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crédits – et l’échelon départemental opérationnel est particuli rement tendue.

Les compétences de ressources humaines et de formation sont passées au niveau régional. Cela implique la remise en cause des approches d'accompagnement de proximité au bénéfiece de logiques comptables, alors que les RH et la formation étaient des éléments fondamentaux des directions métiers (Debar 2011). On observe des tensions importantes entre échelons, qui concernent particuli rement les ressources humaines et les nouveaux collectifs de travail.

Largement focalisée sur les problématiques organisationnelles (fusions) et budgétaires (réductions d’effeectifs, réductions budgétaires), la RéATE n’a pas pris le temps de questionner le sens des réformes et l’évolution de l’intervention des services au niveau territorial.

3.1 La gestion des ressources humaines et budgétaires favorable au niveau

régional

L’application implacable des instruments de gestion et le manque de sens donné à la réforme se combinent pour déboucher sur une situation de défieance et de tension entre les services déconcentrés. On constate des situations confleictuelles entre les niveaux régionaux et départementaux en ce qui concerne la gestion des ressources humaines et le dialogue de gestion. Le niveau départemental concentre de fait la majeure partie des dysfonctionnements et des ambiguïtés de la réforme. Les agents, en défieance, vont jusqu’à poser la question de la pérennité de leur échelon d’intervention.

Baisse des dotations budgétaires et complexité des dialogues de gestion

Dans les services, les responsables renvoient une bonne partie de la responsabilité de leurs difficcultés aux administrations centrales. Ils dénoncent notamment le manque criant de visibilité budgétaire auquel ils doivent faire face, dans un contexte extrêmement tendu de réduction des dotations budgétaires aux politiques publiques.

« On est impactés par plusieurs phénomènes !!!/ la RéATE, les réductions d’efféectifs, mais aussi les réductions de moyens sur les politiques. L'an dernier on a perdu 20 % sur les budgets politiques de la ville, 35 % sur les budgets jeunesse, on l'a découvert quand on nous a envoyé les sous. Dans les Afféaires sociales, c’est globalement 5 ou 6 %. Mais dans les afféaires sociales, 5-6 % ça veut dire des licenciements dans les associations, c’est quelque chose de chaud. C’est-à-dire que dans chaque département, j’ai dû répartir la masse finnancière. Avec des politiques qui peuvent se comprendre, mais il a fallu que les Préfets comprennent qu’il fallait aller au charbon. » [Directeur régional DRJSCS - 2012]

Dans le domaine de la cohésion sociale, le dialogue de gestion a été particuli rement difficcile dans les années qui ont suivi la réforme. Cela est dû aux retards chroniques des administrations centrales sur ce domaine en particulier. Les dialogues de gestion avec les Directions départementales sont entamés en aveugle dans la mesure où les plafonds d’équivalent temps pleins et les enveloppes budgétaires ont été transmis avec six à neuf mois de retard en 2010 et 2011. Les administrations centrales sont clairement mises en cause.

« Alors ça, c'est hyper compliqué. D'abord parce qu'on n’est pas vraiment dans de vrais dialogues de gestion. Faut être clair. Entre ce qu'on nous a appris de la LOLF et comme elle fonctionne vraiment, il y avait de très gros décalages, mais alors maintenant avec la RéATE, c'est plus un décalage, c’est un fossé !!!* Si jamais les députés s'intéressaient à ça et étaient au courant, ils feraient des bonds. Là pour l'instant on travaille… je ne peux pas dire n'importe comment, mais on bricole au niveau du dialogue de gestion. C'est très clair. Il y avait déjà un certain nombre de retards. Mais l'an dernier ça a été très clairement accentué. (…) Normalement le premier acte d'un dialogue de gestion c'est de nous envoyer une Directive nationale d'orientation en septembre (DNO). Les ministères envoient une DNO nous disant dans le champ Jeunesse, Sports, Cohésion sociale, immigration, etc., voilà vos objectifs pour l'an prochain. Ça, on l'a jamais. Des fois on en chope une en septembre, une en novembre l'autre en décembre, des fois il n’y en a pas… déjà le premier acte qui devrait nous permettére de travailler, on ne l’a pas. Après on travaille en aveugle, parce comme on ne sait pas les actes politiques pour l'année d'après, s'il n'y a pas de priorités, afféecter des moyens sur des missions qu'on ne maîtrise pas c'est un exercice qui est un peu compliqué. » [Directeur adjoint DRJSCS – 2012]

L’organisation au niveau territorial des dialogues de gestion, dont les Directions régionales ont désormais l’enti re responsabilité, est largement compliquée par les délais des Directives nationales d’orientation (DNO). Ce manque de visibilité impacte les deux niveaux de

déconcentration, mais aussi les prestataires de l’État, qui doivent faire face en termes de trésorerie aux retards d’un État qui se rév le mauvais payeur.

Fusions de corps et réductions d’efféectifs

Les ressources humaines sont un point de préoccupation tr s important pour les agents. Les fusions de la RéATE s’appliquent en même temps que le pack de réformes de la RGPP, et notamment la r gle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ce programme de réduction des effeectifs s’applique d s 2010 de mani re systématique, chaque structure devant déterminer annuellement un pourcentage d’ETP à supprimer. Ce ratio équivaut à environ 3 % des effeectifs entre 2010 et 2012 – il sera réduit à 1 % à l’exercice 2013. Les suppressions d’emplois réalisées dans les services de l’État entre 2009 et 2012 correspondent à 5,% % des effeectifs.

« La réduction des personnels a été une finn en soi. Et à aucun moment on ne s’est posé la question avant de réduire les personnels !!!/ quelles étaient les missions impératives, obligatoires, et facultatives ou gadgets. (…) Tout est confus !!!* Il y a un manque de clarifincation. On a voulu mettére la charrue avant les bœufs. On n’y va pas pour améliorer l’efficcacité, mais pour réduire le personnel. C’est l’objectif. » [Déléguée départementale au droit des femmes et à l’égalité (Cadre contractuelle Intérieur) - 2012]

Selon l’échelon, ces réductions ne s’appliquent pas de la même mani re. Les Directions régionales sont dans un premier temps relativement épargnées par les réductions d’effeectifs. Les clés de répartition des effeectifs de 2010 sont clairement défavorables à l’échelon départemental : : : B 70 à 75 % des ETP rejoignent l’échelon régional, alors que 25 à 30 % restent en département. Une DDT de 300 personnes devient ainsi une direction de 80 agents, auxquels il faut toutefois ajouter les transfuges des DDA. Une DDASS de 350 agents voit les ¾ de ses agents partir en ARS et récup re une trentaine d’agents de la Préfecture (politique de la ville) et de Jeunesse et sports.

En ce qui concerne les fusions de corps, la RGPP a accompli un important travail. En 2005, la fonction publique d’État comptait encore environ 700 corps actifs. Au 1er janvier 2010, elle compte 223 corps de catégorie A, 91 corps de catégorie B, 66 corps de catégorie C. Plus de 80 % des fusions ont concerné la catégorie C. L’objectif est alors d’atteeindre environ 250 corps en 2015 (Debar 2011 p.86).

Néanmoins en mati re de ressources humaines, les DDCSPP ont dû intégrer jusqu’à 16 statuts diffeérents (issus des corps de la Jeunesse, des Sports, de l’Action sociale, de la Concurrence

Répression des fraudes, des Services vétérinaires, de l’Équipement, de l’Intérieur et parfois de l’Agriculture). Les services ressources humaines d'une minorité d'agents (Agriculture, Intérieur, Équipement) sont parfois situés dans des Directions régionales qui n’ont pas de lien direct avec la Direction départementale à laquelle ils appartiennent. Les choses ont été plus faciles en DDT qui regroupent un peu moins de diversité, mais surtout qui avaient envisagé ces rapprochements d s 1993 (Duran 2006), puis expérimenté les Directions départementales de l’Équipement et de l’Agriculture en 2006 (Poupeau 2011, Milly 2012). La donne est également plus facile au niveau régional (DRJSCS et DREAL), qui a été beaucoup plus accompagné dans la mise en œuvre du changement par leurs minist res de tutelle respectifs. À l’inverse, l’application de l’interministérialité rapproche formellement les Directions départementales des Préfectures, dont l’accompagnement n’a pas été systématique.

Ministères et Directions régionales rapatrient leurs efféectifs au niveau régional

Le contexte RGPP de réduction des effeectifs dans lequel s’op rent ces réformes s’av re particuli rement tendu. Les minist res sectoriels réagissent à la remise en cause de leur contrôle sur les services déconcentrés départementaux. Durant les premi res années de mise en œuvre de la RéATE, on observe que la « reprise en main » des services départementaux par les Préfets crée un réfleexe de sauvegarde de leurs effeectifs chez les minist res sectoriels, qui ont tendance à renforcer leurs services régionaux. Cela se fait au détriment des Directions départementales. « Face au risque de « préemption », de droit ou de fait, d’une partie des agents de leurs services par les Préfectures, les ministères ne peuvent qu’être incités à la prudence et préserver leurs efféectifs en les maintenant ou en les rapatriant en région. Ce contexte institutionnel tendu et marqué par une forte incertitude sur le devenir des services départementaux de l’État se traduit par une stratégie quasi afficchée de renforcement des directions régionales au détriment des directions départementales » (Poupeau 2011 p.520).

Par ailleurs, les services doivent revoir le fonctionnement du dialogue de gestion à l’aune de leurs nouveaux statuts : : : B sectoriel ou interministériel. La logique « lolfieenne » du dialogue de gestion se trouve considérablement impactée par la RéATE54. Les Directions régionales se positionnent comme des intermédiaires entre minist res et Directions départementales, mais elles sont de fait les seules structures locales habilitées à négocier les ressources locales avec les

54 BOUVARD Michel, BRARD Jean-Pierre, CARCENAC Thierry, de COURSON Charles (2010), « Rapport d’information sur l’articulation entre la LOLF et les réformes de l’organisation de l’État », Rapport d’information à l’Assemblée nationale, Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, 7 juillet

minist res de tutelle. La dissociation des statuts entre les Directions régionales et les Directions départementales interroge sur la capacité des premi res à défendre les intérêts des secondes. Pour F.M. Poupeau, « une certaine collégialité prévaut en amont, lorsque [les directeurs régionaux consultent les directeurs départementaux] sur les répartitions d’efféectifs envisagées, suite aux lettéres de cadrage ministérielles qui interviennent durant l’été. Mais les décisions qui peuvent être prises sont ensuite tributaires d’arbitrages qui excluent [les directeurs départementaux], car ne mettéant en relation que les niveaux centraux et régionaux du ministère. De ce fait, une grande opacité règne sur les échanges avec l’administration centrale, jetant le doute sur la propension de la [Direction régionale] à défendre les intérêts de ses [Directions départementales] » (Poupeau 2013 p.256).

On observe d s le départ une tendance des Directions régionales à puiser sur les effeectifs départementaux pour maintenir leurs niveaux d’emploi. Cela se traduit, au moment de la réforme, par une application stricte des clés de répartitions. Par la suite, les dialogues de gestions sont tr s compliqués et on note de tr s grosses difficcultés pour les Directions départementales à recruter (ou à remplacer) leurs effeectifs.

« Donc on en revient toujours à ce qui est une aberration en termes administratifs, mais qui est la réalité, c'est-à-dire que chacun se bat pour avoir un maximum de moyens et un maximum d'agents sur des missions qu'il ne connaît pas. À la limite on nous dirait voilà quelles sont vos missions, là il y aurait des crispations, forcément, mais objectives. On pourrait dire moi je considère que pour remplir telle mission au niveau départemental il me faut tant d'agents, et nous on pourrait dire oui, mais quand même vous êtes sûr, qu'est-ce que vous faites. On pourrait avoir ce type de dialogue. Mais pour le moment, comme on n’a pas les missions, comme on ne sait pas, comme on n’est pas capable de nous dire ce qu'on doit faire pour l'an d'après, on n’est pas non plus capable de négocier quelle part, quelle pondération, quelle priorité par rapport aux missions. Donc on est sur des enjeux de crispation, de revendication, de survie. Les Directions départementales et les Préfets de département veulent avoir un maximum de sous et d'agents pour survivre. C'est existentiel. Au lieu d'être dans de l'opérationnel ou du fonctionnel on est dans de l'existentiel. » [Directeur régional adjoint (inspecteur Jeunesse et Sports) - 2012]

Cet état de déséquilibre conduit le Premier ministre à réagir sur la question en novembre 2011 via une circulaire recadrant des pratiques parfois abusives en ce qui concerne l’ass chement des moyens des administrations départementales55. Cettee circulaire modifiee le syst me de répartition des effeectifs en recentralisant la norme de répartition. Dans le domaine de la Cohésion sociale par exemple, l’administration centrale établit désormais un effeectif indicatif pour les Directions départementales, par grade, en fonction de la population du département. Ce syst me fiexe avantageusement une norme et un effeectif type qui défend l’effeectif départemental contre les

55 Circulaire du Premier ministre n° 5562/SGG du 18 novembre 2011 relative aux moyens des administrations déconcentrées de l’État

volontés expansionnistes des Directeurs régionaux responsables de budgets opérationnels de programmes. Ce syst me comporte néanmoins quelques inconvénients dans le sens où il rigidifiee un certain nombre de fonctionnements, avivant d’autres éléments de tensions : : : B

• Il gomme les ajustements à la marge et les particularités qui s’étaient instaurés au moment de la réforme, par exemple le fait qu’un CEPJ occupe une fonction de chef de pôle.

• Il occulte la question des compétences des agents dans de petites structures en conditions d’effeectifs tendues, ne disposant que de tr s peu de possibilités d’adaptation.

• Il se fonde sur le nombre d’habitants du département, occultant totalement les spécifiecités territoriales (département de tourisme ou d’accueil, démarches spécifieques, etc.).

• Il place les directions et les Secrétariats généraux des Directions départementales en position délicate par rapport à leurs propres troupes, qui peuvent désormais revendiquer, sur la base de ce texte, un éventuel sous-effeectif.

• Il montre surtout les errances d’une réforme incertaine, brutale et controversée.

Conclusion : : : des directions départementales « dégraissées »

Le sentiment de déclassement est généralisé au niveau départemental. Il devient tr s rapidement celui d’appartenir à des directions réduites « à l’os », « sans gras », qui doivent revoir de mani re urgente et drastique la mani re dont elles doivent conduire les missions dont elles continuent d’avoir la charge. Les directives ministérielles concernant la mise en œuvre des politiques publiques continuent en effeet à « tomber », relayées par les Directions régionales. La taille des structures est globalement un probl me. Les agents s’accordent sur le fait que les conditions d’exercice des missions sont tr s tendues.

« Il n’y a plus de mou dans les services, il n’y a plus de gras. Donc en fait tout le monde tremble du fait que le départ de quelqu’un bouleverse complètement le fonctionnement… qui pour l’instant est au bord de l’apoplexie. » [Directeur DDT (ingénieur GREF) – septembre 2015]

« Le fonctionnement du Secrétariat général de la Direction départementale, depuis mars 2011, ça tient à une personne, moi. Cettée année on a enfinn cettée capacité de recrutement d’une seule personne, ce qui doit permettére de régler le problème. C’est complètement dingue, mais voilà à quoi on tient. Si je suis malade,

personne ne sait se servir de Chorus formulaire et du BOP 333. » [Directeur adjoint (Atteaché Préfecture) DDCS - 2012]

Un certain nombre d’éléments explique que la tension sur les missions soit aussi forte : : : B

• les réfleexions dans le cadre de la RGPP n’ont que tr s peu porté sur les missions. Le nombre de missions a été assez peu impacté par la réforme, alors même que les effeectifs ont fortement diminué (« effeet ciseaux ») : : : ;

• le nombre de dossiers et de commissions à gérer est aussi important qu’avant, alors même que des « fonctions supports » (comptabilité, gestion, informatique, logistique) doivent être internalisées. Ces fonctions supports de direction sont autant de temps en moins consacré à la mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques : : : ;

• de nouvelles missions doivent être assurées par la Direction départementale, qu’elles aient été réintégrées à l’activité du service lors de la réforme, ou créées/transférées ultérieurement au niveau départemental (cas de la CCAPEX dans le domaine de la Cohésion sociale par exemple, cf. Chapitre %).

3.2 L’affirrmation d’une domination culturelle préfectorale sur les DDI et la