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comprendre 3 à 5 mots nouveaux par semaines, durant cette phase d’explosion du lexique, il devient capable d’apprendre 8 à 10 mots nouveaux par jour

2. Sémiotique de la communication

2.5. L’utilité des gestes dans la communication

2.6.1. Le rôle des actes communicationnels gestuels et bimodaux durant la période préverbale

2.6.1.6. Le geste avant le mot ???

Bates et al. (1979) ont étudié longitudinalement le développement communicationnel de trois petites filles âgées de 2, 6 et 12 mois et les ont filmées chez elles toutes les deux semaines durant 8 mois afin d’observer l’évolution de leurs productions vocales, gestuelles et verbales lors de leur première année de vie. Pour pouvoir analyser l’évolution de leurs productions et observer si les concepts liés aux gestes durant la période préverbale étaient les mêmes que ceux que l’enfant évoque ensuite lorsqu’il devient capable de parler, elles ont

filmé chaque sujet tous les mois durant 30 minutes. Ces sessions d’enregistrement se déclinaient en 3 périodes :

- 10 minutes durant lesquelles l’enfant jouait avec des jouets qui lui appartiennent ;

- 10 minutes de jeu avec des objets appartenant à l’expérimentateur ;

10 minutes d’enregistrement lors d’une séquence de la vie de tous les jours : un repas ou un goûter.

Ces auteurs ont codé :

- les vocalisations - les interjections, les mots n’ayant pas encore la forme standard comme « ba » pour « bouteille »,

- les verbalisations - les premiers mots,

- les gestes - comme les pointages, les gestes performatifs et les gestes représentationnels

- et les combinaisons geste-mot (appelées « gesture-word combinations » dans leur terminologie) – toutes leurs combinaisons étaient des associations entre un geste et un mot, produits par leurs sujets. Chaque production communicationnelle a ensuite été associé à un concept : par exemple, si l’enfant dit « ba », le concept associé est le mot « bouteille » ; si l’enfant [pointe sa mère du doigt], le concept associé est le mot « maman ».

Leurs résultats concernant la modalité vocale (vocalisations et verbalisations) :

Grâce à ce corpus, ces chercheurs ont constaté qu’il existe une continuité des concepts

abordés par l’enfant entre ses productions préverbales et ses productions verbales. Les

productions communicationnelles de l’enfant, durant et après la période préverbale sont qualitativement continues, il n’y a pas de rupture franche entre ces deux périodes : (1) avant de savoir parler l’enfant exprime ses besoins grâce à des productions vocales ; (2) ultérieurement, quand il entre dans la langue, il exprime ces mêmes besoins grâce à des verbalisations ; et, (3) entre ces deux positions polaires, il effectue des énoncés semi-verbaux (à mi-chemin entre la vocalisation et la verbalisations) évoluant de manière similaire chez tous leurs sujets. En effet, Bates et al. (1977) observent les étapes du développement communicationnel de l’enfant lors de la période préverbale et réalisent qu’au départ, leurs sujets emploient une même vocalisation « mmm » quel que soit leur besoin. Dans ce cas, cette vocalisation performative (au sens de John L. Austin, 1962) est émise par le nourrisson dans le but d’influencer ou de modifier le comportement ou l’intention de départ de son interlocuteur afin que l’enfant puisse assouvir un de ses désirs ou contenter un de ses besoins.

Ensuite, l’enfant entre peu à peu dans la langue (il restreint ses productions au cadre de sa langue maternelle, voir section 1.4.1 p. 48) et se met à produire des groupes de sons qui entretiennent un lien phonétique avec un mot de la cible adulte (un « quasi-mot », voir sections 1.4.2.3 p. 51 et Chapitre « Méthodologie » p. 113) tout en n’étant que partiellement conformes à cette dernière et ne pouvant être interprétés qu’en contexte par l’interlocuteur de l’enfant.

Pour illustrer ces constats, dans notre corpus, les enfants les plus jeunes disent parfois « ayaya » pour « là ». Cet exemple est particulièrement parlant puisqu’en prenant en compte cette quasi-verbalisation et son contexte d’émission, un locuteur pourrait identifier que l’enfant produit de manière synchrone (1) ce quasi-mot et (2a) un pointage digital ou/et (2b) un mouvement alterné du regard de l’enfant entre l’adulte et une localisation spécifique. La prise en compte des gestes permettrait donc à l’interlocuteur d’interpréter le quasi-mot « ayaya » comme une localisation quasi-verbale. Toutefois, le quasi-mot « ayaya » ne peut pas être interprété en dehors de son contexte d’émission. Certes, « ayaya » et le mot « là » entretiennent une mince ressemblance (au niveau vocalique) mais cette proximité phonétique reste insuffisante puisque le lexème cible et sa version altérée ne contiennent ni le même nombre de syllabes, ni le même nombre de sons consonantiques et vocaliques.

Enfin, la dernière étape de la période préverbale se caractérise par des productions voco-référentielles occupant la place des lexèmes de la langue maternelle de l’enfant, dans un certain nombre de cas. Par exemple, « vroum » pour voiture ou « wouawoua » pour chien (nous en verrons d’autres exemples dans la partie « Méthodologie »).

Leurs résultats concernant la modalité gestuelle (les gestes) :

Ces auteurs notent qu’une part significative des productions communicationnelles des enfants âgés de 9 à 13 mois ne passent pas par la voix mais par le geste. Cette étude montre que les enfants commencent à produire leurs premières vocalisations et leurs premiers gestes environ au même moment.

De plus, elles pensent que ces productions gestuelles anticipent l’arrivée des mots puisque les mots produits par l’enfant sont liés sémantiquement aux concepts notés pour les gestes produits au préalable. Par exemple, si l’enfant produit un geste de pointage vers son biberon, quelques mois plus tard il deviendra capable de dire « bibi » (pour biberon).

Bates et al. (1979) proposent une liste des concepts verbalisés par leur sujet lorsque ces derniers entrent dans la communication verbale. Notons que ces sujets produisent des mots liés à des séquences de la vie de tous les jours :

- manger

- s’habiller/se déshabiller

- jouer avec des véhicules

- échanger (l’enfant donne un objet à l’adulte, ce dernier lui parle et lui rend l’objet, l’enfant tend à nouveau l’objet à l’adulte, etc.) et se cacher puis réapparaître (voir exemple Figure 1 p. 31)

- se coucher

- se laver

- jouer à la poupée.

Or, au préalable, ces enfants produisaient déjà ces mêmes routines et séquences de jeu en utilisant des gestes conventionnels, déictiques et représentationnels. Les deux modalités d’émission des messages – mode gestuel et mode verbal – réfèrent donc aux mêmes référents des actions de la vie quotidienne entre la période pré-verbale et la période verbale.

Iverson & al., (2008) ont repris la méthodologie de Bates (1979) et l’ont appliquée lors d’une recherche biculturelle mais sont allées beaucoup plus loin en ce qui concerne le traitement des productions bimodales. Voyons si les résultats de leurs études respectives se recoupent.

2.6.1.7. Le sens lié aux gestes durant la période préverbale annonce-t-il les