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Les actions émergentes

Dans le document Vivre ensemble plus longtemps (Page 175-181)

Exemples d’initiatives locales de recensement des obstacles à l’accessibilité

3.1. Les actions émergentes

La normalisation des nouveaux logements et des établissements recevant du public dans le sillage de la loi « Handicap »

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a imposé pour la première fois que tous les nouveaux logements soient « accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ». « Est considéré comme accessible aux personnes handicapées tout bâtiment d’habitation collectif ou tout aménagement

lié à un bâtiment permettant à un habitant ou à un visiteur handicapé, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements, de se repérer et de communiquer »1. Conçues pour les personnes handicapées, ces normes bénéficient de fait également aux personnes âgées.

Cette obligation de mise en accessibilité constitue un choix stratégique lourd. Il aurait été concevable de ne l’imposer que pour une fraction des nouveaux logements. Le ministère du Logement estime entre 5,5 % et 6 % le renchérissement du coût de la construction induit par ces nouvelles normes2 ; de plus, celles-ci entraînent un agrandissement des logements3 de l’ordre de 6 m². À l’inverse, les évolutions imposées pour le parc existant sont assez limitées et ne jouent qu’à l’occasion de travaux. Il est seulement prévu que les travaux ne doivent pas dégrader l’accessibilité antérieure, sauf pour les parties communes, pour lesquelles tous les travaux autres que d’entretien doivent conduire à la mise en accessibilité. On peut donc relever le décalage entre la force des obligations imposées aux nouveaux logements et la modération en ce qui concerne le parc existant. Compte tenu de l’écart entre le flux annuel de construction (de l’ordre de 400 000 logements) et la taille du parc (30 millions), ce choix ne conduira qu’à une augmentation lente du nombre de logements accessibles.

En revanche, pour les établissements recevant du public (gares, commerces, musées, services publics, etc.), la loi fixe une obligation de mise en accessibilité de tous les établissements d’ici à 2015. Des diagnostics d’accessibilité, évaluant les travaux à réaliser, doivent être achevés avant le 1er janvier 2010 ou le 1er jan-vier 2011, selon la taille de l’établissement.

La mise en œuvre de ces dispositions se heurte notamment à la rareté des compétences en ingénierie des travaux nécessaires à la mise en accessibilité.

La loi du 11 février 2005 impose que la formation initiale des architectes comprenne désormais un module dédié, mais cette mesure ne peut produire d’effets que de façon très limitée à court terme. Des organismes publics comme l’ANAH ou le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ont conçu des guides à l’attention des professionnels, des collectivités publiques et des particuliers.

(1) Article R. 111-18-1 du Code de la construction et de l’habitation. Un article similaire concerne les maisons individuelles.

(2) Chiffres cités par le rapport annuel 2009 du Conseil d’État, Droit au logement, droit du logement, p. 78.

(3) Étude d’impact préparatoire à l’élaboration des décrets d’application de la loi du 11 février 2005, rapport du Conseil général des Ponts et Chaussées, juillet 2005.

Créé le 11 février 2010, l’Observatoire national de l’accessibilité doit suivre la mise en œuvre de la loi et mieux informer les différents acteurs.

Des collectivités territoriales qui mobilisent leurs leviers de manière encore incomplète

Les collectivités territoriales sont en première ligne pour répondre aux problèmes posés par le vieillissement. L’ampleur du problème varie d’un territoire à l’autre et les enjeux du vieillissement sont perçus par la population comme des problèmes de proximité, pour lesquels elle tourne spontanément ses attentes vers les autorités locales. Surtout, les collectivités territoriales, notamment les communes et intercommunalités, disposent des principales compétences permettant d’y répondre : urbanisme, habitat, aménagement de la voirie, transports urbains et action sociale.

En matière d’urbanisme et d’habitat, une enquête réalisée fin 2006 par la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU) et la Fondation de France (FDF) montre que la prise en compte de la problématique du vieillissement dans les documents d’urbanisme et d’habitat se développe mais demeure incomplète, notamment lorsqu’il s’agit de passer du diagnostic aux mesures opérationnelles. Les programmes locaux de l’habitat (PLH), qui définissent des objectifs de peuplement et de mixité sociale au niveau de l’intercommunalité, évaluent souvent les besoins de logements adaptés aux personnes âgées, mais n’intègrent pas assez le besoin de concevoir, selon les termes de l’étude, un

« habitat adapté », associant notamment la proximité de commerces, de services à la personne et de services médicalisés. Les plans locaux d’urbanisme (PLU), définis en général au niveau de la commune et comportant toutes les règles d’occupation des sols (définition des zones constructibles, des coefficients d’occupation des sols, etc.), intègrent le vieillissement dans leur partie diagnostic et orientations. Mais le règlement d’urbanisme lui-même, la partie « dure » du PLU, ne fait pas apparaître cette problématique, alors qu’il peut influencer le peuplement par divers canaux : densité de l’habitat, caractéristiques de la voirie ou encore organisation de l’équipement commercial.

En matière de transports et de voirie, la prise en compte des besoins des personnes âgées est aujourd’hui presque systématique, mais elle se fait à travers la catégorie plus large des « personnes à mobilité réduite » (PMR), qui inclut également les personnes handicapées, les femmes enceintes, les personnes avec poussette ou encore celles portant une lourde charge ou utilisant des béquilles. On peut citer l’exemple du tramway de Bordeaux, qui a

intégré dès sa conception une réflexion sur les besoins des PMR, ce qui s’est traduit par de multiples aménagements : plancher bas intégral pour entrer dans la rame, larges portes coulissantes, messages auditifs et visuels pour annoncer la direction et la prochaine station, repères au sol sur les quais des stations, bandes podotactiles pour malvoyants, aménagement des espaces publics autour des stations (pas de marche mais des dépressions limitées à 2 cm). La loi sur le handicap de 2005 impose une accessibilité complète de la voirie et des transports d’ici à 2015 et la réalisation de schémas directeurs des travaux à entreprendre d’ici à 2009.

Cependant, les besoins des personnes âgées ne sont pas forcément identiques à ceux des personnes handicapées actives : celles-ci recherchent des chemi- nements rapides et efficaces, tandis que les personnes âgées souhaitent des cheminements agréables (flux de voitures moins denses), avec des haltes (importance des bancs). La promotion d’un partage de la voirie plus favorable aux « modes doux » (marche, transports en commun, vélos), mise en œuvre dans les agglomérations de Nantes, du Havre, de Dunkerque ou Bordeaux, est ainsi de nature à plaire aux personnes âgées.

La mise en accessibilité des transports publics pourrait ne pas suffire à les rendre attractifs pour les personnes âgées. Dans les grandes agglomérations, la densité des utilisateurs risque de demeurer un facteur répulsif. Certaines autorités publiques mettent en place des moyens de transport ciblant les personnes âgées, comme des minibus électriques. Une voie alternative est de moins compter sur les transports et de limiter les besoins de déplacement de longue distance des personnes âgées, en organisant le regroupement de services de proximité.

En matière d’action sociale, la principale difficulté est le manque d’articulation entre les acteurs du logement et ceux de l’action sociale. Cependant, un nombre croissant de conseils généraux développe des offres de service combinant action sociale et adaptation du logement. Des guichets uniques sont mis en place, donnant accès à l’ensemble des aides ; des diagnostics sur l’adaptation du logement sont réalisés dans le cadre de l’attribution de l’APA. En outre, certains conseils généraux, comme celui du Val-de-Marne, versent des aides facultatives complétant l’APA pour financer l’adaptation du logement. Cela s’avère utile car le caractère mensuel du versement de l’APA convient mal à la prise en charge de dépenses ponctuelles mais importantes.

Réhabilitation des logements et développement de la mobilité à l’initiative des bailleurs sociaux

Depuis quelques années, on observe une intensification des actions des bailleurs sociaux destinées à s’adapter au vieillissement de leurs locataires. Quatre thèmes peuvent être identifiés : l’adaptation du parc existant, la production d’une offre intermédiaire entre logement et hébergement, la transformation de la gestion locative et le développement de la mobilité des locataires1.

La réalisation de travaux d’adaptation dans le parc social est facilitée par la concentration des décideurs : quelques centaines d’organismes HLM contre plusieurs millions de propriétaires occupants ou de bailleurs dans le parc privé.

Sur le plan financier, les organismes sociaux bénéficient d’une déduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties du montant des travaux d’accessibilité réalisés. En revanche, ils sont confrontés à une population socialement plus fragile, dotée de moins de ressources financières (les deux tiers des locataires du parc social ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de ressources) et peuvent difficilement répercuter le coût des travaux sur les loyers.

On observe qu’un nombre croissant d’organismes cherche à dépasser une approche au coup par coup et à planifier les efforts d’adaptation. Ainsi, à Paris, l’AORIF – Union sociale pour l’habitat d’Île-de-France2 a réalisé en 2007, en partenariat avec quatre bailleurs sociaux parisiens et la Ville, des projections démographiques à 15 ans et une évaluation du coût d’adaptation du parc. La législation, qui impose désormais à chaque organisme d’élaborer un « plan stratégique de patrimoine » et de conclure avec l’État une « convention d’utilité sociale », dans une perspective pluriannuelle, incite à adopter ces démarches de planification. Dans plusieurs cas, plutôt que de réaliser des logements adaptés selon un modèle unique, les organismes ont développé une approche graduée.

Certains organismes HLM ont mis en place une approche à trois niveaux : petits travaux pour dépendance légère, modifications lourdes mais sans accessibilité en fauteuil roulant et enfin logements accessibles en fauteuil roulant. Le financement de ces opérations repose souvent sur des partenariats multiples avec des collectivités publiques : commune, conseil général, conseil régional, État.

Le programme national de rénovation urbaine contribue également à la dyna- mique d’adaptation du parc existant. Selon le rapport de Muriel Boulmier3, (1) On s’appuie ici notamment sur le n° 52 de la revue Habitat et Société, « Vieillissement et handicap : des enjeux nouveaux pour l’habitat », décembre 2008.

(2) Association qui regroupe tous les organismes HLM d’Île-de-France.

(3) Boulmier M. (2009), op. cit.

les opérations portées par l’ANRU, tant de réhabilitation que de démolition-reconstruction, intègrent un objectif d’offre de logements adaptés à tous les âges. La rénovation urbaine devant toucher 3,2 millions d’habitants, et le taux de personnes âgées dans les zones urbaines sensibles étant de 15 %, on peut estimer à 480 000 le nombre de personnes âgées qui pourraient bénéficier de tels projets.

Outre l’adaptation des logements ordinaires, on observe le développement d’une offre intermédiaire entre le logement de droit commun et l’hébergement en établissement. Les promoteurs privés peuvent être réticents à s’engager dans ce type d’opérations, à cause du risque juridique de reclassement en établissement médicosocial, en fonction du degré de dépendance des occupants. L’offre intermédiaire se présente sous des appellations et terminologies variées :

« habitat groupé », « domicile collectif », « logement-foyer », « béguinage », etc.

Toutes ces formules présentent deux points communs : les occupants conservent un statut de locataire et non de personne accueillie en établissement ; elles sont néanmoins regroupées dans un espace dédié en tout ou partie aux personnes âgées et facilitant leur accès à des services.

On peut distinguer deux catégories d’offre intermédiaire : celle qui s’adresse exclusivement aux personnes âgées et celle qui cherche à maintenir une certaine mixité intergénérationnelle. Au sein de la première catégorie, le logement-foyer est la formule la plus ancienne et quantitativement la plus importante. À partir de la fin des années 1980, les organismes sociaux ont développé la formule des « résidences Edilys », sur le modèle des résidences pour seniors de haut standing développées dans le secteur privé à but lucratif (Les Hespérides, Orpéa, etc.) mais à des prix plus accessibles. Plus récemment encore, plusieurs organismes sociaux ont porté des formules de micro-quartiers d’habitat groupé pour personnes âgées : on peut citer les « maisons seniors » dans la région de Mulhouse, les « Papy lofts » dans le Calvados ou encore les « béguinages » dans le nord de la France. Ces initiatives présentent de nombreux points communs : il s’agit de regroupements de résidences pleinement adaptées aux personnes âgées, comportant des espaces ou des lieux de convivialité (cour arborée, placette, local collectif) et bénéficiant d’un accès facilité à des services, y compris médicalisés, par exemple par la proximité avec un EHPAD.

Les formules de la deuxième catégorie sont d’un montage encore plus complexe, car elles impliquent de concevoir une offre attractive pour des catégories de population différentes et nécessitent parfois la mobilisation d’un plus grand nombre d’acteurs, correspondant aux différents publics. Ainsi, l’installation de

logements étudiants dans un foyer-logement à Villeurbanne a nécessité un partenariat entre l’Office public de l’habitat, la ville et le CROUS. Une initiative plus ambitieuse est celle du quartier intergénérationnel de Pulnoy, dans la banlieue de Nancy. Portée par la commune, elle consiste dans la réalisation d’une zone d’aménagement concerté (ZAC), comportant des logements locatifs sociaux, privés et en accession. L’attractivité pour les personnes âgées est assurée par le calme, la conception des circulations et la proximité d’une plateforme de services gérontologiques et d’un centre d’animation communal. Qu’il s’agisse de la première ou de la seconde catégorie, toutes ces initiatives présentent un caractère expérimental affirmé : leurs promoteurs, en général des communes et des bailleurs sociaux, testent ces formules sur de petits effectifs.

De l’art de créer des binômes intergénérationnels :

Dans le document Vivre ensemble plus longtemps (Page 175-181)

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