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C- Les groupes Balint

4- Les groupes Balint de nos jours

Historique des groupes balint en France [2, 27, 32, 33]

Si les groupes Balint sont nés en Angleterre, c’est en France que la méthode Balint a été adoptée et institutionnalisée.

En 1954, Emile et Ginette Raimbault sont les premiers leaders français formés à la méthode Balint.

En 1962, les premiers groupes Balint sont organisés dans le service du Pr Kourilsky à

l’hôpital Saint Antoine, puis dans le service du Pr Alby, avec comme leader le Dr Gendrot et le Dr Emile Raimbault.

Dès 1965 le mouvement développé à Paris s’étend à la province : à l’université de Lyon avec les professeurs J. Dechaume et J. Guyotat ; à Strasbourg avec L. Israel ; à Tours avec J Luthier et R. Dursap ; à Rouen avec Guite Guérin, à Evreux avec Pierre Benoit… etc… En ville, le premier groupe dit « Marignan » ou « vieille garde », ancienne appellation des groupes Balint, a vu le jour en 1966. Elle a réuni pendant plusieurs années, douze médecins une fois par semaine pendant deux heures. L’objectif était de proposer un « séminaire de

discussion de groupe sur les problèmes liés à l’exercice de la pratique médicale ».

La Société Médicale Balint France (SMB), quant à elle, est une association non

confessionnelle loi 1901, qui fut créée en 1967 par plusieurs médecins et analystes devenus célèbres : F. Dolto, G. Raimbault, J. P. Valabrega, H. P. Klotz, R. Kourilsky, J. Gendrot, L. Chertok, M. Sapir, F. Sacco…

D’autres pays suivront l’exemple français tel que l’Angleterre en 1969, l’Italie en 1971, la Belgique et l’Allemagne en 1973…

M. Moreau Ricaud note que : « De 1967 à 1998, presque toute l’Europe (sauf l’Espagne),

puis les pays nordiques, l’Europe centrale, l’Afrique du Sud, et plus récemment, le Japon, la Roumanie, les Etats – unis, la Russie emboîteront le pas de la SMB. »

La SMB a pour objet :

• de former les médecins généralistes à la relation médecin-malade afin de promouvoir la médecine générale dans sa dimension individuelle, familiale et sociale.

• de former les autres spécialistes ainsi que les professionnels ayant des responsabilités thérapeutiques impliquant la relation soignant-soigné.

• d'utiliser la méthode des groupes Balint à travers l'analyse des pratiques dans une démarche réflexive (basée sur l’écoute du soignant).

30 Elle est reconnue pour la Formation Médicale Continue.

De plus, elle fait paraître tous les trimestres une revue, « le bulletin Balint », et organise annuellement un congrès national où les participants assistent à des séances plénières et pratiquent au sein de groupes Balint éphémères.

La Fédération Internationale Balint (FIB), crée en 1974, est une Organisation Non

Gouvernementale (ONG) qui regroupe 21 sociétés Balint nationales dans une quarantaine de pays dans le monde. Elle organise des congrès internationaux tous les deux ans.

Fonctionnement d’un groupe Balint : cadre général [27]

De nos jours, un groupe balint se compose de 8 à 12 médecins, ou soignants, encadrés par un ou deux leaders. Le plus souvent il s’agit d’un groupe homogène de médecins généralistes, mais ils sont également ouvert à d’autres professionnels du soin, tels que les

kinésithérapeutes, les psychologues, les infirmiers…

Les leaders, quant à eux, sont des psychanalystes ou des soignants ayant suivi un parcours analytique personnel. Ils sont accrédités selon des critères et une démarche définie par la Société Médicale Balint.

Le groupe Balint a pour projet le repérage et la compréhension des éléments en jeu dans la relation et le développement de la capacité relationnelle de chaque professionnel dans son activité.

La participation à un tel groupe est un engagement volontaire, qui implique le médecin sur une longue période (minimum 2 années de participation sont recommandées pour sentir les bénéfices) et de façon régulière (2 heures 2 fois par mois). Ceci est la condition nécessaire à une bonne cohésion et évolutivité du groupe.

De plus, pour encore plus d’engagement, les séances sont financées par les participants. Un entretien préalable est nécessaire avec l’un des leaders afin de recueillir les motivations du candidat mais aussi pour faire connaissance et recueillir ses « idées » de la profession.

Il doit être informé que le groupe Balint n’est :

• Ni un groupe thérapeutique : si le soignant est confronté à un problème personnel, ce n’est pas le lieu pour en parler, il sera orienté de façon adapté.

• Ni un séminaire à visée médico-technique : ce n’est pas la maladie ni le malade qui est au centre des discussions et on ne cherche pas à trouver la meilleur conduite à tenir ou le meilleur traitement.

• Ni un groupe de pairs.

En effet, l’essentiel du travail en groupe porte sur la relation singulière qui s’établit entre un patient et son médecin : « Notre but est d’aider les médecins à augmenter leur sensibilité à ce

qui se passe, consciemment ou inconsciemment, dans l’esprit du patient lorsque patient et médecin sont ensembles » [28-p. 320].

31 Fonctionnement d’un groupe Balint : déroulement d’une séance

[27]

Tout d’abord, les règles de bon fonctionnement du groupe sont le respect de la parole de chacun sans évaluation ni jugement, et la confidentialité.

Les participants et les leaders sont assis en cercle pour faciliter la communication. Les leaders ont pour rôle de :

• assurer la cohésion du groupe

• contenir le travail en évitant des dérives générales, personnelles ou hors sujet

• protéger les participants d’interpellations personnelles entre eux

• assurer la libre circulation de la parole

• amener les participants vers les rapports à l’inconscient et leur implication personnelle et professionnelle dans la relation de soin

• aider chaque participant à s’acheminer vers la compréhension des problèmes posés dans la relation de soin

A chaque début de séance, un leader demande au groupe : « qui a un cas ? »

Un cas est une situation relationnelle, c’est l’histoire de la rencontre entre un médecin et son patient pour laquelle une prise de recul est nécessaire et où l’expertise du groupe est

demandée.

Un des médecins choisit alors de rompre le silence et de rapporter son cas oralement, sans notes, de façon spontanée par la technique de la « libre association d’idée ».

Le reste du groupe, pendant ce temps écoute et cherche à percevoir ce que leur confrère a vécu. Dans un second temps, ils peuvent intervenir, poser des questions, demander des éclaircissements, faire part de leurs ressentis …

Le narrateur entend et cherche à leur répondre tout en découvrant un autre éclairage de sa relation à son patient.

En effet, au fur et à mesure le médecin, présentant son cas, livre au groupe les éléments objectifs de la situation clinique, mais surtout, il va exprimer inconsciemment ce qu’il n’a pu percevoir de prime abord, au travers de la remémoration d’éléments émotionnels forts vécus avec le patient, qui sont verbalisés par des mots mais aussi par tout un discours non verbal tels que des intonations de voix, des répétitions, des lapsus, des moments de silence…

Le groupe devient alors capable de comprendre le vécu du confrère, car chaque participant s’identifie peu à peu à la situation. Il fait écho aux interrogations du médecin et autorise la décharge émotionnelle. Il crée les conditions favorables, par une « atmosphère émotionnelle

libre et amicale » et « suffisamment sécurisante », pour permettre au médecin de

« reconnaître l’écart entre son comportement réel et ses intentions et croyances », repérer

voir lever « leurs résistances à dévoiler leur contribution personnelle aux processus

thérapeutiques » et révéler leur « implication émotionnelle » [28-p. 321].

Certes dans les premiers temps, les séances de travail n’apportent pas toujours au médecin qui rapporte son cas les réponses qu’il attend (conduite à tenir, conseil précis, théorie…). Car il faut du temps pour un «changement considérable, bien que limité de la personnalité du

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médecin » [28- p. 331], mais il s’agit avant tout d’une prise de conscience de ses propres

modes de réaction face au malade (fonction apostolique, médecin-remède, contre-transfert…). Toutefois, il y a des limites au travail Balint. Bien que les pratiques professionnelles d’un soignant ne puissent être dissociées de sa personnalité prise dans sa globalité, le travail en groupe porte uniquement sur ce qui est de l’ordre de l’identité professionnelle (« le moi- professionnel »).

Quand les éléments de la vie privée (« le moi-personnel ») apparaissent au cours du travail, cet aspect n’est pas exploré au sein du groupe et le praticien orienté vers une réflexion individuelle.

Le psychodrame Balint

Anne Caïn, psychanalyste marseillaise et fondatrice de l’Association Internationale du Psychodrame Balint (AIPB), créait en 1973 le psychodrame-Balint à la demande du Dr Charles Brisset, animateur d’un groupe Balint classique sur Paris, afin de redynamiser un groupe qui commençait à s’essouffler.

En effet, cette nouvelle méthode de formation à la relation médecin-patient est issue du désir d’Anne Caïn « d'une relance pulsionnelle grâce à une technique qui remette les choses en

mouvement en revivant les situations au sens d'une mobilisation des affects » [34].

Cette méthode qui allie le psychodrame analytique (crée par Moreno) et l’approche des groupes Balint, vise à faire « appel à la fois aux dynamiques de l’inconscient et au travail sur

la personnalité professionnelle » [35].

En effet, tout comme la méthode des groupes Balint, elle a pour objectif de sensibiliser les soignants à la dimension inconsciente à l’œuvre dans la relation thérapeutique, à développer une meilleure compréhension des demandes des patients et des obstacles relationnels, et à favoriser l’acquisition d’une plus grande compétence dans son activité. Mais, à ceci près, que le médecin qui raconte son cas le met en scène (« Ne racontez pas, jouez ! » [34]), permettant au corps de libérer les souvenirs gardés en mémoire car « si notre mémoire ne retient que ce

qui nous intéresse, si elle sélectionne, le corps lui ne fait pas de sélection, il va tout dire, il est spontanée » [35].

Ainsi le psychodrame Balint fait revivre et retrouver le souvenir des mots et des gestes qui sont advenus lors d’une consultation, et qui étaient restés dans un lien trop obscur pour que leurs véritables sens en soient perçus.

Les retrouvailles avec une scène professionnelle réelle vont permettre, avec les apports des autres participants, un travail de réflexion, de sensibilisation, une prise de conscience des phénomènes inconscients en jeu dans la relation soignante, et un début de leur élaboration. Le psychodrame Balint va permettre aux soignants d'appréhender avec plus d'efficacité le sens des situations professionnelles qui leur posent problèmes, et qu'ils ont été amenés à rejouer et à revivre au plus près de leurs actes.

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