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Héritages – des disciples et des traitres

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 187-200)

L’ACTEUR – DIFFÉRENTES APPROCHES DE LA RELATION CORPS-ÉMOTION-ESPRIT

2.4 Héritages – des disciples et des traitres

Stanislavski, Meyerhold et Craig, trois des grands théoriciens, des grands acteurs et metteurs-en-scène de théâtre du XXe siècle ont eu des visions étendues et ils ont suivi des voies qu’ils croyaient justes pour arriver possiblement au même but, c’est-à-dire à faire du théâtre un vrai métier artistique. Des acteurs ont suivi ces maîtres de façon directe ou indirecte et ont finalement réalisé leurs propres créations à partir de ce qu'ils avaient compris.

Si Stanislavski a contribué au développement du pouvoir de l’émotion de l’acteur, à son contrôle et sa subtilité, à son lien avec l’imagination, les acteurs de Meyerhold ont découvert des possibilités insoupçonnées du corps, des transformations, de l’éloignement de l’ordinaire, en d’autres termes, ils ont travaillé à la création de corps artistiques habités par une imagination autonome; enfin Craig, à travers sa pensée transportée, ses paroles chargées de passion, a insufflé aux acteurs l’envie de dépasser leurs limites, la possibilité de rêver d’atteindre des états de conscience plus évolués à travers le mouvement et la force de l’imagination pour atteindre la révélation de l’invisible.

Si leurs voies sont distinctes ils ont tous en commun la valorisation de l’imagination. Ces trois parcours, explorés pendant plusieurs années à travers des investigations détaillées, ont permis, par la force des vérités qu’ils ont révélées, que d’autres puissent continuer à contribuer à l’évolution de l’art théâtral. Cependant, chacune de ces voies prise séparément est incomplète. Cela est peut-être dû au manque de temps et de moyens de ces chercheurs, qui ont dû, pour une raison ou une autre, interrompre leurs recherches.

Appréhendées d’un point de vue trinitaire, leurs recherches démontrent que chacun a exploré un ou deux points du triangle corps/émotion/pensée. Ainsi, en ce qui concerne Stanislavski, la recherche de vérité était, bien entendu, appuyée sur la justesse de l’émotion liée à l’imagination, et à une exploration approfondie de l’émotion ; néanmoins ses recherches sur le corps n’étaient pas à la hauteur des découvertes faites par Meyerhold.

546 E. G. Craig, De L’Art du théâtre, op. cit., p. 77.

Le Corps qui pense, l’esprit qui danse – l’acteur dans sa quête de l’unité perdue  Leela Alaniz 

Néanmoins, ses dernières explorations ont commencé à diriger son attention vers le corps, vers les actions physiques, mais elles n’ont pas dépassé une gestualité réaliste, et ne se sont pas aventuré dans l’expressivité corporelle au-delà du réalisme.

Pour Meyerhold qui a pris la voie du corps lié à l’imagination, aucune attention particulière n'était portée sur l’émotion de l’acteur. Certes, pour lui, l'action physique provoque l'émotion, mais cette connexion a lieu chez le public, et non chez l’acteur.

Meyerhold attendait que la réaction du public se fasse d’abord à un niveau intellectuel, il voulait solliciter sa perspicacité qui devait lui permettre de créer du sens en regardant le jeu extravagant et symbolique des acteurs. Par conséquent l’imagination du public devait être éveillée et les images propres à l’univers personnel de chacun devaient y naître. C’est alors en dernier lieu que l’émotion devait y être engendrée. Pour lui, les émotions ne sont pas essentielles chez l’acteur, c’est pourquoi il n'existe pas, au cœur de sa recherche, de travail sur l'observation ni sur l’exploration de l’émotion. De cette manière, les acteurs développent leurs qualités corporelles et une grande attention mentale, mais il est possible qu’ils développent ou simplement qu’ils conservent des obstructions émotionnelles, qui pourraient à leur tour bloquer les mouvements du corps et l’esprit de l’acteur. Évidemment, chez Meyerhold, les recherches sur l’entraînement de l’acteur n’étaient pas finies, nous le savons qu’elles furent interrompues de manière tragique, et notre observation ne tend pas à émettre de conclusions sur un processus qui est resté en cours d’exploration. Il est évident que par sa sensibilité et sa profonde connaissance de l’univers de l’acteur, Meyerhold ne considérait pas son travail comme conclu à ce stade-là.

Enfin Craig avait l’espoir extraordinaire de faire du théâtre un art véritable. Selon lui, l’acteur devait se consacrer totalement à son art. Il devait enraciner son travail dans un amour profond pour l’art, sans attendre ni retours matériels, ni la reconnaissance du public.

Cela dit, l’acteur devait se dépouiller de ses propres émotions, et effectuer un très long travail sur son propre instrument, à savoir son corps, pour le rendre malléable et transformable. Il devait également développer son imagination. Ainsi pour Craig, l’acteur devait être une pièce, au même titre que la lumière et le décor, prête à être manipulée par un seul créateur : le Régisseur. Or, chez Craig cet acteur n’a jamais pu exister effectivement, puisque les recherches pratiques qu’il a menées dans son école à Florence ont été très courtes et abrégées prématurément. Cette école où il aurait pu conduire ses investigations pratiques de façon à construire et à laisser un enseignement concret,

c’est-à-Le Corps qui pense, l’esprit qui danse – l’acteur dans sa quête de l’unité perdue  Leela Alaniz 

dire une méthode pour les acteurs de l’avenir n’a jamais vu le jour telle qu’il la rêvait.

Malgré sa conviction et son fort désir de former un « acteur idéal »547 , nous nous interrogeons sur le fait de savoir si Craig aurait réussi à faire ce qu’il souhaitait, même si son école était restée active plus longtemps. Nous n’aurons jamais la réponse, mais nous observons que Craig ne cherchait pas de collaborateurs548. Il ne s’est par exemple jamais associé à quelqu’un qui avait une approche corporelle du théâtre pour pouvoir guider les acteurs sur cet aspect-là, et pourtant, lui-même n’avait dans ce domaine aucune expérience et il n’y avait pas commencé ses propres recherches. Évidemment, certains chercheurs choisissent des voies corporelles alors qu'ils n’ont pas eux-mêmes travaillé le corps dans la pratique. C’est le cas d’Eugenio Barba lorsqu’il a créé son groupe de l’Odin Teatret.

Cependant il était aux côtés de Grotowski pendant trois ans et suivait son travail549. Peut-être que Craig aurait pu développer des techniques corporelles en donnant des indications aux acteurs à partir de ce qu’il avait lu et vu relativement au mouvement corporel. Il souhaitait en effet « redécouvrir » et « recréer certains de ces principes magiques et élémentaires de la beauté, la simplicité et la grâce » à partir d’expérimentations et de recherches avec un groupe de « travailleurs sérieux et intègres »550.

En définitive, la pierre que Craig a ajouté à la grande cathédrale du théâtre, c’est une pierre de paroles, d’idéaux, de visions. C’est la pierre d’un Art véritable qui naît de l’imagination incommensurable. La pierre de Meyerhold, ce sont les techniques corporelles débordantes de vie; et celle de Stanislavski, c’est la pierre-cœur dont la vérité est étroitement liée à la justesse des émotions.

Ces grands visionnaires ont donc posé l’idée d’un nouveau théâtre. Mais comment la rendre concrète ? Comment mettre en œuvre, concrètement et sur scène, ce qui n’est au départ qu’une intuition, qu’une conception ? L’élaboration d’une méthode de transmission et d’enseignement nous semble être la meilleure façon d’y parvenir.

La transmission des méthodes pratiques de l’acteur se fait en général de manière

547 E. G. Craig, De l’Art du théâtre, op. cit., p. 46.

548 Edward Craig, op. cit., p. 290.

549 Eugenio Barba, La Terre de cendres et diamants, Mon apprentissage en Pologne, Saussan, L’Entretemps, 2000, p. 30.

550 E. G. Craig, in Edward Craig, op. cit., p. 284. « The school will consist simply of a body of earnest and thorough workers, who, building upon the foundations of the work I have hitherto endeavored to achieve, will strive, by means of experiences and research, to rediscover and re-create some of those magic and elemental principles of beauty, simplicity, and grace in that art-world from which, at present, they are conspicuously absent. »

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orale. Les acteurs qui apprennent aux côtés de leur maître reçoivent leurs enseignements, et la technique s'accompagne d’une éthique et d’une esthétique propre à ces derniers. Plus tard, ces mêmes acteurs pourront d’abord développer leurs propres travaux et puis, à leur tour, transmettre leurs connaissances et leurs expériences, qui seront la somme de ce qu’ils auront appris et de ce qu’ils auront découvert sur leur propre chemin. De nouvelles techniques, ou bien la mutation des techniques apprises grâce aux autres pratiques recherchées, seront alors transmises.

Évidemment, au fur et à mesure que l’acteur commence à sentir la nécessité de développer sa propre conception du travail, une confrontation a souvent lieu entre l’élève et les formules enseignées par le maître. A partir de ses réflexions, ainsi qu'à partir de ses propres aspirations, l’acteur peut finalement créer de nouveaux chemins à parcourir, ou un nouvel enseignement à suivre et peut-être à enseigner. Cette nouvelle voie peut devenir une route encore plus légitime puisqu’elle peut combler les faiblesses de la première et peut-être la réformer ; elle peut également former un croisement avec la première, c’est-à-dire qu'elle ne va pas l’annuler ou la remplacer, mais elle lui sera complémentaire. Par exemple, Meyerhold a travaillé aux côtés de Stanislavski pendant plusieurs années, jusqu’à éprouver le besoin de rechercher une voie personnelle, qui mettait l’accent sur le corps.

Pendant longtemps ces deux manières de procéder ont été vues comme antagoniques, mais en réalité, Stanislavski observait lui-même la nécessité d’apporter un changement dans sa propre voie, sans toutefois abandonner ce qu’il considérait comme important dans son système. Il sera le premier à reconnaître la valeur des recherches de Meyerhold et commencera à développer la méthode dite des actions physiques. Meyerhold, à son tour, n’avait pas l’intention de remplacer le travail de son maître, puisqu’il était conscient de la valeur de ses recherches, à tel point qu’il déclare la possibilité d’une complémentarité entre eux. Il exprime ainsi sa pensée : « Il faut en finir avec cette bêtise, avec cette stupidité que Konstantin Serguéïévich [Stanislavski] et moi sommes aux antipodes. C'est faux. Nous sommes deux systèmes qui se complètent l'un l'autre.551 »

Dans ce même esprit, Michael Tchekhov, également acteur chez Stanislavski, reconnu par ce dernier comme un élève doué, « l’un des véritables espoirs du futur » et qui

551 Vsevolod Meyerhold, in Konstantin Rudnitsky, Meyerhold the Director, New York, Ardis Publishing, 1981, p. 541. « It is necessary to finish with this nonsense, with this foolishness that Konstantin Sergeevich and I are antipodes. This is not true. We are two systems, each of which completes the other. »

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avait « maîtrisé le Système dans son ensemble »552, se lance dans ses propres recherches, surtout à partir de son départ de Russie en 1928, lorsqu'il s’installe en Europe, puis aux États-Unis. Il va alors développer ses investigations basées sur deux principes dont il rêvait en Russie, à savoir la « ‘science psychologique’ de Stanislavski et la ‘la fantaisie’ de Meyerhold »553.

Michael Tchekhov est alors un exemple d’artiste qui s’est plongé profondément et honnêtement dans un système de travail, le système stanislavskien, tout en restant ouvert aux changements qui se développaient autour de lui, comme par exemple les recherches de la biomécanique meyerholdienne. Ce premier était aussi conscient du rôle de l’artiste en tant que créateur plus que d’imitateur de la vie. Selon lui, la mission de l’acteur est celle

« d'entraîner le spectateur au-delà des apparences, au-delà même d'une simple explication des choses ». De cette manière, l’acteur est celui qui a les moyens de « sentir et d’appréhender des choses qui restent obscures à la plupart des hommes » et finalement il a aussi les moyens de les « transmettre au spectateur comme une sorte de révélation »554.

Or, le travail aux côtés de son maître l'encourageait à poursuivre des investigations sur l’émotion, mais tout en se faisant, l’importance de la place du corps dans l’entraînement de l’acteur devenait peu à peu claire pour Tchekhov. Il va donc chercher, loin de son maître, les correspondances entre le corps et les « impulsions purement psychologiques » chez l’acteur555. L’émotion n’y sera ni annulée, ni cherchée en tant qu’élément premier pour arriver à la vérité du personnage, mais elle fera partie d’un ensemble qu'il va appeler les « trois grandes fonctions psychologiques » de l’être humain, à savoir « [la] pensée, [le] sentiment et [la] volonté »556. Il découvre que c’est à partir de ces fonctions que partent les impulsions qui seront reçues et exprimées par le corps/voix. Le corps tient un rôle de plus en plus important dans la formation de l’acteur chez Tchekhov.

552 Michael Chekhov, in Marie-Christine Autant Mathieu, Mikhail Tchekhov…, op. cit., p. 34, in Mihail CEHOV, Literaturnoe nasledie, t.II, red. M. Knebel’, N. Krymova i dr. Moskva, Iskusstvo, 1995, pp. 448-449.

553 « O prirode russkogo teatra », texte paru à Paris dans Excelsior le 2 février 1935, traduit en russe et reproduit dans Mihail CEHOV, Literaturnoe nasledie, t. II, Moskva, Iskusstvo, 1995, pp. 118-119. Cité par Marie-Christine Autant-Mathieu dans Mikhaïl Tchekhov/Michael Chekhov, De Moscou à Hollywood. Du théâtre au cinéma, Montpellier, L’Entretemps, 2009, p. 15. « Un texte datant de la période lituanienne fait figure de manifeste de l'art scénique futur auquel Tchekhov rêvait déjà à Moscou lorsqu'il croyait pouvoir, à la tête du Théâtre d'Art-2, créer une troisième voie, entre « la science psychologique » de Sranislavski et « la fantaisie » de Meyerhold. »

554 Michael Chekhov, op. cit., p. 21-22

555 Idem, p. 22.

556 Ibid., p. 80.

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Il ira jusqu’à considérer que la « maîtrise absolue »557 du corps sera l'une des qualités essentielles de l’acteur. Tchekhov est conscient du fait que tout ce que l’acteur possède est son corps et sa voix, et que les barrières qui bloquent l’une et l’autre de ces voies d’expression et qui les retiennent doivent être surmontées à l’aide de techniques particulières. Il appelle ces blocages des « influences anti-artistiques et anti-créatrices »558. À cette fin, il va donc créer des exercices spécifiques pour l’acteur. Étant imprégné de la subtilité et de l’intelligence du travail de Stanislavski auprès duquel il a travaillé, il sent clairement qu’il ne s’agit pas de créer des gymnastiques ou des exercices physiques. Au contraire, il sent la nécessité de mettre au point un travail où l’entraînement est dirigé vers le développement des deux autres qualités essentielles, telles que l’« extrême sensibilité du corps »559 accordée à la « psychologie riche et variée »560. Cette série d’exercices sera donc appelée « exercices psychophysiques. » Voici comment Tchekhov explique leur but :

« Grâce à ces exercices psychophysiques, l'acteur doit pouvoir développer sa force intérieure et sa faculté de rayonner et de recevoir, acquérir le sens de la forme, intensifier en lui les sentiments de liberté, d'aisance, de calme et de beauté, mieux comprendre le sens de son être profond et enfin apprendre à voir les choses et les faits dans leur unité.561 »

Pour Tchekhov, l’acteur doit développer non seulement une aisance, et un sens de la forme et de la beauté mais il doit également posséder le sens de l’unité pour être capable de devenir un artiste « authentique ». Chez Tchékhov l’activité créatrice – ou l’unité – est donc proportionnelle à l’harmonie entre les rapports d’un corps maitrisé et sensible d’une part et d’un esprit ouvert à toutes formes d’impulsions d’autre part. Car selon lui, l’émotion est aussi une forme d’impulsion de l’esprit.

Sa méthode de travail a été conservée dans l’œuvre Être acteur562 où est proposée une série d’exercices psychophysiques à l'usage des acteurs en formation. Eugenio Barba considère cette œuvre comme l’un « des meilleurs manuels pratiques pour l'acteur

557 Ibid., p. 24.

558 Ibid., p. 22.

559 Ibid., p. 20.

560 Ibid., p. 22.

561 Ibid., p. 41-42.

562 Cette œuvre a été publiée pour la première fois en anglais intitulée To the Actor, Michael Chekhov et Harper & Row, New York, 1953.

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‘réaliste’»563. Cependant, Michael Tchekhov est allé bien au-delà de la dimension réaliste, non seulement dans ses investigations mais également dans l’héritage qu’il a laissé aux acteurs. Il est évident que lui-même avait compris la différence entre un état ordinaire, qui est propre à la majorité des hommes, et un état de conscience de soi. Ce premier état, il l'appelle le « moi quotidien ». A partir du « moi quotidien », il ressent un besoin de créer les moyens qui mèneront l’acteur à un état d’unité à l’intérieur de ce « moi », lui permettant ainsi d'accéder à un nouveau « moi », le « moi supérieur ». En d’autres termes il s’agit de révéler l’artiste, qui est celui qui a la faculté créatrice en chacun. Ce dernier

« moi » est qualifié comme « instrument d’une puissance supérieure qui invente spontanément tout ce que vous devez exprimer »564. Selon Marie-Christine Autant-Mathieu, Michael Tchekhov « nous a fait cadeau d'une philosophie de l'art où les acteurs et les spectateurs s'unissent dans l'énergie et le rayonnement d'images transcendantes »565.

Dans plusieurs extraits de la théorisation de la pratique de Michael Tchekhov, nous constatons des échos aux théories de François Delsarte, surtout dans les conceptions trinitaires qui y apparaissent souvent. Lorsque Tchékhov parle par exemple de la façon d’aborder un personnage « en le classant dans l'une des trois grandes familles suivantes : les volontaires, les sentimentaux et les cérébraux »566 ; ou encore quand il explique les trois phases autour desquelles s’articule une pièce théâtrale, avec deux « phases extrêmes [qui]

s’opposent » et une troisième phase « intermédiaire [qui] marque une transformation »567. Enfin, on peut citer comme exemple sa façon de diviser les fonctions psychologiques que nous avons mentionnées plus haut: « pensée, sentiment, volonté »568 et qui peuvent être liées à la trinité delsartienne esprit-âme-vie.

Il est possible que Michael Tchekhov ait eu connaissance de la pensée delsartienne, au même titre que Meyerhold, c’est-à-dire grâce à la contribution du prince Sergueï Volkonski qui a amené le travail de Delsarte en Russie dans les années 1910. Tchekhov était aussi touché par le mouvement Symboliste et, par conséquent, il éprouvait lui aussi le besoin de chercher et de développer les travaux corporels afin de créer un langage de Signes. Mais, il est resté longtemps fidèle au travail de Stanislavski, et son éloignement de

563 Eugenio Barba, Le Canoë de papier, op. cit., p. 116.

564 Michael Chekhov, op. cit., p. 127.

565 Marie-Christine Autant-Mathieu, Mikhaïl Tchekhov/Michael Chekhov…, op. cit., p. 14.

566 Michael Chekhov, op. cit., p. 166.

567 Idem, p. 168-169.

568 Ibid., p. 80.

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cet enseignement ne s’est fait que plus tard, et pas à pas.

Il est difficile de juger à quel point l’influence delsartienne a trouvé sa place dans le travail de Michael Tchekhov. Cependant, nous pourrions dire que si une telle influence a bien existé, elle n’a pas eu uniquement lieu au niveau formel, car Tchékhov et Delsarte se rapprochent en fait au niveau de la pensée, partageant tous deux la vision d’une dimension métaphysique de l’expérience de l’acteur.

Tchekhov a été en contact avec la pensée de Rudolph Steiner (1861-1925)569, probablement en Russie ou plus tard en Allemagne, où l’« Eurythmie »570 de ce dernier avait déjà inspiré Émile Jaques-Dalcroze. La science de la « Psychophysique »571 de Gustav Fechner 572 a évidemment beaucoup influencé les recherches de Tchekhov.

Tchekhov a été en contact avec la pensée de Rudolph Steiner (1861-1925)569, probablement en Russie ou plus tard en Allemagne, où l’« Eurythmie »570 de ce dernier avait déjà inspiré Émile Jaques-Dalcroze. La science de la « Psychophysique »571 de Gustav Fechner 572 a évidemment beaucoup influencé les recherches de Tchekhov.

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