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Conclusion du Chapitre théorique – rappel des objectifs de cette recherche :

3 Transcription et conventions

3.2 Que coder ?

3.2.1. Annotation des actes produits grâce à la modalité vocale

3.2.1.1 Groupes de souffle

Le groupe de souffle se définit comme « un ensemble composé d’un (ou plusieurs) groupe(s) lexical(aux) délimité(s) par une aspiration d’air » (Siegel, 1962).

En d’autres termes, un enchaînement de verbalisations, de vocalisations ou de voco-verbalisations sans coupure de voix encadré par deux pauses (par référence au mot graphique qui est, lui, considéré comme étant une unité de sens encadrée par deux blancs graphiques60). Cet enchaînement est aussi défini par ses traits suprasegmentaux. Par exemple, une pause, une intonation descendante ou un allongement des syllabes finales annoncera/ont la fin du groupe de souffle. En effet, comme l’ont observé Bolinger (1978) ou encore Fisher & Tokura (1996), il y a un « allongement des syllabes […] avant une frontière prosodique » (donnée reprise pas Ollila, 1984).

Un groupe de souffle peut être constitué : - d’un mot

- ou de plusieurs mots

- ou d’une vocalisation (par exemple une onomatopée) - ou d’une vocalisation et un mot

- ou d’une vocalisation et plusieurs mots…

3.2.1.2 Les pistes « enfant » et « adulte »

Les groupes de souffles de l’enfant et de l’adulte ont été transcrits sur deux pistes - ou ce que les créateurs du logiciel nomment « acteurs » - différentes : les acteurs « Enfant » et « Adulte ». L’intitulé de l’acteur « enfant » est différent pour chaque sujet et est toujours composé du numéro de passage de l’enfant ainsi que de son âge en nombre de mois (par exemple : « 101 23m »).

Chaque acteur « adulte » porte toujours le même intitulé « MT » (représentant les initiales du prénom de l’adulte filmé avec les sujets).

Les conventions de transcription orthographique sont les suivantes :

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3.2.1.2.1 Paroles :

• Pour faciliter la lisibilité, l’écriture en français standard est conservée autant que possible, mis à part pour annoter les variations phonologiques, par exemple « fien » pour chien ou « zoiseau » pour oiseau.

• Les productions de l’enfant sont transcrites telles quelles même lorsqu’elles sont syntaxiquement incorrectes ou fautives, par exemple « i pati du petit fien » (interprétable comme « *il parti du petit chien » ou plus précisément : il est parti le petit chien).

Les énoncés inintelligibles sont transcrits « xxx ».

Si un mot est répété plusieurs fois, toutes les occurrences sont transcrites : « i i i il a tombé »).

Nous annotons les liaisons : « ils sont tailleurs » et les troncatures : « le ch chien ».

• Les voyelles allongées sont signalées par une duplication du phonème concerné : « haaa »

3.2.1.2.2 Ponctuation

Aucune ponctuation n’a été utilisée excepté le point d’interrogation pour indiquer une question dont la forme linguistique de l’énoncé ne rend pas compte.

3.2.1.2.3 Majuscules

Seule l’initiale des noms propres est en majuscule. 3.2.1.2.4 Pauses

Les pauses sont symbolisées par des espaces vides (sans annotation) de tailles variables en fonction de leur durée. Goldman-Eisler (1961) a défini la pause entre les énoncés comme une rupture dans le signal de parole qui dure en moyenne 300 ms à 2 s (mesure utilisée par Ollila, 1984 ; Brown, 1976 et Le Normand, 1991) chez l’adulte. Nous avons décidé de conserver cet intervalle minimum pour définir les pauses de nos sujets car chez l’enfant la pause est en moyenne plus longue que chez l’adulte. Un nouveau groupe de souffle est donc annoté au-delà de 300 ms de silence entre deux groupes ou à la fin d’une onomatopée à intonation descendante.

3.2.1.3 Segmentation des productions orales

Le mot a été choisi comme unité de segmentation des groupes de souffles. En connaissance des problématiques qu’apporte ce concept de mot, suit une définition qui sera valable à chaque fois que cette notion sera utilisée.

3.2.1.3.1 Le mot

Sont considérés comme des mots, des « unités expressives et sémantiques » (Rondal, 1997 : p. 122) dont la prononciation par l’enfant est conforme ou quasi-conforme61 à la cible phonétique attendue par l’adulte.

Pour être considérée comme un mot, une verbalisation produite par l’enfant doit être identifiée comme un mot par l’adulte présent au sein de la session de jeu filmée. L’enfant peut produire deux types de mots :

- le « mot ». L’enfant produit un mot et ce mot est conforme à la cible phonétique adulte. Par exemple, l’enfant dit « chien », dans ce cas le mot est prononcé de la bonne manière et l’adulte comprend directement l’énoncé.

- le « quasi-mot ». L’enfant produit un mot et ce mot n’est pas totalement conforme à la cible phonétique adulte. Par exemple, l’enfant dit « fien » à la place de « chien » ; dans ce cas, une syllabe du mot est altérée car l’enfant ne parvient pas encore à produire le son « ch » correctement. L’adulte peut comprendre directement l’énoncé et poursuivre la conversation ou demander à l’enfant de reformuler l’énoncé. Nous verrons dans la section suivante que le quasi-mot se décline en plusieurs sous catégories.

Si l’enfant produit une unité non-conforme, c'est-à-dire que l’adulte dans la situation de jeu ou le codeur ne comprend pas, nous la codons « xxx » et ne considérons pas cette production comme de la communication intentionnelle. Par conséquent ce type de production n’est ni catégorisé en tant que vocalisation, ni catégorisé en tant que verbalisation.

Dans les deux premiers cas, l’adulte interprète bien la production de l’enfant comme une tentative intentionnelle de production d’un mot.

Par exemple :

Exemple de production identique à la cible adulte et codé comme un mot : « tombé », « chien », « petit » Exemple de production ressemblant à la cible adulte sans y être identiques mais qui restent toutefois compréhensibles par le locuteur et qui sont codées comme des quasi-mots : « ambé », « fien », « pitit » (pour plus de détails, voir section 3.2.1.3.2 p. 126)

Exemple de production non-conforme c’est-à-dire non codée comme un mot : « apsayu » qui n’est pas identifiable comme une unité de sens connue en français.

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Par « quasi-conforme », nous entendons que l’unité prononcée par l’enfant n’est pas identique à la forme qu’aurait pu prononcer un adulte mais reste toutefois reconnaissable d’un point de vue sémantique par l’adulte ou par le chercheur qui a transcrit les verbalisations à posteriori.

3.2.1.3.2 Productions catégorisées comme mot

Dans le cadre de cette recherche, au sein des groupes de souffles, nous avons décidé que seulement six formes puissent équivaloir à un mot :

• Un mot : selon la définition de la page 125.

Un quasi mot c'est-à-dire une unité sémantico-expressive prononcée par l’enfant et dont la prononciation n’est pas conforme à la cible adulte même si cette unité reste reconnaissable d’un point de vue sémantique et phonétique par l’adulte ou par le chercheur qui a transcrit les verbalisations à posteriori, en s’appuyant sur le contexte direct d’énonciation de l’énoncé si besoin est. Par exemple « fien » pour chien. Dans la catégorie des quasi-mot, nous avons intégré les formes : fillers+mot, les erreurs de découpages, les groupes de mots formule, les onomatopées se substituant à un mot ainsi que certaines formes comme « c’est » ou « y a ».Toutes ces formes sont considérées comme des mots.

Les productions suivantes sont considérées comme des mots dans notre travail :

• Un Filler plus un mot : (voir section 1.4.2.3 p. 51). Il arrive que l’enfant produise des fillers (Peters, 1977) aux alentours de 20-24 mois, c'est-à-dire qu’il ajoute un son vocalique en début de mot par exemple « achien » pour chien (achien est donc composé d’un [filler + un nom commun]). Nous avons accordé à ces productions la même valeur qu’un mot. De ce fait, un [filler + un nom commun] est transcrit de manière combinée et identifié comme un seul élément : un mot.

• Une erreur de découpage plus un mot : Il arrive que l’enfant prononce « zoiseau » pour oiseau (Nardy, 2008 : 131). Cet exemple expose clairement que l’enfant à extrait un chunk des paroles d’un individu de son entourage (Tomasello, 2003) et que lors de ce processus d’extraction, l’enfant semble avoir mal identifié les bornes du mot ‘oiseau’ et avoir commis une erreur de découpage en combinant une liaison au mot extrait. De ce fait, un ensemble [consonnes de liaison + nom commun] est transcrit de manière combinée et identifié comme un seul mot.

• Un « groupe de mot formule » (Chevrier-Muller et Narbonna, 2007) : Ici, nous retrouvons le concept d’holophrase de Tomasello (2003). En effet, selon lui, une holophrase est une unité de sens qui peut égaler une phrase entière. Cette unité est composée de syllabes mais l’agencement de ces syllabes n’est pas basé sur les origines étymologiques de la langue étudiée. En fait, une production produite par l’enfant peut équivaloir à la combinaison de diverses unités sémantiques pour l’adulte. Par exemple « apu » est une forme utilisée par nos sujets, qui correspond à l’énoncé adulte « il n’y a plus de » et dont la construction ne se base

pas sur les racines latines du français. Dans ce cadre, « apu » (il n’y a plus) et « ayaya » (il est là) a été considéré comme un seul mot.

En plus de cette différence, chez l’enfant, un mot peut ne pas recouvrir le même espace sémantique qu’un mot employé par un adulte (il y a sur- et sous- généralisations lexicales, voir p. 66).

Nous avons également intégré dans cette catégorie les énoncés du type : « c’est » ou « ya » pour « il y a » que l’enfant entend toujours d’un bloc, extrait et reproduit ensuite à l’identique sans avoir réellement conscience que ce sont deux unités sémantiques distinctes. « C’est » ou « y a » sont donc transcrits « cest » et « ya » et considérés comme un seul mot.

• Les onomatopées se substituant à un mot : l’enfant emploie parfois

volontairement une onomatopée en substitution d’un lexème issu de sa langue maternelle (Bates & al., 1977) ; par exemple, il peut dire « elle est partie la vroum » (gloser « elle est partie la voiture »). Dans ce cas, « vroum » est considéré en tant que référent culturel correspondant au bruit produit par la voiture, et pris en compte comme un mot : le mot « voiture » (voir p. 66).

3.2.1.3.3 Catégorisation en fonction du nombre de mots composant le groupe de souffle Un des objectifs de cette recherche est d’appréhender l’allongement des énoncés enfantins en fonction de l’âge. De ce fait, une troisième ligne d’annotation appelée « NB El » ou « Nombre d’éléments » a été utilisée afin de comptabiliser le nombre de mots composant les groupes de souffle.

Comme les enfants filmés dans cette étude sont encore jeunes, ils ne produisent que très peu d’énoncés composés de plus de 7 unités sémantiques ; pour cette raison, notre décompte s’arrête à 7 unités de sens et plus.

Par exemple :

Groupe de souffle composé d’un mot : « lapin » (Y. 27 mois), « tombé » (A. 30m), « oui » (E. 33m), « là » (M. 24m)… Dans nos annotations, ces productions sont codées « 1M » (soit « un mot ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Groupe de souffle composé de deux mots : « le lapin » (Y. 27m) ou « pipi bébé » (C. 30m). Ces productions sont codées « 2M » (soit « deux mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Groupe de souffle composé de trois mots : « i vont manger » (C. 30m) ou « faut la table » (A. 30m). Ces productions sont codées « 3M » (soit « trois mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Groupe de souffle composé de quatre mots : « ça c’est la maman » (E. 33m) ou

« la chambre est où ? » (M. 31m). Ces productions sont codées « 4M » (soit « quatre mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Groupe de souffle composé de cinq mots : « i va pas la voiture » (M. 24m) ou « ça fait deux et trois » (E. 36m). Ces productions sont codées « 5M » (soit « cinq mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Groupe de souffle composé de six mots : « je lui met dans le lit » (M. 35m) ou « et là et c’est quoi ça ? » (G. 34m). Ces productions sont codées « 6M » (soit « six mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Groupe de souffle composé de sept mots et plus : « et le vilain monsieur il est là » (B. 35m) ou « pas la maman non pas le bébé mais chien font dodo » (W. 39m). Ces productions sont codées « 7M+ » (soit « sept mots et plus ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Les troncatures ne peuvent en aucun cas être considérées comme des unités de sens ou des mots. Par exemple si un sujet dit : « le ch chien », la troncature « ch » ne peut pas être comptabilisée comme un mot. Dans cet exemple, la verbalisation est donc codée « 2M » (soit « deux mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

De plus, si dans un même groupe de souffle, une même unité de sens est répétée plusieurs fois à la suite - car l’enfant bégaye ou n’arrive pas à produire la verbalisation qu’il veut du premier coup - nous ne l’avons considérée que comme une seule occurrence. Par exemple : « et le petit le petit le petit le petit chien il est tombé ». Ici, nous ne prenons en compte qu’une seule fois les mots « le » et « petit » dans notre décompte c'est-à-dire que si cet énoncé est composé de 13 unités en tout, nous n’en comptabilisons que 7. Cette verbalisation est donc codée « 7M+ » (soit « sept mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Soit l’exemple : « le le le le petit chien et le le le petit garçon et le le bébé ils sont dans la chambre ? ». Dans cet extrait fictif, l’enfant répète neuf fois le déterminant « le » mais nous n’en comptabilisons que trois occurrences. Par conséquent, cet énoncé est composé de 21 unités en tout, parmi lesquelles le déterminant « le » est répété plusieurs fois. A cause de ces répétitions, nous considérons que le groupe de souffle est composé uniquement de 15

mots. Cette production est codée « 7M+ » (soit « sept mots ») sur la ligne « NbEl » (« Nombre d’éléments »).

Comme cela a déjà été développé précédemment, cette recherche a d’abord pour but de mieux comprendre comment les jeunes enfants français mobilisent leurs ressources gestuelles à des fins communicationnelles au-delà de la période préverbale. Dans la prochaine section, il sera donc question de la description et catégorisation des gestes.