique de la réponse de peur associée au contexte des animaux conditionnés en Trace. Compte tenu du rôle prépondérant que joue l’hippocampe dans le conditionnement contextuel (Hirsh, 1974; Nadel et Willner, 1980; Kim et Fanselow, 1992; Phillips et LeDoux, 1994; Maren et coll., 1997; Frohardt et coll., 1999; Fanselow, 2000; Desmedt et coll., 2003; Hasselmo, 2006), on pourrait s’attendre à ce que le CE, qui constitue une des principales voies d’entrée des informations sensorielles vers l’hippocampe, soit lui aussi indispensable à ce type de conditionnement. Cette question reste pourtant encore débattue, puisque certains auteurs montrent une absence d’effet de lésions du CE (Phillips et LeDoux, 1995; Good et Honey, 1997; Bannerman et coll., 2001) sur l’acquisition du conditionnement de peur contextuelle. Au contraire, d’autres mettent en évidence un effet de lésions comparables sur ce même type de conditionnement (Maren et Fanselow, 1997; Burwell et coll., 2004; Majchrzak et coll., 2006). De même, une section des voies perforantes (Ferbinteanu et coll., 1999) ou encore un blocage des récepteur NMDA durant le conditionnement par injection d’APV (Schenberg et coll., 2005) peuvent atténuer le conditionnement au contexte. La similarité des protocoles de conditionnement utilisé ainsi que les niveaux comparable de RC manifestée par les groupes contrôles de l’ensemble de ces auteurs ne permet pas de trouver une explication satisfaisante quant aux différences d’effets observés. Nos résultats vont néanmoins dans le sens de la majorité des études et sont en adéquation théorique avec le rôle de la formation hippocampique dans le conditionnement contextuel.

2) Effet de la lésion sur le conditionnement de Trace.

Les résultats que nous avons obtenus mettent en évidence un effet considérable de la lésion du CE sur la RC durant et après le son chez les animaux conditionnés avec un protocole de Trace. Ces résultats font écho à ceux obtenus par J.W. Ryou qui montrait que des lésions comparables atténuaient le conditionnement de Trace de la membrane nictitante chez le lapin (Ryou et coll., 2001). A notre connaissance, nous sommes donc les premiers à mettre en évidence une telle implication du CE dans le conditionnement de peur à un son présenté en protocole de Trace. Cependant, un effet inverse de lésion du cortex entorhinal latéral a déjà été obtenu dans une tâche d’aversion olfactive conditionnée avec un intervalle de Trace de plusieurs heures (Ferry et coll., 2006; Mouly et Di Scala, 2006). Il ne semble pas que ces

résultats puissent être directement comparés aux nôtres en raison des importantes différences de procédure touchant en particulier la localisation des lésions, plus médianes dans notre cas, mais surtout la très longue durée de l’intervalle de Trace incompatible avec le conditionnement de peur.

Plusieurs hypothèses fonctionnelles peuvent être émises pour expliquer nos résultats. La première explication serait de relier l’effet de la lésion du CE et celui que nous avons pu observer lors du chapitre précédent après lésion ou inactivation de l’hippocampe. La lésion du CE semble effectivement reproduire le déficit de conditionnement de trace que nous avions observé après inactivation de l’hippocampe dorsal. Il semble possible de supposer que l’effet de la lésion entorhinale est la résultante de la forte connectivité que ce cortex entretien avec l’hippocampe. Ainsi, cet effet ne mettrait pas en évidence une perturbation du traitement de l’information effectué par le CE, mais le simple blocage du transit de l’information en provenance du thalamus sensoriel et des cortex périrhinaux. Dans cette hypothèse, le rétablissement de la contiguïté entre SC et SI aurait lieu en grande partie au niveau de l’hippocampe dorsal.

Cependant une autre explication envisageable serait que, conformément à notre hypothèse le cortex entorhinal pourrait maintenir la Trace du SC durant l’ensemble de l’intervalle de Trace. Cette Trace pourrait en particulier être transmise à l’hippocampe dorsal et permettrait ainsi l’association du SC et du SI. Ainsi, l’implication du cortex entorhinal dans le maintien d’une Trace du SC serait en accord avec les conceptions récentes du rôle de cette structure en tant que tampon à court-terme pour les informations nouvelles (Hasselmo et Stern, 2006).

De fait, en dehors de son rôle essentiel en tant que le relais de l’information vers l’hippocampe, le cortex entorhinal semble capable d’effectuer des traitements complexes de l’information, que celle-ci soit spatiale (Sargolini et coll., 2006), ou non spatiale (Talnov et coll., 2003). De plus, les lésions du CE sont susceptibles d’induire des déficits dans des tâches spécifiques qui sont insensibles à des lésions hippocampiques, telles que l’inhibition latente (Coutureau et coll., 1999) ou l’équivalence acquise (Coutureau et coll., 2002).

3) Le CE joue-t-il un rôle spécifique dans le conditionnement de Trace ?

Nos résultats indiquent clairement l’existence d’une dissociation entre conditionnement de Trace et conditionnement de Délai lors de lésions du cortex entorhinal. Ainsi nous avons pu voir que la lésion de cette structure induisait un déficit de RC à la suite d’un conditionnement de peur dans lequel l’intervalle de Trace est de 30 s.

Dans le cadre d’un conditionnement de la paupière Ryou et collaborateurs (2001) montraient un déficit associé aux lésions entorhinales pour un intervalle de Trace beaucoup plus court (750 ms). Toutefois, ces auteurs ne décrivaient pas l’effet de ces mêmes lésions sur des animaux conditionnés en Délai. Nous confirmons donc que cette structure n’est indispensable que lors du conditionnement de Trace, puisque les lésions du CE se révèlent sans effet la RC des animaux conditionnés sans intervalle de Trace.

La spécificité de l’implication du cortex entorhinal lors du conditionnement de Trace pourrait constituer un indice quant à l’implication de cette aire cérébrale dans le processus neurobiologique permettant le rétablissement de la contiguïté entre SC et SI. Le CE pourrait en particulier être le siège d’activités persistantes constituant le support de la Trace. Nous suggérons de plus que la mise en relation à travers le temps entre SC et SI s’effectue de manière consciente (Clark et Squire, 1998 ; Carter et coll. 2003) lorsque cette région corticale participe au traitement des stimuli pour le conditionnement de Trace.

CONCLUSION

L’ensemble des expériences effectuées au cours de ce chapitre avait pour but de déterminer si des structures cérébrales connues pour leur rôle dans la mémoire de travail avaient également un rôle dans les processus sous-tendant le conditionnement de Trace. Nous avions pour cela sélectionné deux structures, le CPFm et le cortex entorhinal.

Les résultats obtenus semblent indiquer que les deux structures pourraient effectivement avoir un rôle dans la mise en place de ce type de conditionnement. Il existe cependant une différence de poids entre les effets produits par les lésions respectives de ces deux structures. Cette différence concerne la spécificité du déficit. En effet les lésions du CPFm induisent une diminution de la RC indépendamment de la présence ou de l’absence de l’intervalle de Trace, alors qu’à l’inverse la lésion du CE n’est délétère sur la RC au son que pour des rats conditionnés en Trace.

De plus, l’effet sur la RC de Trace de lésions du CE apparaît quantitativement bien plus important que celui induit par la lésion du CPFm, ce qui indique que le CPFm pourrait jouer un rôle assez général dans le contrôle de l’expression de la RC, alors que le cortex entorhinal serait plus à même d’être impliqué dans la mémoire de travail codant le SC durant le conditionnement.

L’effet des lésions du CE sur la RC des animaux conditionnés en Trace est observable aussi bien au moment de la présentation du SC que durant la période qui suit son arrêt, ce qui est concordant avec le mode d’action des cellules à activités persistantes qui commencent à décharger dès la présentation du stimulus et qui continuent à émettre des décharges après l’arrêt de ce dernier.

Néanmoins, notre approche lésionnelle pose un problème majeur étant donné qu’elle ne permet pas de déterminer quelle phase du conditionnement est perturbée. De fait, selon notre hypothèse, le mécanisme permettant le rétablissement de la contiguïté ne devrait être indispensable que durant la phase d’acquisition puisqu’il permettrait la mise en place de l’association entre SC et SI. La suite de nos travaux visera donc à déterminer si le CE est effectivement impliqué durant l’acquisition, ainsi qu’à obtenir des indices suggérant l’implication des neurones à activité persistante du CE dans le mécanisme de maintien de la Trace et du rétablissement de la contiguïté.

CHAPITRE IV

Conditionnement de Trace et Trace persistante