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gt; Réforme des collectivités territoriales

Dans le document 53-54 : Service public (Page 78-80)

Georges Perrin, inspecteur des biblio- thèques pour les régions Poitou- Charentes et Limousin – qui nous a

fait le cadeau de sa dernière journée de travail avant la retraite, qu’il en soit ici chaleureusement remercié – a com- mencé par rappeller rapidement les compétences obligatoires des collecti- vités territoriales en matière de culture, issues des lois de décentralisation du 22/07/1983 et du 13/08/2004 :

région : responsabilité de l’inventaire général du patrimoine culturel ; orga- nisation et financement des musées régionaux ; conservation et mise en valeur des archives régionales ;

département : développement de la lecture publique grâce aux biblio- thèques départementales de prêt qui sont les seules bibliothèques inscrites

dans la loi ; gestion des archives dépar- tementales, schéma départemental de développement des enseignements artistiques dans les domaines de la musique, de la danse et de l’art dra- matique, en concertation avec les com- munes concernées ;

commune : organisation et finance- ment de l’enseignement artistique ini- tial (musique, danse, art dramatique). Les communes ou leurs groupements peuvent aussi, s’ils en font la demande et comme pour toute collectivité terri- toriale ou groupement de collectivités, se voir transférer la propriété de monu- ments classés ou inscrits, et des objets qu’ils renferment, appartenant à l’État ou au Centre des monuments natio- naux et figurant sur une liste établie par décret en Conseil d’État.

Georges Perrin a ensuite fait le point sur la réforme des collectivités territoriales engagée depuis 2009 suite au rapport Balladur. Celle-ci pointait un besoin de transparence face à l’émiettement administratif, de rééquilibrage entre zones peuplées et moins peuplées, de simplification des structures : il s’agis- sait d’effacer les Pays, de mettre fin à l’anomalie des élus communautaires qui ne sont pas élus au suffrage universel, de regrouper les régions (jusqu’à 3 ou 4 millions d’habitants), de fusionner les départements, de mettre fin au che- vauchement régions/départements en Corse et Dom-Tom, de permettre enfin un meilleur contrôle démocratique. Gaetano Manfredonia, Viviane Olivier, Agnès Gastou et Marie-Christine Plaignaud.

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Le rapport énonce 20 propositions. Les principales mesures envisagées par le gouvernement et qui peuvent avoir une incidence sur la lecture publique sont :

• des conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional ;

• la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions ;

• la création de 11 métropoles, pour les bassins de plus de 500 000 habitants ;

• un achèvement de la carte intercom- munale début 2014.

Aujourd’hui, on note beaucoup de résistances notamment concernant la suppression de la clause générale de compétence, qui impliquerait la fin des financements croisés. Après négocia- tion entre l’Assemblée nationale et le Sénat, il semble que les collectivités ter- ritoriales pourront encore exercer des compétences partagées, en particulier la culture, le sport et le tourisme. Avant fin 2011, les prochaines échéances prévoient l’élaboration par les préfets de département du schéma départe- mental de coopération intercommunal pour créer la nouvelle carte intercom- munale ; cela devrait aboutir à l’élection en 2014 des nouveaux conseillers terri- toriaux et à l’élection des élus intercom- munaux au suffrage universel 1.

> Du lecteur universel

à l’usager individualiste

et concret

Claude Poissenot 2, enseignant-cher-

cheur en sociologie à l’IUT Nancy- Charlemagne et bien connu des bibliothécaires pour ses études sur les bibliothèques et leurs publics depuis une quinzaine d’années enchaîna sur une question : tous les élus savent-ils ce qu’est une bibliothèque ? Aujourd’hui encore, cette question fondamentale

reste posée et nous montre que l’en- tente implicite entre élus et bibliothé- caires constitue un arrangement fragile. Cette fragilité trouve son origine dans la vision particulière qu’ont les biblio- thécaires de leurs établissements et de leurs usagers. De plus, les biblio- thèques ne sont pas toujours perçues par les élus comme un service public permettant la diffusion de la culture et la formation du citoyen.

Les bibliothécaires ont une représenta- tion abstraite du citoyen 3. C’est l’image

de la première modernité, celle d’un individu dont l’autonomie, reconnue par le droit, repose sur la raison, laquelle renvoie à l’universel. C’est la biblio- thèque telle qu’on l’a conçue jusqu’aux années 1960-1970. L’individu n’existe pas en lui-même, mais sous la condi- tion d’entrer dans le moule de l’« élève universel » ou du « lecteur universel ». La société ne demande pas à l’individu d’exister concrètement.

Depuis 40 ans, la société a évolué très vite pour aboutir à une société indivi- dualiste. La demande de reconnais- sance de l’individu singulier est deve- nue le modèle dominant, mais dans le

même temps le projet de bibliothèque fondé sur des sujets universels n’a pas évolué. Cette vision de la bibliothèque est devenue incompatible avec les attentes d’une frange de la population de plus en plus importante du fait entre autres d’un accès à l’éducation (collège unique, réforme de 1970).

Les constructions et les projets de bibliothèques jusqu’aux années 2000 n’ont pas anticipé cette évolution. Cette erreur de diagnostic a entraîné ce décalage et la nécessité pour les biblio- thèques de rattraper leurs retards, de prendre le tournant d’une deuxième modernité. Il faut donc penser l’usager comme un individu concret. Le public lui, attend une reconnaissance de ses choix.

Selon Claude Poissenot, le fossé existant parfois entre les élus et les bibliothécaires est dû à la différence de vision de ce qu’est ou doit être une bibliothèque. On ne peut réduire la bibliothèque à sa dimension cultu- relle ; si l’on veut élargir le public, il faut, semble-t-il, impliquer davantage les usagers dans le fonctionnement des établissements et prendre en compte la dimension singulière de l’individu. Il est grand temps, devait-il conclure, que les professionnels des bibliothèques chan- gent de posture.

Claude Poissenot et Georges Perrin.

3. Cette problématique est développée dans le dossier du présent numéro : cf. Claude Poissenot, « L’irruption de l’usager concret. Du “service public” aux “services aux publics” », supra pp. 23-26.

1. Consulter : www.interieur.gouv.fr/sections/ reforme-collectivites/

2. Auteur de La nouvelle bibliothèque : contribution pour la bibliothèque de demain, Éditions Territorial, coll. « Dossiers d’experts », 2009.

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> L’évaluation, un outil d’aide

à la décision

La deuxième partie de la journée était axée sur des propositions plus pra- tiques : outils, témoignages et partages d’expériences permettant de mettre en œuvre une véritable concertation avec les élus. Réunissant collègues de BDP de la région et de BM, une première table ronde avait pour objectif de montrer l’importance des documents d’évaluation transmis aux élus comme moyens de connaissance de l’activité de l’établissement.

À quoi sert l’évaluation ? Gaetano Manfredonia, directeur de la BDP de la Corrèze, montrait que l’évaluation, souvent considérée comme un exercice fastidieux, n’est pas encore complète- ment intégrée aux pratiques profession- nelles, faute sans doute d’avoir révélé la valeur ajoutée que l’on pouvait en retirer. Pourtant, pratiquée objective- ment, l’évaluation permet de renforcer la crédibilité et la légitimité des actions menées par le personnel de la biblio- thèque. C’est un outil de gestion, d’in- formation et de contrôle à la disposition des bibliothécaires et des élus.

Le rapport d’activité. Pour donner un exemple concret, Agnès Gastou, biblio- thécaire à Saint-Léonard-de-Noblat (87), précisait le rôle du rapport d’activité dans l’évaluation. Sa rédaction est un exercice indispensable pour les biblio- thécaires. Il produit non seulement une photographie de l’activité de l’établis- sement à un moment donné mais per- met également une analyse fondée sur la mise en relation de données débou- chant sur une interprétation, une action d’ajustement ou d’amélioration du ser- vice. Mais, poursuivait-elle, au-delà de cette fonction, le rapport d’activité est aussi un outil permettant la prise de décisions par les élus. En apportant des éléments utiles pour faire évoluer le ser- vice en termes de missions, d’objectifs et de moyens, il contribue à faire évo- luer les orientations de la politique de lecture publique. À condition de prendre

le soin de recourir à un vocabulaire non spécialisé, le rapport d’activité peut être utilisé in fine comme un outil de commu- nication avec les élus et la population. En milieu rural, nous précisait Viviane Olivier, de la BDP de la Creuse, les bibliothèques départementales de prêt sont dépendantes des données recueillies auprès de leur réseau. Aussi assurent-elles un rôle important de for- mateur en la matière. En effet, si la col- lecte des rapports d’activité auprès des petites bibliothèques souvent dépour- vues de personnel formé et salarié lui est indispensable, c’est que les diffé- rentes données collectées permettront à leur tour à la BDP d’établir son propre rapport d’activité pour les élus du département. Ainsi, l’assemblée dépar- tementale pourra renforcer ou modifier de façon efficace sa politique culturelle.

Qu’est-ce qu’un bon indicateur ? Sera pertinent un indicateur qui contribue à éclairer une problématique précise. Si la collecte des données est parfois si compliquée pour les BDP, c’est aussi que les bibliothèques sont devenues intercommunales et se trouvent de ce fait dans des situations assez dif- férentes les unes des autres. Marie- Christine Plaignaud, directrice de la BDP de la Haute-Vienne, évoqua ainsi le cas particulier de son département qui connaît un développement important des réseaux intercommunaux (25 % de la population desservie par la BDP 87 l’est dans un cadre intercommunal). Les outils d’évaluation n’ont pas encore été complètement adaptés à ce nouveau cadre. Elle cita par exemple le rapport annuel d’activité de l’État qu’ont à rem- plir les bibliothécaires qui ne prend en compte que depuis cette année la notion d’intercommunalité. Une expé- rimentation de nouveaux outils devrait être mise en place dès 2011 pour mieux tenir compte de cette dimension. La BDP de la Haute-Vienne devrait faire partie des départements tests. Par ailleurs, Marie-Christine Plaignaud devait souli- gner qu’actuellement les bibliothèques intercommunales rendaient insuffisam- ment compte de leurs activités sur l’en-

semble de leurs réseaux, d’où une perte d’informations sur l’état de l’activité lecture sur leur territoire et par voie de conséquence une pertinence moindre pour le rapport d’activité de la BDP.

> Concertation et projet

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