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Les comportements intentionnels de l’enfant : Les actes communicationnels

1. Ontogenèse de la communication

1.3. Les productions intentionnelles et non-intentionnelles de l’enfant

1.3.5. Les comportements intentionnels de l’enfant : Les actes communicationnels

La liste des productions vocales et verbales intentionnelles a été très bien documentée dans la littérature, en particulier par Dore (1977). En effet, ce dernier a remarqué que les productions intentionnelles de l’enfant peuvent être interprétées17 et a proposé la typologie suivante18 :

Etiquetage ou labellisation : L’enfant produit un mot alors qu’il s’occupe d’un objet ou est attentif à une situation mais ne s’adresse pas à un adulte et n’attend pas de réponse de sa part. Par exemple, l’enfant dit « œil » en touchant l’œil de sa poupée.

Répétition : L’enfant répète une partie ou la totalité des paroles prononcées précédemment par un adulte. Par exemple, l’enfant entend par hasard sa mère en train de dire « docteur » et répète ce mot.

Réponse : L’enfant répond à une question de l’adulte. Par exemple, l’adulte pointe une photo du doigt et l’enfant la nomme.

Demande d’action : L’enfant s’adresse à l’adulte et attend une réponse de sa part. Par exemple, ne parvenant pas à mettre un cube dans un slot rond, l’enfant dit « hahaha » en regardant sa mère.

Demande : L’enfant pose une question grâce à un énoncé à un mot et attend une réponse. Par exemple, l’enfant saisit un livre et pendant qu’il regarde sa mère prononce l’énoncé « Livre ? » avec une intonation montante. La mère répond « Oui, c’est un livre ». Appel : L’enfant interpelle l’adulte et attend une réponse de sa part.

Salutation : l’enfant salue une personne où un objet, en disant « Bonjour » par exemple. Protestation : L’enfant résiste aux actions de l’adulte par une plainte verbale ou en pleurant. Entraînement : L’enfant utilise un mot ou une forme phonologique qu’il répète en l’absence

d’un objet ou d’une situation spécifique et sans s’adresser à l’adulte.

Requests : Paroles exprimant une demande d’informations, d’actions, de confirmations. Par exemple, « c’est quoi ? », « il va où l’ours ? », « t’as dit quoi ? ».

Descriptions : Paroles qui concernent la description d’aspects directement observables de la situation d’énonciation – par exemple : « c’est un ours avec une roue ».

Déclarations : Paroles qui expriment des faits analytiques ou institutionnels, des croyances, des aptitudes, des émotions ou des explications.

Confirmations : Paroles qui identifient les réponses et les évaluent : « non, c’est faux ». Outils conversationnels : Paroles ayant pour but de réguler l’interaction sociale et la

conversation, telles « oui, merci ».

Performatifs : Paroles qui accomplissent des actes de par leur production. Par exemple : « stop ».

Cette typologie a pour but de recouvrir totalement les productions des enfants de moins de trois ans (nous verrons tout à l’heure qu’elle se décline en deux sous catégories

17

Ce qui paraît logique puisqu’un acte de langage (intentionnel par définition) à pour but de faire agir un locuteur. Le principe est donc de produire un acte que l’interlocuteur pourra décrypter et interpréter avant d’agir. 18 Nous reprendrons cette catégorisation lorsqu’il s’agira de montrer les actes de langage produits par l’enfant en fonction des compétences verbales dont il dispose (dans la section 1.4.2.5 p. 54 pour les verbalisations constituées d’un seul mot et section 1.4.4.2.4 p. 71 pour celles constituées de plusieurs mots).

selon l’âge des enfants) mais notons que toutes ces catégories ne sont pas nécessaires et que certaines peuvent être renommées :

- L’étiquette de classement étiquetage ou labellisation semble rejoindre ce que Bruner appelle les dénominations. Dans notre analyse (partie Méthodologie et Résultats), nous utiliserons donc le terme dénomination pour référer à cette catégorie.

- Les catégories demande et demande d’action se recoupent. Nous pouvons considérer que ce sont des demandes que fait l’enfant, mais que c’est au choix de l’adulte d’y répondre physiquement (par l’action) ou verbalement. Conséquemment, dans notre analyse (partie Méthodologie et Résultats), quand nous parlerons de Demande, ceci regroupera ces deux catégories.

- Il y a une catégorie réponse dans cette liste, cependant nous pourrions regrouper les catégories protestations et confirmation sous le même item. En effet, selon les définitions proposées, ces trois items répondent aux mêmes critères : ils regroupent tous trois des réponses aux sollicitations de l’adulte. Dans notre analyse (partie Méthodologie et Résultats), quand nous parlerons de Réponse ceci regroupera ces deux catégories.

- La catégorie request regroupe tout simplement les questions, nous rebaptiserons donc cette catégorie : Questions.

- Pour finir, la catégorie outils conversationnels regroupe les usages phatiques ; nous réfèrerons donc à ces actes en les appelant Phatiques.

Notons que la plupart de ces actes, relevés lors de l’observation de productions orales enfantines, peuvent potentiellement être réalisés par des moyens gestuels ou bimodaux, en effet :

Etiquetage ou labellisation : L’enfant produit un geste alors qu’il s’occupe d’un objet ou est attentif à une situation mais ne s’adresse pas à un adulte et n’attend pas de réponse de sa part. Par exemple, l’enfant met ses deux mains sur la tête en imitant des oreilles de lapin et en regardant son lapin en peluche.

Répétition : L’enfant répète en partie ou en totalité un geste produit précédemment par un adulte. Par exemple, l’enfant voit par hasard sa mère en train de pointer un objet du doigt et répète ce pointage.

Demande d’action : L’enfant s’adresse à l’adulte et attend une réponse de sa part. Par exemple, ne parvenant pas à mettre un cube dans un slot rond, l’enfant brandit le cube en regardant sa mère.

Demande : L’enfant pointe un objet du doigt répétitivement en regardant sa mère et attend une réponse. Par exemple, l’enfant pointe un objet du doigt répétitivement en regardant sa mère et pendant qu’il regarde sa mère prononce l’énoncé « Livre ? » avec une intonation montante. La mère répond « Oui, c’est un livre ».

Appel : L’enfant interpelle l’adulte en se mettant devant lui et en levant les bras très haut et attend une réponse de sa part (être soulevé).

Salutation : L’enfant salue une personne où un objet en secouant la main par exemple. Entraînement : L’enfant utilise un geste qu’il répète en l’absence d’un objet ou d’une

situation spécifique et sans s’adresser à l’adulte.

Descriptions : Gestes qui concernent la description d’aspects directement observables de la situation d’énonciation. Par exemple : l’enfant gonfle les joues et écarte les mains pour montrer qu’une chose est grosse ou gonflée.

Confirmations : Gestes qui identifient les réponses et les évaluent. Par exemple : l’enfant secoue répétitivement la tête de droite à gauche en disant « c’est faux ».

Outils conversationnels [phatiques] : Gestes ayant pour but de réguler l’interaction sociale et la conversation. Par exemple secouer la tête de haut en bas pour signifie un acquiescement.

Performatifs : Gestes qui accomplissent des actes de par leur production (tous les gestes performatifs peuvent entre dans cette catégorie).

Notons aussi que, dans les deux types d’actes suivants, le geste communicationnel est déjà inclus dans la définition :

Réponse : L’enfant répond à une question de l’adulte. Par exemple, l’adulte pointe une photo du doigt et l’enfant la nomme.

Protestation : L’enfant résiste aux actions de l’adulte par une plainte verbale ou en pleurant.

Si Dore ne fait pas de commentaire sur l’usage du geste communicationnel, il intègre toutefois cette donnée dans certaines de ses définitions. De plus, le fait que les différents actes de langage puissent potentiellement être réalisés par des moyens gestuels ou bimodaux nous permet de questionner la notion d’acte de langage elle-même. Au final, lorsqu’on observe les productions du jeune enfant, son langage, cette capacité spécifique à l’être humain de communiquer à l’aide d’un système de signe (Dubois, 2010), ce système de signes n’intègrerait-il pas de manière intrinsèque la gestualité ? Nous répondrons à cette question dans la section 2 de notre état de l’art, lorsqu’il sera question d’évoquer la conception du langage de McNeill (1992).

Pour revenir à la grille proposée par Dore (1977), nous l’avons utilisée pour le repérage des actes au sein de nos données car elle fournit des critères supplémentaires dans la sélection des actes communicationnels à étudier dans le corpus dont nous parlerons dans les pages suivantes : nous n’avons sélectionné que les actes communicationnels pouvant être interprétés grâce à cette grille et avons considéré que les productions ne rentrant pas dans cette grille d’analyse ne sont pas des actes communicationnels.

La section 1.3, nous a permis de voir ce que signifie produire un comportement intentionnel, de lister tous les comportements intentionnels ou non intentionnels que peut produire un jeune enfant et de questionner la notion d’acte de langage. Nous avons pu voir

que le jeune enfant se sert de deux modalités pour communiquer : la modalité vocale et la modalité gestuelle. Au cours de ce siècle, les chercheurs se sont concentrés sur la modalité vocale dans leurs observations et en particulier sur leur analyse de l’ontogenèse de la

communication linguistique. Voyons, à présent, ce que nous en savons aujourd’hui.