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E- Apports du Balint, au-delà du savoir

2- Amélioration du Savoir-être

Avant d’entamer les chapitres suivants, il faut noter que pour certaines des participantes, bien qu’elles aient perçu quelque chose de l’ordre d’un changement ou d’un mieux, elles n’ont pas réussi à y mettre des mots dessus : « oui, il y a eu un apport du groupe ça je sais parce que

j’ai vraiment eu le sentiment d’une avancée après ça, c’est certains. Mais ce n’est pas tout à fait palpable…Ca m’a aidé dans mon cheminement mais sans que ça soit précis… » (interne

4), « j’ai l’impression d’avoir progressé mais je saurais même plus en quoi » (interne 4), « en

fait quelque chose a évolué mais je serais pas dire avec précision, en fait exactement, ce qui vient du groupe » (interne 4).

En effet, il est difficile pour un bon nombre d’internes de savoir si les changements constatés sont en lien direct avec leur participation à l’initiation : « mais est-ce que c’est vraiment

Balint ? (dubitative) » (interne 9).

Ou si cela ne provient pas également de la formation du DES de Médecine Générale : « il y a

aussi tes consultes avant, ton expérience, tes cours… » (interne 6) et que comme le rappelle

aussi un des leaders, « on a fait que 4 séances ! Il n’y a pas de magie, ce n’est pas un groupe

magique » (leader 1).

Mais finalement, bien que quelques participantes aient déclaré ne pas avoir observé « de

changements radicaux » (interne 3), ou bien ne pas avoir eu l’impression que cela leur avait « apporté quelque chose, quelque chose de plus, quelque chose d’autre » (interne 8), elles ont

toutes au fil des entretiens mises en avant des apports divers et variés.

Pour commencer et d’une façon générale, cette initiation au groupe Balint a été perçue par la majorité des participantes comme un outil de réflexion sur leur « propre pratique » (interne 4), mais aussi « sur son rôle de médecin » (interne 7): « c’est une aide à la réflexion » (interne 3), « c’est vraiment une analyse de pratique » (interne 8). « Ils m’ont permis de réfléchir sur

ma pratique, comment faire pour faire mieux » (interne 7) car « tout simplement, à la fin d’une journée, on sort, on n’a pas forcément envie de réfléchir à tout ce qu’on a pu faire, pu être, donc c’est un petit moment, un break, où on se pose un peu et … Grâce aux autres on se pose des questions et on avance un peu » (interne 3).

Car comme le rappelle un des leaders, la démarche d’une initiation ou d’un groupe Balint,

« c’est d’apprendre à réfléchir, à écouter, à se poser des questions, à se dire qu’il n’y a pas qu’une seule réponse peut-être, que la question posée par le malade n’est peut-être pas la question qu’il veut poser …» (leader 2).

Ensuite, plusieurs participantes ont remarqué que cette initiation leur a permis de mieux « se

connaître » (interne 3) : « c’est un groupe d’internes qui m’a permis de m’ouvrir un peu plus sur la relation médecin-médecin, relation entre consœurs et d’apprendre plus des autres et au travers de leurs difficultés apprendre sur moi-même » (interne 5). « C’est un enseignement sur soi…oui je trouve on apprend à se connaître » (interne 9), « et même si ce n’est pas un enseignement théorique sur comment traiter un rhume, on a quand même appris beaucoup de choses que ça soit sur nous ou sur les autres » (interne 5).

Mais aussi, c’est un lieu qui « permet de respirer, de souffler, de parler, d’être soi-même,

d’avancer, d’apporter de meilleures réponses, de meilleurs dialogues, une meilleure écoute de son patient » (leader 2). Car « quand on sera installé, qu’on aura des vies un peu… quand tout s’enchaine, on aura envie d’aller au Balint pour décompresser, raconter nos petits trucs

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et revenir tout content » (interne 1). « C’est un petit moment, un break, où on se pose un peu…Ça fait du bien, ça oxygène » (interne 3).

Du coup, de nombreuses internes ont exprimé que leur participation à cette initiation leur avait permis de « mieux vivre » leur « métier » (interne 3) : « je sais que ça m’a aidé, que ça

m’a mise dans un état d’esprit où j’étais bien » (interne 4), « oui voilà, mieux vivre, me détacher ou avoir une attitude qui ferait du coup que je me sentirais moins en porte à faux, moins en désaccord avec ce que je ressens vraiment, des valeurs que je défends » (interne 4). «Parce que ce qui pèse au bout d’un moment je pense que c’est les questions relationnelles, les problèmes qu’on peut avoir, le sentiment d’impuissance qui revient, qui peut revenir assez souvent. Savoir qu’on peut influencer ça, qu’on peut changer, s’améliorer, que c’est aussi normal… (Rire) » (interne 3).

C’est en effet, l’un des objectifs des initiations et des groupes Balint qu’ont souhaité transmettre les leaders : permettre à « des étudiants qui sont un petit peu tout seul, tout-nu,

sans parachute, quand ils vont se retrouver devant un patient » (leader 2), de « trouver des outils qui leur permettront de mieux vivre leur pratique » (leader 1) et de « faire en toute sérénité et en tout plaisir ce fabuleux métier ». « Que les étudiants aient un lieu pour eux, à eux, dans leur pratique quotidienne, pour justement que les difficultés ne deviennent pas majeures » (leader 2).

Ensuite, plusieurs d’entre elles ont remarqué que ce qui était très souvent mis en avant, durant les séances, c’est qu’il fallait « prendre soin du thérapeute » (interne 2), « protéger le

soignant » (interne 4) : « elle avait insisté sur le fait qu’on devait toujours se sentir bien dans notre travail et qu’il fallait prendre soin de soi. Et ça, ça m’a marqué, l’idée m’a un peu marqué. C’est vrai que maintenant j’essaie de m’en souvenir pendant les consultations. On a souvent parlé des consultations qui ne sont pas agréables, où le patient est franchement mal poli, où on a envie de le virer… il faut prendre un peu de distance et prendre soin de soi »

(interne 2). «Garder plaisir à travailler … prendre soin de soi pour prendre soin des autres » (interne 2).

Du coup, certaines participantes ont abordé le fait que cela pouvait être permis dans une certaine mesure par une limitation de son implication personnelle auprès des patients : « il

faut quand même à chaque fois ne pas trop se prendre, voilà pas trop le prendre à cœur en fait, ne pas trop s’investir dans les situations, personnellement… » (interne 1), « ne pas trop se laisser emporter par ses sentiments quels qu’ils soient. Parce que sinon, pour moi, ça serait compliqué » (interne 1) car «imagine qu’on s’investisse avec tous les patients. Alors bien sûr il y en a qui nous touchent plus que d’autres mais ça c’est sûr, il faut quand même que ça reste professionnel. Il faut pas ramener les soucis à la maison » (interne 1), « il faut savoir prendre un peu de recul et rester professionnel » (interne 5), « rester professionnel, c’est se protéger un peu » (interne 1).

De plus, quelques internes ont observé que cette initiation était à l’origine d’un certain changement dans leur façon de percevoir la relation avec leur patient : « ça n’a pas changé

ma façon d’être avec les patients, ça a plutôt changé ma façon à moi de voir, d’analyser avec les patients. Ça m’a permis d’accepter que oui j’ai le droit de ne pas aimer certains patients. Ce n’est pas grave. Ce n’est pas pour autant que je les soignerais mal, mais qu’il y a des solutions. Les patients ont le droit aussi de ne pas m’aimer, ce n’est pas grave. Qu’on peut trouver des solutions à tout ça. Ca a plutôt changé moi ma vision, oui, que j’ai de ma relation avec les patients, mais dans le fond je pense que je suis restée la même avec les patients »

87 Ceci rejoint la notion de « médecin-remède » exprimée par les leaders : « la façon dont vous

allez poser la question, la façon dont vous allez donner l’ordonnance, la façon dont vous allez prescrire, la façon dont vous allez vous prescrire, vous n’allez pas avoir effectivement le même résultat, avec beaucoup de guillemets, avec votre patient » (leader 2).

L’initiation au groupe balint a également aidé, certaines participantes, à mieux relativiser les aléas ou les difficultés de leur pratique : « c’était normal de temps en temps d’être perturbé

par ce qui se passe au travail, mais que, effectivement, il faut savoir prendre un peu de recul » (interne5). « Peut-être que je le relativise un petit peu plus : il faut que je prenne mon temps, de toute façon je verrais tout le monde et calmer un peu le jeu » (interne 2). « Ce regard extérieur permet de relativiser un petit peu ce qui semble sur le moment comme un… échec, c’est un bien grand mot, mais une chose qu’on aurait mal faite » (interne 2).

Mais en plus, cela a permis d’initier une démarche de remise en question chez d’autres participantes : « dans notre pratique on a l’image que nous renvoie les patients mais on se

voit pas forcément tout le temps en permanence. C’est l’occasion de se connaître un peu mieux sur ce versant » (interne 3). « Je pense que j’ai plus tendance à analyser un petit peu mes réactions …» (interne 9). « Voilà ça permettait de mettre un petit peu d’eau dans mon vin » car « j’avais tendance en fonction de certaines réactions et en fonction de mon

caractère, j’avais tendance à m’énerver facilement, à être outrée et puis ça m’a permis de me dire que sur certaines situations ,j’étais un peu trop dure et puis à l’inverse sur certaines situations j’étais un petit peu trop laxiste et qu’il fallait que je sois un peu plus vigilante. Voilà ça m’a permis de mélanger un petit peu mon caractère et ma vision des choses avec celle des autres et du coup de modifier un petit peu l’interprétation de certains

comportements de patients » (interne 8).

Même si « raconter ses interrogations, ses difficultés, ses bousculades dans un groupe ce

n’est pas facile, il y a certainement une retenue et une méfiance » (leader 2) parce que,

comme le souligne une participante, « il y a forcément une part de nous qu’on essaie un peu

de cacher et qui est obligée de ressortir à ce moment-là. Parce que s’il y a des choses qui nous mettent en échec, c’est pas pour rien » (interne 5).

Par ailleurs, cette initiation a également permis, à plusieurs participantes, de se rendre compte que les groupes Balint étaient un outil pour lutter contre l’isolement professionnel : « les

généralistes qui sont installés, ils ont un bon niveau de vie et en fait ils sont malheureux. Moi je pense que c’est parce qu’ils sont isolés tout simplement. Que quand tu as l’occasion de te retrouver avec quelques confrères, pour raconter 2,3 petites choses et parler de ton exercice, ça fait du bien. Je pense que ça nous a montré l’utilité de faire ça » (interne 3), « surtout de ne pas rester isolé, car petit à petit la motivation, les connaissances s’amenuisent un peu, donc il faut assister à des choses en groupe » (interne 3).

En effet, comme le confirme une des leaders, « vous vous rendiez compte que vous n’êtes pas

tout seul, que vos collègues sont dans le même cas mais que vous avez un lieu où vous pouvez parler » (leader 2). Et c’est réellement ce qu’a eu l’impression de vivre une des participantes : « je regardais les gens et je leur disais : qu’est-ce que je vais faire ? Mais il y avait quelqu’un à qui le dire plutôt que d’être toute seule dans mon bureau » (interne 4).

Du coup, pour certaines participantes, cela a été plus facile de demander de l’aide quand elles en ont eu besoin : « le jour où j’ai eu besoin de parler à un enseignant du DMG dans mon

stage, parce que ça ne se passait pas bien, je pense que j’y suis allée avec d’autant plus de facilité. Je les ai plus perçus comme des confrères et comme des médecins, plutôt que comme

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des profs. Donc voilà j’ai beaucoup moins hésité à appeler un enseignant pour demander de l’aide : « voilà, je ne suis pas bien, ça se passe mal ». Finalement c’était un point positif »

(interne 4). « Ca m’a surtout permis de… me conforter dans l’idée que on est tous en

difficulté, on le saura toujours, mais qu’on est suffisamment entouré par d’autres médecins, qu’on les connaisse bien ou pas, mais en tout cas il y a toujours une solution pour en parler avec d’autres…ça m’a plutôt rassuré sur le côté où quand on a une difficulté ça sert à rien de se la garder » (interne 5).

Par conséquent, le fait qu’une initiation ou un groupe Balint, soit un outil de prévention du surmenage professionnel ou « burnout » a été implicitement évoqué par les étudiantes : « on

pense souvent au burnout des médecins, ça fait peur aussi. Tiens, les généralistes qui sont installés, ils ont un bon niveau de vie et en fait ils sont malheureux. Moi je pense que c’est parce qu’ils sont isolés tout simplement » (interne 3). Par exemple, « lui il s’est fait complètement bouffer par le patient… c’est bien la preuve quand même… c’est des petits signaux d’alarmes pour soi » (interne 4).

Car en effet, comme le rappellent les leaders, « le médecin généraliste souffre. Un groupe

Balint permet, justement, d’évacuer cette souffrance et de ne pas se retrouver dans le burnout, qui arrive. Ce ne sont pas des cas rarissimes. C’est vrai que c’est une grosse sécurité »

(leader 2), « ils ont la chance de connaître Balint à ce moment-là, si vraiment ils veulent

vraiment aller plus loin, c’est un cadeau qu’ils se font, c’est un vrai cadeau qu’ils se font. Ça vient parfaire et finir une formation. Car je trouve que passer à côté de ça ce serait vraiment terrible… » (leader 1).