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F- Perspectives

1- Devenir des étudiants en groupe Balint

Alors que plus de la moitié des étudiants des autres thèses ont déclaré, lors de leurs entretiens, vouloir intégrer un groupe Balint ou un psychodrame Balint à plus ou moins long terme après la fin de leur cursus [9, 41, 42, 47], nos participantes ont été moins enthousiastes dans leur façon de l’exprimer, bien que quelques-unes d’entre elles étaient très désireuses de poursuivre ultérieurement.

Mais ce qui est, toutefois, mis en avant dans les entretiens des étudiants de cette revue de littérature, sont les contraintes à initier une telle démarche.

Les raisons évoquées par les participants sont, tout d’abord, les difficultés d’ordre pratique : contraintes personnelles et géographiques, manque de temps [2, 42, 46, 49], le fait qu’il y ait très peu de groupe Balint répertorié [49], la problématique de ne pas savoir où chercher ou vers qui se tourner pour trouver un groupe Balint dans lequel s’engager [42].

Ensuite, d’autres études ont mis en lumière le besoin, dans un premier temps, de «se poser» soit en tant que médecin remplaçant soit en tant que médecin installé [42]. Mais aussi des appréhensions à poursuivre l’initiation par peur de s’intégrer à un groupe déjà formé ou parce qu’ils considèrent manquer d’expérience professionnelle [9,42, 47] et de maturité, [42, 49]. Dans nos entretiens, certaines participantes, du fait de leurs difficultés à se projeter dans leurs futures activités professionnelles, pensent qu’elles ne pourront pas s’intégrer à un groupe Balint s’adressant à des médecins généralistes installées faisant du suivi de patient sur le long terme, ce qui ne correspond pas vraiment à leurs activités de remplaçantes.

De plus, certains évoquent son image « d’élite intellectuelle » [49]. Ils craignent de se

remettre en question [10, 42, 47], ou ils redoutent la présence du leader psychanalyste qui pourrait faire resurgir trop d’éléments du moi-personnel [10, 49].

D’autres étudiantes ont fait part de leur mal être à participer à un groupe [42, 46]. En effet, la peur de prendre la parole en groupe [10, 42], la peur de s’exposer et de se livrer au groupe [10, 37, 41, 42] et l’appréhension à trouver un cas [42] ou que le cas exposé ne soit pas assez intéressant pour les autres participantes [2], sont communes à la majorité des étudiants entrant dans une initiation au groupe Balint.

Ils ont également verbalisés les difficultés de la vie en groupe, tels que les problèmes relationnels avec les autres [42, 46,47], la promiscuité des participants qui se connaissent trop [9, 10, 42, 48], les difficultés de donner son avis sur le cas d’un autre sans être mal perçu par le groupe [42], la gêne à rentrer dans l’intimité professionnelle de ses collègues [37, 41, 42], la peur d’être stigmatiser [37, 42], le désagrément de ceux qui parlent trop ou pas assez [42]…

Finalement, certains participants ont exprimé des raisons se rapprochant plus des mécanismes de défenses et de résistances [33, 42], tels que le fait de déclarer ne pas vivre de problèmes relationnels avec sa patientèle, ou de déclarer qu’une formation plus biomédicale

135 Ces résultats, chez les étudiants, sont confirmés, chez les médecins généralistes installés, par plusieurs études.

Une étude australienne réalisée par Marion Lusting [60], affirme que la pauvreté de la pratique du Balint est liée :

• A l’ignorance des médecins généralistes à l’égard de la méthode Balint,

Les groupes Balint manquent de publicités. Les médecins ne savent pas où les trouver ou à qui s'adresser, pour en faire partie [61].

A la difficulté d’évaluer cette méthode qui n’est ni didactique, ni focalisée sur les résultats,

En effet, dans le domaine médical, c’est par une publication validée qu’une étude ou qu’une formation se fait connaître. Or la formation par les groupes Balint est peu évaluée pour plusieurs raisons [49] :

- Une démarche évaluative est peu adaptée à la complexité de la formation Balint comme pour toutes les évaluations systématiques concernant un travail

psychanalytique.

- Dans la grande majorité des pays, les groupes Balint sont rares et il est très difficile de monter une étude randomisée en double aveugle.

- Dans de nombreux pays, il existe des groupes Balint dit « sauvages », c’est à dire non affiliés à une SMB et donc non contrôlés au niveau de la qualité.

- Enfin, les critères de qualité d’un groupe Balint peuvent varier d’un pays à l’autre et une étude faite aux USA n’aura pas forcément le même sens qu’une étude faite en Allemagne.

A la croyance qu’elle est actuellement dépassée par d’autres méthodes.

A la répartition démographique des leaders qui se concentrent dans les grandes villes, sans compter les groupes Balint non affilié à la SMB et ne faisant pas partie des annuaires régionaux [49].

Aux pressions professionnelles qui pèsent sur les médecins généralistes (temps et argent).

A l’anxiété des praticiens à l’idée d’étaler leurs failles et difficultés.

• A la culture médicale et personnelle actuelle des praticiens : leur participation à un groupe Balint remettrait en question leur position de celui qui détient toutes les réponses. Une étude qualitative suédoise [61] met en évidence, pour expliquer un taux d’abandon important (10%) des groupes Balint, que :

- Les membres d’un groupe font parti d’un système psychosocial complexe qui interfère en de nombreuses manières avec la participation à un groupe Balint : éloignement géographique, horaires de travail du conjoint, problèmes de santé…

- Les leaders ont rencontré beaucoup de difficultés avec des groupes « obligatoires » d’internes, particulièrement lorsqu’ils étaient en conflit avec la faculté. Leur présence contrainte est néfaste pour la dynamique du groupe, le leader peut être assimilé à un

136 représentant de la faculté et cela peut générer des conflits. Ils ont également observé que certains pouvaient être déçus par la méthode et attendaient quelque chose se rapprochant plus de l’enseignement magistral. Mais il y a aussi la vie inhérente à chaque groupe : rivalité, bouc émissaires, désaccord sur les horaires des séances… - Le monde de la santé est soumis aux contraintes sociales, économiques, politiques et

culturelles. Il en va de même pour les groupes Balint qui peuvent être limité par la surcharge de travail ou encore l’investissement financier…

En 2012, Le Dr Puel confirmait le constat fait en 2002 par le Pr Sautron de l’UFR de Nice [62], qu’il existe toujours de nombreuses disparités concernant l'enseignement du Balint au sein des facultés de médecine françaises : certaines l’introduisent dès la P1 durant les cours de Sciences Humaines et Sociales, d’autres n’en parlent pas du tout, et certains l’intègrent au DCEM, dès les stages hospitaliers. La manière d'enseigner la relation médecin-patient est aussi hétérogène : cours magistraux, groupes Balint, groupes de paroles, jeux de rôle.... Au total, l’on voit bien toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les groupes Balint pour attirer de nouveaux membres.

Une véritable avancée serait que toutes les facultés de Médecine en France homogénéisent le cursus des études médicales sur le plan de la formation à la relation médecin-patient, afin que chaque étudiant puisse avoir une information claire sur la nature des groupes Balint [10, 42, 49], et puisse librement participer et se faire son propre jugement sur son caractère utile au sein de son parcours professionnel.

La création d’un annuaire national des groupes Balint et la poursuite d’études de qualité sur les groupes Balint seraient intéressant.