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gt; Quelques innovations en bibliothèques

Dans le document 53-54 : Service public (Page 92-95)

Lorsque l’on parle d’innovations, on pense souvent innovations techno- logiques. On remarque surtout les innovations liées à l’accessibilité à distance : notamment le télécharge- ment de musique et de livres audio à partir du portail de la bibliothèque, mais aussi les interfaces des portails de bibliothèques adaptées aux smart- phones.

Vue en Suède dans une bibliothèque mais aussi dans un bibliobus, une borne de téléchargement de vidéos, de musique, de jeux, de méthodes de langues et de livres lus… C‘est gratuit et il n’y a pas besoin d’être inscrit à la bibliothèque. Il suffit d’avoir une clé USB. Les fichiers sont chrono-dégra- dables au bout de trois semaines. La table tactile semble également se développer en bibliothèque 3. Il s’agit

d’un écran tactile de la taille et de la forme d’une petite table avec lequel on peut jouer, s’informer, regarder des vidéos… Une piste très intéressante

pour le développement des archives : fonds local, partage des archives avec la ville, et pourquoi pas un wiki-fonds local contenant des textes, des photos, des vidéos… ?

Enfin, les innovations technologiques peuvent être plus modestes mais avoir un effet tout aussi percutant auprès des publics… et des bibliothécaires ! C’est le cas des chapeaux à histoires : chapeaux de toutes formes et de tous styles qui sont sonorisés et grâce aux- quels on peut écouter une histoire. Bienvenue dans l’univers de Harry Potter ! Un peu sur le même principe, les lib-phones : on pose une partie sur l’ouvrage et une autre sur son oreille et on entend un résumé du livre. Fonctionnant grâce à la RFID, ce sys- tème a pour but d’aider les plus jeunes à faire leur choix…

Mais lors de ce congrès, on a pu constater que l’innovation naît aussi dans l’idée que l’on se fait de la biblio- thèque. Le jeu tient notamment une place importante dans ces biblio- thèques : de nombreux jeux de société (notamment des jeux d’échecs), mais aussi des jeux vidéos individuels et collectifs et des Wii… On trouve aussi presque systématiquement des dégui- sements dans la section Jeunesse. À la bibliothèque centrale de Göteborg, les enfants peuvent jouer au biblio- thécaire : dans la cabane de la section Jeunesse, une douchette réformée connaît un succès jamais démenti ! La « bibliothèque troisième lieu » n’est plus une nouveauté, mais elle trouve des applications dans les bibliothèques qui continuent de nous surprendre… Du point de vue de l’amé- nagement, chacun sait que ce type de bibliothèque requiert de nombreux espaces de rencontre et de convivialité. Ce qui frappe dans les bibliothèques suédoises que nous avons visité, c’est la place ! Ces bibliothèques consa- crent presque 50 % de leur surface à de grands emplacements « vides », seulement meublés de chauffeuses de toutes sortes 4

4. Cf infra, « Les bibliothèques suédoises : une longue histoire », pp. 97-99.

3. Cf. Philippe Levreaud, « L’intelligence des sens », in Bibliothèque(s) n° 47/48, déc. 2009, pp. 22-27. À la bibliothèque d’Århus (Danemark) : le lib-

phone, les chapeaux à histoires et la table tactile.

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Reportage

Un certain nombre de bibliothèques tentent de changer le regard que les publics portent sur elles en les aména- geant de façon douillette et branchée, comme par exemple la bibliothèque d’Helsinki (Finlande). Celle d’Århus 5

(Danemark) met en place avec succès des actions en direction des adoles- cents : un week-end de jeux en ligne à la bibliothèque, une bibliothèque hors les murs avec wifi et de gros coussins nommés fatboy…

Enfin, des établissements essayent d’instaurer de nouveaux rapports aux documents. À Frölunda (agglomération de Göteborg), la bibliothèque propose à ses usagers d’échanger librement leurs propres ouvrages. Un chariot est disposé à l’entrée de la bibliothèque pour cette forme de book-crossing : chacun peut y déposer et y prendre les ouvrages qu’il veut. La bibliothèque d’Århus se propose de changer radi- calement le rapport au livre, celui du public mais aussi des bibliothécaires : dans la section Jeunesse est disposée une grande boîte en plastique trans- parente avec des livres à l’intérieur. La seule façon pour l’enfant de récupérer un de ces livres est de plonger dans la boîte au milieu des ouvrages !… Étonnant, non ?

Amandine JACQUET Médiathèque départementale Vallée de la Drôme

> Des services Jeunesse,

intergénérationnels

et multiculturels

Acteurs du changement, les biblio- thécaires Jeunesse ont naturellement vocation à l’être. Simplement parce qu’ils interviennent très tôt dans la vie de leurs publics, qu’ils fabriquent la première image, les premières impressions du lieu et des collections. Les services Jeunesse ont longtemps été confrontés à un paradoxe : ils ont été créés pour répondre aux besoins

des publics jeunes, des tout-petits aux adolescents, mais se devaient, pour atteindre leur cible, de séduire les adultes en charge de ces publics : parents, professionnels de l’enfance, enseignants. Aujourd’hui, les publics des services Jeunesse se sont naturel- lement élargis et les adultes ne sont plus perçus seulement comme les accompagnateurs, prescripteurs, cen- seurs, des publics jeunes mais, selon les cas et souvent conjointement, des publics à part entière et des parte- naires. Voici donc quelques exemples d’actions en direction des parents, des familles.

Amener les parents à amener les enfants. Plusieurs bibliothèques suédoises, finlandaises, italiennes, interviennent dans les maternités de leurs villes, lors des cours de prépa- ration à l’accouchement par exemple, pour expliquer aux futurs parents l’influence des sons et des mots – musiques, comptines, contes – sur leur bébé, dès avant sa naissance. À la naissance de l’enfant, les parents reçoivent une invitation à se rendre à la bibliothèque pour y retirer un livre, offert par la bibliothèque ou la ville, et une carte d’adhérent pour eux-mêmes

et leur enfant. S’ils le souhaitent, les jeunes parents peuvent ensuite partici- per à des ateliers de contes, comptines et jeux de doigts. Ces ateliers présen- tent l’avantage d’éveiller les bébés et de développer leur attention et leur motricité, de permettre aux parents de se rencontrer, d’échanger autour de leurs expériences, d’établir des liens entre eux, de s’intégrer, s’ils ne le sont pas déjà, à la communauté, de prendre confiance en soi, de découvrir qu’ils connaissent eux aussi des ber- ceuses, des comptines à transmettre. Lors de ces ateliers, les bibliothécaires présentent les ressources de leur équi- pement : livres, CD, mais aussi maté- riel pédagogique. Les bibliothèques suédoises de Göteborg et de Malmö, celle de Gandie en Espagne, entre autres, ont diversifié leurs collections de manière à ce qu’elles soient repré- sentatives de toutes les langues et communautés vivant sur le territoire qu’elles desservent.

Amener les enfants à amener les parents. La bibliothèque de Västra a mis sur pied le projet « One step fur- ther » (Un pas de plus) à l’attention des adultes désireux de reprendre une formation. Dans cette partie de l’agglo- La boîte à livre de la section Jeunesse à la bibliothèque d’Århus (Danemark).

5. La plupart des innovations citées dans cet article sont le fait de la bibliothèque d’Århus au Danemark.

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Reportage

mération de Göteborg, nombreux sont les habitants d’origine étrangère et les bibliothécaires qui comptent sur leur partenariat avec les écoles pour ame- ner toute la famille à profiter des res- sources de la bibliothèque : les enfants qui viennent à la bibliothèque avec leur classe sont invités à revenir en famille pour se faire remettre, cérémonieuse- ment, leur diplôme de princesse ou de chevalier de la bibliothèque.

La bibliothèque organise des séances d’écoute et de pratique musicale pour parents et enfants, des séances de contes en russe, perse, bosniaque, que les parents d’origine étrangère prennent plaisir à écouter, contents de voir leur culture et leur langue recon- nues dans leur pays d’adoption (ou de transition).

C’est en impliquant la famille que l’on rend légitime la bibliothèque aux yeux de l’enfant et c’est par l’enfant que l’on permet à la famille de mieux s’intégrer.

Il faut toute une ville pour élever un enfant. Gandie, dans la province valencienne en Espagne, est une ville

à fort taux d’immigration. Pensant aux enfants et aux adultes « étran- gers » amenés à prendre part, chaque jour, à la vie de la cité, la bibliothèque Jeunesse a décidé de s’ouvrir aux différentes cultures de ces gens qui contribuent, par leurs traditions, leurs langues, leurs religions, à la richesse de la communauté. Elle a acquis des collections tous supports dans les lan- gues des communautés représentées sur son territoire et a mis sur pied un programme d’animations adaptées. Pour assurer la réussite de leur démarche, les bibliothécaires ont tra- vaillé avec les représentants des dif- férentes communautés, les écoles, les puéricultrices de la ville, des conteurs de différentes cultures, et ont décidé de faire du service Jeunesse un lieu d’initiation à la diversité culturelle. Ils ont mis en place des ateliers de gas- tronomie, de contes, de danses folklo- riques. « Grâce à ces ateliers, commen- tent-ils, les enfants et leurs parents ont découvert Baba Marta, person- nage du folklore bulgare, la beauté de

tatouages au henné, appris à jouer du djembé, compris le fonctionnement de l’alphabet chinois… » Les parents, qui craignent que leurs enfants ne soient coupés de leur culture d’origine, sont fiers d’écouter des contes dans leur langue et, parce que la langue d’adop- tion est la pierre angulaire de l’inté- gration dans la société d’accueil, ils viennent lire en Jeunesse des livres en catalan et en espagnol.

On ne réussit rien tout seul. Pour répondre aux changements de la société, et à leur souhait de changer le monde, les bibliothécaires Jeunesse de Västra, de Gandie, mais aussi de Shenzhen, en Chine, ont misé sur trois éléments :

– leur propre implication, la formation à de nouveaux savoir-faire et savoir-être (se faire un peu conteur, psychologue, sociologue, ethnologue, linguiste…) ; – les partenariats ;

– la volonté politique de leur tutelle. Certains services Jeunesse sont ainsi devenus des services intergénéra- tionnels et multiculturels simplement pour répondre au mieux aux besoins de leurs publics et remplir leurs mis- sions de service public. Et, à cet égard, comment ne pas rendre hommage une fois encore aux bibliothèques sué- doises et aux soucis qu’elles ont de leurs publics, de leur confort avec des espaces conviviaux, des cafétérias, de leurs besoins avec leurs fonds en lan- gues étrangères, leurs textes lus à des- tination des malvoyants, leurs livres adaptés (adjusted books ou Apple books) pour les enfants dyslexiques ou souffrant de handicaps, leurs sacs de documents thématiques à l’usage des parents pressés…

Cécile TRÉVIAN BM de Saint-Quentin-en-Yvelines Göteborg, la cabane de la section Jeunesse avec sa douchette réformée.

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Bibliomonde

> Un haut niveau d’éducation

et une tradition de lecture

60 % de la population fréquente des bibliothèques, publiques ou universi- taires.

Une bonne qualité de services permet de maintenir l’attractivité des bibliothèques, mais d’autres éléments favorisent cette fréquentation : un fort niveau d’éducation (50 % des jeunes poursuivent des études après le secondaire et l’enseignement à distance est très développé. On compte plus de 400 000 étudiants), mais aussi le niveau de vie, le long hiver suédois… La distinction entre bibliothèques uni- versitaires et bibliothèques publiques est de plus en plus artificielle ; elles sont parfois dans le même bâtiment et tous les publics fréquentent tous types de bibliothèques (les BU sont ouvertes à tous de même que les bibliothèques publiques sont largement fréquentées par les étudiants).

Les bibliothèques suédoises :

Dans le document 53-54 : Service public (Page 92-95)

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