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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.3 Systèmes tutoriels en géométrie

2.3.1 Geometry Tutor

Au cours des années 1980, des chercheurs de l’université Carnegie-Mellon ont développé le Geometry Tutor (Anderson et al., 1985; Guin et al., 1991; Ritter et al., 2010), qui est proba- blement le premier système tutoriel intelligent pour l’enseignement des preuves en géométrie. Celui-ci est basé sur la même théorie cognitive que le LISP Tutor (Anderson et Reiser, 1985; Corbett et al., 2000) qui a été conçu en parallèle. Cette théorie a aussi donné naissance à l’Al-

gebra Tutor (Koedinger et al., 1997). Ces trois tuteurs, ayant une base commune, offrent des interactions semblables. En effet, ils sont tous en mesure de suivre la progression de l’élève, d’indiquer ses erreurs et de lui proposer la prochaine étape de résolution à la demande. Au cours des années, l’interface du Geometry Tutor s’est améliorée (Ritter et al., 2010) et le système d’aide s’est raffiné, mais ses fondations sont restées sensiblement les mêmes. Dans la version la plus récente, on propose un problème de preuve auquel est associée une figure statique. Dans une autre fenêtre, les hypothèses et la conclusion sont inscrites de façon à créer les bases d’un arbre de preuve que l’élève doit construire, comme c’était le cas dans la version originale. Pour résoudre le problème, l’élève doit créer de nouveaux noeuds dans l’arbre à partir d’un noeud ou d’une combinaison de noeuds existants. Le système force donc l’élève à travailler en chaînage avant ou arrière, car il n’est pas possible de créer un nouveau noeud qui n’est relié à aucun autre pour proposer une conjecture. Dans chaque noeud créé, l’élève doit inscrire un résultat intermédiaire et la justification. L’énoncé de résultat est construit à l’aide de symboles dans une barre d’outils et par la sélection d’éléments sur la figure. Ceux qui sont relatifs à un énoncé sélectionné sont mis en surbrillance. Les justifications sont choisies à l’aide d’un glossaire qui contient l’énoncé des règles ainsi que des exemples d’application. Lorsque l’élève inscrit une information erronée, la couleur de fond passe au rouge afin d’offrir une rétroaction immédiate. S’il s’agit d’une erreur courante qui est reconnue par le système, un message apparait pour indiquer la source probable de l’erreur. Dans le cas où un élève serait bloqué dans son processus de résolution, il est possible de demander de l’aide pour déterminer la prochaine étape. Dans ce cas, il appuie sur un bouton qui lui offre un premier message relativement vague concernant son plan de résolution. Il peut alors demander à nou- veau de l’aide et obtenir un message un peu plus précis. En répétant le processus, jusqu’à cinq fois, on obtient un message qui énonce précisément l’étape à réaliser. Le système considère que le problème est résolu lorsqu’il existe un chemin, qui ne contient aucune erreur, qui relie les hypothèses à la conclusion. L’élève a alors une représentation graphique de sa preuve et peut passer au problème suivant.

En ce qui concerne le fonctionnement interne du système, il est principalement basé sur le traçage de modèle, soit la théorie cognitive ACT-R (Anderson et al., 1990; Anderson, 1996; Anderson et Schunn, 2000). Celle-ci définit les savoirs comme un ensemble de connaissances déclaratives ainsi que des règles de production. Une connaissance déclarative est un ensemble de faits qu’une personne connait par rapport à ce qu’elle observe. Par exemple, en voyant la chaîne «3 + 7», notre cerveau peut instantanément la remplacer par la valeur 10, sans effort de notre part, car nous connaissons notre table d’addition. Ces connaissances déclaratives sont utilisées comme prémisses dans les règles de production. Ces dernières encodent les stratégies de résolution de problème sous forme d’énoncés conditionnels. Par exemple, en

géométrie on peut avoir une règle qui dit «SI le but est de prouver que deux triangles sont congrus et qu’un angle est congru, ALORS ajouter un but secondaire qui consiste à prouver la congruence des deux côtés adjacents à l’angle». Elles encodent autant le résultat d’application de théorèmes que les stratégies de résolution du problème. Ces règles sont apprises par les élèves et se raffinent en observant différents exemples d’application pour tendre vers la règle idéale régissant le domaine. Ce sont ces règles idéales, concernant la résolution de problèmes en géométrie, qui ont été implantées dans Geometry Tutor. En appliquant ces règles sur un énoncé, il est possible de résoudre le problème à la manière d’un expert. On peut aussi introduire des règles erronées pour modéliser les erreurs fréquentes observées et permettre au système de proposer une aide appropriée. Le système modélise le cheminement de l’apprenant comme étant l’application des règles de production ainsi que l’état supposé de sa mémoire de travail. À tout moment, il est donc en mesure de déterminer la règle de production optimale qui permettra à l’élève de poursuivre son travail. Cependant, le système accepte aussi que l’élève travaille en utilisant des règles qui ne sont pas optimales et sera en mesure de suivre sa progression. Le Geometry Tutor (Anderson et al., 1985; Guin et al., 1991; Ritter et al., 2010) a été validé par la procédure standard de prétest et post-test. Cependant, en ce qui concerne la théorie ACT-R, elle a été mise à l’épreuve en utilisant différents capteurs biométriques, y compris les IRM (Anderson et al., 2004). Le Geometry Tutor est un système intéressant, car il est utilisé avec succès depuis plusieurs années et qu’il offre une représentation graphique de la preuve sous forme d’arbre. Cependant, même si la théorie ACT-R est un modèle solide, elle ne permet pas de prendre en compte les initiatives de l’élève qui sortent du cheminement rigoureux et néglige donc l’aspect exploratoire de la résolution de problème, ce que nous avons choisi de considérer avec ce projet. Le système ne propose pas, non plus, d’autres pistes de solution dans le cas d’un blocage, car il se concentre sur l’application de la règle optimale ce qui n’est pas l’idéal dans un environnement favorisant l’exploration.