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Blocage des récepteurs muscariniques M1 du CE par la pirenzépine après le conditionnement.

II- Effets sélectifs du blocage des récepteurs M1.

La deuxième expérience présentée dans ce chapitre montre que le blocage des récepteurs M1 à l’acétylcholine induit un déficit spécifique de la RC au son quand ce dernier est conditionné en Trace. Cet effet se manifestait pour la dose de pirenzépine la plus forte par une diminution de RC lors de l’acquisition ainsi que lors du test au son, que ce soit pendant ou après la présentation de celui-ci. De plus, cette même dose se révélait sans effet chez des animaux conditionnés avec un protocole de Délai, ce qui indiquait la spécificité des effets observés. Ainsi, un blocage des récepteurs M1 dans le CE lors du conditionnement réplique les effets observés après lésion excitotoxique de cette même structure.

On pourrait envisager que l’effet induit par la pirenzépine soit en fait dû à une diffusion de la drogue dans le cortex périrhinal. En effet il a été récemment montré par approche lésionnelle que le conditionnement de Trace nécessite la mise en jeu du cortex périrhinal (Kholodar-Smith et coll., 2008) Cependant, le faible volume d’injection que nous utilisons ainsi que le fait que nos injections répliquent l’effet de lésions qui ne touchaient pas le cortex périrhinal nous laissent supposer que le déficit observé est bien le résultat de l’action de la pirenzépine sur le cortex entorhinal.

L’effet de l’injection de pirenzépine indique que le conditionnement de Trace et les activités persistantes dépendent de manière analogue de l’activation des récepteurs

muscariniques de type M1 dans le CE (Egorov et coll., 2002). Ce résultat va donc dans le sens d’une implication possible de ces activités dans le maintien de la Trace du SC.

Contrairement à la 192-IgG-Saporine, qui provoque une dégénérescence du neurone pré-synaptique, ce qui devrait réduire la quantité d’acétylcholine émise après une stimulation, la pirenzépine agit directement au niveau post-synaptique en bloquant les récepteurs M1. Ainsi, une dose suffisante de pirenzépine serait susceptible d’empêcher tout développement d’activités persistantes, de manière relativement indépendante de la quantité d’acétylcholine libérée en amont.

L’implication des récepteurs M1 du cortex entorhinal dans le conditionnement de Trace n’est pas simplement due à un rôle général de ces récepteurs dans le conditionnement de peur qui peut apparaître lors d’injections systémiques d’un antagoniste M1 (Soares et coll., 2006). En effet, dans nos expériences, le conditionnement de Délai, qui ne nécessite pas de rétablir la contiguïté entre SC et SI, s’avère insensible aux injections locales de pirenzépine, contrairement au conditionnement de Trace. Ce résultat est en accord avec nos hypothèses.

Il est probable que la pirenzépine agisse pendant plusieurs heures après l’injection. En effet chez le chat une injection de pirenzépine dans l’hypothalamus induit des modifications de l’activité nerveuse enregistrée dans l’hippocampe jusqu’à 5 h après l’injection (Bocian et Konopacki, 2004). Ainsi le déficit de performance que nous observons pourrait être imputable à une perturbation des processus post-acquisition tels que les mécanismes précoces de consolidation. Toutefois, il ne semble pas que le cortex entorhinal soit impliqué dans ces processus à la suite d’un conditionnement de peur (Schenberg, 2005; Baldi et coll., 1998).

De plus, la troisième expérience de ce chapitre nous permet de préciser que l’activation des récepteurs M1 est critique uniquement lors de la phase d’acquisition. En effet, si l’on injecte immédiatement après cette phase une dose de pirenzépine qui s’était révélée efficace sur le conditionnement, cette injection s’avère sans effet. Ceci nous permet d’exclure que l’effet de la pirenzépine concerne la phase de consolidation du conditionnement de Trace, en accord avec l’idée que cet effet est directement lié à la nécessité de rétablir la contiguïté lors des appariements entre SC et SI. Cet effet lors de la phase d’acquisition peut être mise en regard de plusieurs travaux sur le cortex préfrontal montrant au contraire un effet de manipulations pharmacologiques effectuées après le conditionnement (Runyan et coll., 2004).

L’effet différent de l’injection de pirenzépine avant ou après le conditionnement pourrait être considéré comme une indication que le conditionnement de Trace est sensible à l’état particulier induit par cette drogue. En effet, dans le premier cas, le test au son est effectué alors que l’effet de la substance injectée au moment du conditionnement s’est dissipé, alors que dans le second cas les deux phases sont effectuées en l’absence de drogue. Bien que nous n’ayons pas directement testé cette hypothèse par des injections au moment du test au son, divers résultats suggèrent que cette interprétation est peu vraisemblable. D’une part l’effet d’un antagoniste M1 injecté par voie générale ne semble pas lié à une dépendance d’état (Soares et coll., 2006), et d’autre part ce type d’effet ne semble pas avoir été rapporté dans le cas de micro-injections de diverses substances pharmacologiques effectuées directement dans les structures cibles (Bast et coll., 2003).

Au delà de notre hypothèse fonctionnelle concernant le rôle des neurones à activité persistantes du CE dans la mise en place du conditionnement de Trace, l’implication de l’acétylcholine dans ce type de conditionnement pourrait résulter de son implication dans divers autres processus cognitifs. Ce neurotransmetteur est effectivement connu pour son implication dans des fonctions telles que l’attention ou la mémoire de travail (Bartus et Johnson, 1976; Penetar et McDonough, 1983; Newman et McGaughy, 2008). Dans la mesure où le conditionnement de Trace met en jeu ces mêmes fonctions cognitives (Clark et Squire, 1998; Manns et coll., 2000b, 2000a, 2002; Carter et coll., 2003), et notamment lors de la phase d’acquisition, une implication du système cholinergique peut être attendue.

Toutefois, du fait que les manipulations décrites dans ce chapitre étaient sélectivement dirigées vers le CE, elles laissaient très certainement intact une grande partie du système cholinergique cérébral. C’est ainsi qu’il n’y a aucune raison de penser que les injections de Pirenzépine dans le CE aient pu directement affecter les processus attentionnels mis en jeu dans le cortex cingulaire antérieur, qui apparaissent nécessaires au conditionnement de trace (Han et coll., 2003), et cela même s’ils dépendent vraisemblablement d’activités cholinergiques (Sarter et coll., 2005).