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Nous présenterons ici principalement les circuits neurobiologiques sous-tendant les conditionnements de la membrane nictitante et de peur lorsqu’ils sont effectués en protocole de Délai, car la connaissance préalable de ces circuits est indispensable dans le cadre de l’étude du conditionnement de Trace. Nous mentionnerons ici brièvement les principales structures spécifiquement impliquées dans les versions "Trace" de ces paradigmes puisque les mécanismes et les fonctions de ces structures seront par la suite plus précisément décrits dans le corps de la thèse.

1) Conditionnement de la membrane nictitante en Délai.

Il est de nos jours admis que, lors d’un conditionnement de la membrane nictitante effectué en Délai, le cervelet et les circuits qui lui sont associés sont essentiels (figure O-4) (Thompson et Krupa, 1994; Woodruff-Pak et Disterhoft, 2008).

Ce circuit de base comprend deux voies parallèles responsables respectivement du traitement du SC et du traitement du SI et concerne essentiellement des structures du tronc cérébral et cérébelleuses.

Le traitement d’un SC de nature auditive serait effectué par un circuit partant des noyaux auditifs et relayé au noyau interposé et au cortex cérébelleux via les fibres moussues en provenance des noyaux du pont. Il a effectivement été montré que des lésions de ce noyau induisaient un déficit de conditionnement à un stimulus auditif mais pas lumineux (Steinmetz et coll., 1987). De plus, des stimulations électriques de cette régions peuvent faire office de SC et se révèlent même plus efficaces qu’un stimulus sonore (Steinmetz et coll., 1986; Tracy et coll., 1998). En outre, une lésion du noyau interposé empêche le conditionnement (Steinmetz et coll., 1986).

La voie du traitement du SI serait en fait l’association de deux voies, l’une responsable de l’émission de la réponse inconditionnée (RI) et l’autre responsable de l’association du SI avec le SC et de la mise en place de la RC. Il est ici important de rappeler que la RI et la RC sont de nature identique dans le cadre du conditionnement de la membrane nictitante.

Ces deux voies parallèles ont pour origine les noyaux trijumeaux qui reçoivent les informations sensorielles (tactiles et nociceptives). Lors de la mise en place de la RI, les

informations vont être rapidement transmises aux noyaux moteurs du crâne par une voie directe, mais aussi indirectement via la formation réticulée. Lors de l’association SC/SI, les informations vont être transmises au noyau interposé et au cortex cérébelleux via les fibres grimpantes en provenance de l’olive inférieure. Il a effectivement été montré qu’une lésion de l’olive inférieure effectuée juste avant l’acquisition empêche la mise en place du conditionnement (Mintz et coll., 1994). De plus, les neurones de cette aire ne répondent pas au SC mais uniquement à la présentation du souffle d’air (SI) (Sears et Steinmetz, 1991). L’olive inférieure est donc capitale dans le traitement du SI lors de l’apprentissage.

La quasi indépendance des voies de traitement du SI responsables de l’expression de la RI et de l’association avec le SC a pu être mise en évidence par le fait qu’un certain nombre de lésions du cervelet telle que celles des noyaux interposés abolissent totalement l’ensemble des composantes de la RC sans affecter la RI, indépendamment de l’intensité du SI (Steinmetz et coll., 1992; Ivkovich et coll., 1993). De plus, de façon encore plus surprenante, une inactivation réversible de la formation réticulée par injection de muscimol juste avant la phase d’acquisition abolit totalement la RI manifestée en présence du souffle d’air mais n’induit pas de déficit de performance lors de la phase de test ultérieure (Zhang et Lavond, 1991). Ainsi, l’association entre SC et SI peut être acquise alors même que la RI n’est pas exprimée.

Enfin il est supposé que c’est l’activation conjointe des voies traitant le SI et le SC et leur convergence au niveau du cortex cérébelleux et du noyau interposé qui permet l’association entre les deux stimuli (Christian et Thompson, 2003).

SI Noyaux 

auditifs

Noyaux 

du pont inférieureOlive 

Noyau  trijumeau Formation  réticulée Noyau  rouge Noyaux moteurs  du crane Noyau  Interposé Fibres  grimpantes CORTEX CEREBELLEUX SC RC & RI Fibres  moussues

2) Conditionnement de Peur en Délai.

L’apparente simplicité du conditionnement de peur est à mettre en parallèle avec la difficulté d’explication des processus opératoires sous-jacents. Pourtant, depuis quelques années, des apports expérimentaux majeurs ont conduits à l’émergence d’un consensus sur ces mécanismes. Il a ainsi été défini deux circuits du conditionnement de peur sous-tendant respectivement le conditionnement à un stimulus élémentaire et le conditionnement au contexte.

a) Conditionnement de peur à un stimulus élémentaire.

C’est principalement un circuit direct thalamo-amygdalien, ou "circuit rapide" en provenance du corps genouillé médian et du noyau intralaminaire postérieur (LeDoux et coll., 1990; Turner et Herkenham, 1991) qui permettrait la formation d’un conditionnement

Figure O- 4 : Schéma simplifié du circuit cérébelleux impliqué dans le conditionnement de la membrane nictitante en protocole de Délai. Deux voies parallèles sous-tendent le traitement du SC et le traitement du SI. Ces deux voies présentent des parties communes notamment au niveau du cortex cérébelleux et du noyau interposé.

élémentaire impliquant un SC sonore simple et unimodal. Les informations relatives au SI transiteraient également par ce circuit court (figure O-5).

Lorsque le SC doit faire l’objet d’une discrimination sur la base de ses propriétés perceptuelles, un second circuit, plus "long" incluant le cortex auditif semble s’avérer nécessaire (Romanski et LeDoux, 1993). Le circuit rapide permettrait la mise en place de la RC avant même que le SC ne soit reconnu, la reconnaissance de ce SC passant par le circuit long.

L’intégration des données de ces deux circuits semble se faire au niveau du noyau latéral de l’amygdale (LA). En effet, les projections thalamo-amygdaliennes et cortico- amygdaliennes convergent sur les même neurones au sein de ce noyau (LeDoux et coll., 1991; Li et coll., 1996). Des lésions ou des inactivations du LA provoquent d’importantes perturbations du conditionnement de peur à un SC élémentaire sonore, ce qui confirme le rôle de ce noyau dans ce type de conditionnement (Muller et coll., 1997; Wilensky et coll., 1999; Amorapanth et coll., 2000; Nader et coll., 2001)). Il est maintenant largement accepté que le LA serait un site clef de la plasticité synaptique nécessaire à l’association SC/SI (Maren, 2001; Ferreira et coll., 2008).

Enfin, c’est le noyau central de l’amygdale (CN) qui assurerait l’expression de la réponse conditionnée, qu’elle soit de nature viscérale, du fait de ses connexions aux régions hypothalamiques, pontine et médullaire impliquées dans la régulation du système nerveux autonome, ou comportementale par l’intermédiaire de la substance grise périaqueducale. Il a effectivement été montré qu’une atteinte du CN interfère avec l’expression des réponses conditionnées (Kapp et coll., 1979; Gentile et coll., 1986; Hitchcock et Davis, 1986; Nader et coll., 2001). Dans un modèle révisé, le CN reste central dans l’expression de la réponse de peur, mais aurait aussi un rôle prépondérant dans les phases d’acquisition et de consolidation de ce type de conditionnement (Pare et coll., 2004; Wilensky et coll., 2006), ce qui a conduit à une remise en cause du modèle classique (LeDoux, 2000) dans lequel le CN n’était pas un site de plasticité.

SC/SI