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HABITAT ET URBANISME FACE AU VIEILLISSEMENT

Dans le document Vivre ensemble plus longtemps (Page 154-157)

Catherine Collombet

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a proportion de personnes âgées dans la population ayant toujours été, jusqu’à une période récente, très minoritaire, ni l’urbanisme ni la conception des logements n’ont jamais été pensés en fonction des besoins particuliers du grand âge. Une illustration frappante, car éloignée des représentations communes, en est fournie par les ensembles d’habitat social. En majorité, ils ont été construits il y a quelques décennies pour une population jeune en forte expansion, composée de familles. Au début des années 2000, 20 % des locataires du parc social avaient plus de 65 ans, soit une proportion plus importante que leur part dans la population nationale. Selon certaines estimations1, en 2035, la proportion de personnes âgées dans le parc social sera comparable à celle des régions de France les plus âgées, comme le Limousin ou l’Auvergne2. Une telle évolution appelle de lourdes adaptations de ces logements et de leurs parties communes.

La France se prépare depuis quelques décennies au vieillissement, mais elle s’y est d’abord intéressée sous l’angle des retraites, puis sous l’angle médicosocial avec la canicule de 2003. Les plans « grand âge » successifs adoptés depuis cette date prennent peu en compte les questions de logement. Un facteur d’explication tient sans doute à la séparation institutionnelle, tant au plan national qu’au plan local, entre les acteurs compétents sur les politiques sociales et les acteurs compétents sur les politiques du logement. Les travaux sur le logement qui traitent de la question des personnes âgées sont relativement récents3. Au sein de la politique des personnes âgées, la politique du logement n’a pas encore complètement trouvé sa place : à titre d’illustration, ce sujet n’a pas été abordé par les « États généraux du logement » organisés par l’Union sociale pour

(1) Mallet-Champvert P. (2008), « Segmentation et adaptation de l’offre de solutions », in Guérin S. (coord.), Habitat social et vieillissement : représentations, formes et liens, Paris, La Documentation française.

(2) « Vieillissement et handicap », Habitat et Société, n° 52, pour la proportion de personnes dans le parc social ; INSEE (2005), « Les personnes âgées », Insee Références, septembre, pour les projections régionales.

(3) On peut citer : Boulmier M. (2009), L’adaptation de l’habitat au défi de l’évolution démographique : un chantier d’avenir, rapport au secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme, Paris, La Documentation française, octobre ; Boulmier M. (2010), Bien vieillir à domicile, rapport au secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme, juin ; les travaux du PUCA, notamment le colloque « Vieillir en ville » en mars 2007 et le rapport Vieillissement de la population et choix résidentiels, 2008 ; le rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre, 2009.

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l’habitat (USH) le 4 mai 2010. Autre fait significatif, la grande loi définissant les obligations d’adaptation des logements n’a pas été conçue pour les personnes âgées, même si elle leur bénéficie de fait, mais pour les personnes handicapées : il s’agit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Le défi est d’autant plus important que l’effort à fournir ne peut se limiter au seul logement. Pour que la personne âgée demeure autonome, c’est tout son environnement qui doit être adapté (parties communes, accès à l’immeuble, voirie, transports, présence de services à proximité).

Ce chapitre présente le défi que constitue le vieillissement pour les politiques d’habitat et d’urbanisme, dans ses différents aspects (1), il montre en quoi les politiques publiques n’ont pas poursuivi jusqu’à présent une stratégie claire (2) et esquisse, en s’appuyant sur les pratiques émergentes, ce que pourrait être une telle stratégie (3).

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Vieillissement, habitat et urbanisme : un défi multiforme

Le défi posé par le vieillissement de la population est multiforme. D’une part, il se présente de manière très différente au troisième âge, qu’on peut caractériser comme celui de la retraite en bonne santé, et au quatrième, celui du déclin de l’autonomie à des rythmes divers selon les personnes. D’autre part, les différents territoires sont concernés de manière variable, selon les facteurs démographiques et les formes d’habitat : il y a une géographie du vieillissement à appréhender.

Le vieillissement représente non pas un défi mais une série de défis à géométrie variable, auxquels les pouvoirs publics doivent apporter des réponses variées.

1.1. Les deux âges du vieillissement

L’étude des modes de vie et du cadre de vie des personnes âgées montre que l’on peut distinguer, pour les plus de 60 ans, deux âges qui induisent des besoins d’aménagement et d’adaptation de l’urbain différents. Le troisième âge correspond à la période qui suit le début de la retraite, pendant laquelle l’individu est encore en pleine capacité de ses moyens physiques et matériels. Elle se caractérise par une certaine intensité de vie et de mobilité dans la ville et dans son environnement économique et social. L’habitat, l’urbain et le territoire sont utilisés de façon libre et relativement « hédoniste » par ce groupe des seniors.

Le quatrième âge, quant à lui, a un point d’entrée très variable d’une personne à l’autre – que l’on peut grosso modo situer autour de 75 ans – qui correspond

à une perte des capacités physiques, psychologiques ou cognitives : le mode de vie est alors plus statique, l’utilisation de l’espace urbain, du logement est plus restrictive, tournée davantage vers la proximité. La volonté d’autonomie reste cependant prédominante même si elle peut nécessiter un accompagnement.

Il convient de distinguer deux types de politiques publiques en matière d’habitat et d’urbanisme à destination de ces publics distincts.

Le troisième âge : maintien des conditions de vie et comportements de loisir

Les jeunes retraités d’aujourd’hui ont des capacités financières très proches en moyenne de celles des actifs et bénéficient d’un relativement bon niveau de consommation, notamment concernant les loisirs, grâce à leur temps libre. Un rapport du COR1 montre que si l’on compare le niveau de vie des actifs et des retraités, la situation moyenne ou médiane n’est pas très éloignée de la parité de niveau de vie. Les jeunes retraités sont la classe d’âge qui connaît le niveau de vie le plus élevé. Si l’on prend pour référence (base 100) le niveau de vie moyen de l’ensemble des personnes de moins de 55 ans, le niveau de vie moyen des retraités âgés de 55 à 64 ans est égal à 111 et celui des personnes âgées de 65 à 74 ans à 110. En bas de l’échelle des revenus, le taux de pauvreté des retraités est inférieur à celui des actifs : en 2007, le taux de pauvreté des personnes âgées de plus de 65 ans (seuil à 60 % du revenu médian) était de 10,2 %, contre 13,4 % pour l’ensemble de la population.

Conjointement, la principale caractéristique des comportements de logement du troisième âge est le maintien de la situation antérieure. Les déménagements se font rares : le taux de mobilité résidentielle, qui est de 12 % chaque année pour l’ensemble de la population, chute à 4,7 % après 60 ans. Les jeunes retraités ont, pour la plupart, acquis une situation de logement confortable et la conservent.

70 % des 65-74 ans sont propriétaires de leur logement et ont fini de le rembourser, contre 35 % dans l’ensemble de la population2. 67 % d’entre eux habitent une maison individuelle – ce qui correspond à l’aspiration majoritaire des Français –, contre 56 % en moyenne générale.

Autre trait saillant, les comportements de logement de cette tranche d’âge sont guidés par la recherche du loisir. Sur l’ensemble des jeunes seniors, la (1) Conseil d’orientation des retraites (2007), 20 fiches d’actualisation pour le rendez-vous de 2008, 5e rapport, novembre.

(2) Ces chiffres et l’ensemble de ceux figurant dans cette section sont issus d’INSEE (2005),

« Les personnes âgées », Insee Références, les données datant de l’enquête Logement de 2002.

consommation de loisirs tend à se rapprocher de celle de l’ensemble de la population, sans qu’on puisse pour autant identifier un « hédonisme » exacerbé : le taux de départ en vacances des 65-69 ans a plus que doublé depuis 1961 mais il reste inférieur à celui de la population générale.

Dans le document Vivre ensemble plus longtemps (Page 154-157)

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