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CHAPITRE 4 REPRÉSENTATION DES DÉMONSTRATIONS (HPDIC) ET MODÉ-

4.5 Discussion

Maintenant que nous avons défini formellement les graphes HPDIC et le MIA et que nous avons présenté quelques résultats les concernant, il est maintenant temps de prendre un peu de recul et de voir comment notre modèle se compare aux autres formes de représentation. Plus particulièrement, dans cette section, nous présentons les avantages, mais aussi les contraintes des graphes HPDIC. Ils sont bien adaptés au travail que l’on demande aux élèves, mais ils nécessitent un effort important pour leur création. Nous discuterons aussi du MIA, qui permet de proposer une aide qui respecte l’état cognitif de l’élève. Cependant, pour des problèmes complexes, nous verrons comment celui-ci est limité.

Notre but en produisant QEDX était de permettre à l’élève d’explorer le problème sans le contraindre à la solution idéale selon les experts, comme le fait, par exemple, Geometry Tu- tor (Anderson et al., 1985; Ritter et al., 2010) ou ANGLE (Koedinger et Anderson, 1993; Koedinger, 1991). Il ne suffisait donc pas de proposer la solution idéale par rapport à la- quelle on compare le cheminement de l’élève. De plus, on voulait éviter de forcer un chaînage avant ou arrière, car nous croyons que lors de l’élaboration d’une preuve, le cheminement est rarement linéaire, comme le suppose une lecture de la preuve finale. Le graphe HPDIC que nous proposons contient l’ensemble des solutions acceptables pour un problème en oc- cupant un minimum d’espace mémoire. En effet, un graphe contenant quelques centaines de noeuds peut permettre de produire les milliers de solutions acceptables. De plus, il est construit à partir des inférences, ce qui est justement l’élément de base pour la construction

des démonstrations en géométrie. Il permet aussi de sauvegarder les informations nécessaires au MIA et permet à QEDX de suivre le cheminement de l’élève. Enfin, il faut rappeler que notre graphe ressemble aux réseaux déductifs de Tanguay (2005, 2007). Étant donné que les graphes HPDIC ont été développés alors que nous ignorions l’existence des réseaux déduc- tifs, il est sécurisant de constater que nous avons conçu une structure similaire à celle qui est enseignée dans certaines écoles.

Le graphe HPDIC, en plus de contenir l’ensemble des solutions d’un problème dans un espace mémoire restreint, contient toute l’information nécessaire pour produire les preuves sous les différentes formes, telles que présentées dans la figure 4.2. Pour la rédaction, nous remarquons que chaque phrase est une inférence complète qui contient les antécédents, la justification et le conséquent. Pour produire la rédaction à partir du graphe HPDIC, il suffit de produire la phrase correspondant à chaque noeud de justification (inférence) faisant partie de la solution. Pour produire la preuve en 2 colonnes, il suffit, pour chaque noeud de résultat intermédiaire faisant partie de la solution, d’inscrire le résultat à gauche et la justification parente à droite. Dans le cas du graphe inférentiel, il faut tout simplement créer un noeud pour chaque noeud de justification du graphe HPDIC et les relier lorsque le conséquent de l’un devient l’antécédent d’un autre. Un travail similaire est possible pour produire le graphe de résultats, mais pour ce dernier, on ne présente que les résultats intermédiaires. Quant à la preuve en casse-tête, elle est en fait une réorganisation spatiale de la rédaction et peut aussi être produite par les données du graphe HPDIC. Enfin, les réseaux déductifs sont équivalant aux graphes HPDIC, mais sont présentés d’une façon différente graphiquement. Les graphes HPDIC sont donc très polyvalents et cette caractéristique pourra permettre de proposer la preuve sous différentes formes simultanément dans QEDX.

Malgré ces avantages, le graphe HPDIC comporte certaines limites. Étant donné que nous ne travaillons pas avec des preuves formelles pour respecter les différents styles d’enseigne- ment, il est impossible de produire la liste des inférences acceptables automatiquement. Pour chaque problème, il faut produire manuellement l’ensemble de celles-ci. Ce procédé est long et fastidieux, donc il est très facile de faire des erreurs. Malgré l’algorithme qui permet de trouver les noeuds inutilisés, plusieurs erreurs se sont faufilées et ont été trouvées lors de l’expérimentation en classe. De plus, QEDX ne permet pas de produire une preuve qui n’est pas contenue dans le graphe. Il faut donc que l’enseignant ou le didacticien qui produit le graphe soit minutieux et, de plus, qu’il s’assure qu’il a fait la liste exhaustive des preuves acceptables. Pour que QEDX puisse être utilisé à grande échelle, un travail important devra être fait pour rendre plus conviviale la production des graphes HPDIC. L’ajout d’un moteur de déduction formel peut aussi être envisagé pour permettre d’accepter des preuves qui ne feraient pas partie du graphe.

Dans une approche classique, on demande de proposer des inférences complètes, ce qui permet d’identifier la solution précise parmi toutes celles qui sont valides. Par contre, dans le cadre de QEDX, les didacticiens ont délibérément choisi de ne pas imposer de structure ou d’ordre lors de l’écriture des énoncés, dans le but de permettre une exploration plus libre du problème. Cette apparente absence de structure a, au départ, déstabilisé les élèves habitués à une production plus classique des démonstrations. Ils ont cependant découvert que QEDX leur permettait facilement de tester différentes hypothèses dans le but de construire leur preuve. Par contre, au moment de compléter une preuve, il est difficile de savoir quels éléments sont manquants. Dans un onglet de QEDX, nous proposons donc une preuve à compléter ce qui permet de voir les éléments manquants. La preuve qui est affichée est celle qui a le pourcentage d’achèvement le plus élevé à partir d’un certain seuil. En dessous du seuil, nous n’avons pas suffisamment d’informations pour choisir une démonstration qui représente bien la stratégie de l’élève.

Le problème qui se pose est que l’absence de structure ne permet pas de déterminer la démonstration exacte que l’élève désire produire. Lors de la présentation des résultats pour les 5 graphes HPDIC (section 4.4.1), nous avons défini le concept de solutions uniques, soit le nombre de groupes de solutions utilisant des énoncés identiques. À chaque solution unique correspond un certain nombre de solutions valides. L’absence de structure nous fait donc perdre de l’information, mais permet de simplifier le travail de l’élève en lui imposant moins de contraintes. De plus, la démonstration proposée est habituellement assez proche de celle imaginée par l’élève, car elle utilise les mêmes énoncés. Cette perte de précision dans la preuve proposée est donc largement compensée par la possibilité d’explorer librement le problème. De plus, pour nous aider à retrouver une partie de la structure, nous voulons ajouter la possibilité de produire un schéma de démonstration à l’interface de QEDX. Chaque élément ajouté au schéma permettra de cibler une solution précise sans pour autant contraindre l’élève.

Que l’on parle de solutions valides ou uniques, il faut se rendre à l’évidence que leur nombre augmente rapidement pour des problèmes complexes. Dans la définition du MIA, nous avons cependant besoin de stocker le pourcentage d’achèvement de chacune des solutions valides pour retrouver celle qui a le pourcentage le plus élevé. Il faut recalculer le pourcentage après chaque phrase inscrite par l’élève. Le temps nécessaire pour calculer ceux-ci est raisonnable si l’ensemble des solutions est déjà en mémoire. Cependant, dans le problème TS, il est impossible de garder toutes les solutions en mémoire, donc il est nécessaire de les retrouver à l’aide de l’algorithme d’énumération des solutions et de les valider ensuite. Cette opération prend plusieurs minutes, ce qui n’est pas une stratégie viable si nous voulons que QEDX puisse proposer de l’aide interactive.

Nous avons tenté d’utiliser le concept de stratégies pour regrouper les solutions selon les énoncés de justifications utilisées à l’intérieur de celles-ci. Ce concept, en plus de réduire l’espace des solutions à analyser, s’inscrit dans une démarche de résolution de problème. En effet, nous avons remarqué que les enseignants, lors des expérimentations, avaient tendance à insister d’abord sur les justifications avant de proposer de travailler sur les résultats intermé- diaires. Même si cette approche semblait prometteuse, nous nous sommes aperçus que nous n’étions pas en mesure de détecter correctement la solution la plus avancée, car nous n’avions aucune information par rapport aux noeuds intermédiaires dans les stratégies. En ajoutant les noeuds intermédiaires, nous retrouvons les solutions uniques qui sont en trop grand nombre pour être stockées en mémoire. L’explosion combinatoire du nombre de solutions est donc un problème important, qui a été résolu dans Mentoniezh (Py, 1994, 1996, 2001) en limitant la longueur des solutions acceptables. Dans notre cas, nous avons développé une heuristique qui consiste à propager des statistiques concernant les solutions partielles contenues à l’intérieur d’un arbre HPDIC, ce qui permet d’estimer efficacement la solution la plus avancée. Un algo- rithme a aussi été conçu afin de transformer un graphe HPDIC en un ensemble d’arbres pour être en mesure d’appliquer l’heuristique proposée (voir chapitre 5 pour une analyse détaillée). En ce qui concerne le MIA, nous pouvons affirmer qu’il permet véritablement de proposer une aide qui respecte l’état cognitif de l’élève. En effet, nous avons la capacité, à l’aide de la solution la plus avancée, de proposer des indices qui permettront de compléter celle-ci, donc de respecter le cheminement de l’élève. De plus, en utilisant l’historique des actions, il est possible de proposer d’autres pistes de solution si l’élève n’est plus en mesure de cheminer dans la solution courante. Le choix des indices suit l’ordre chronologique inverse des actions de l’élève dans le but de lui rappeler ses tentatives récentes et prometteuses. Les systèmes tutoriels, comme Geometry Tutor (Anderson et al., 1985; Ritter et al., 2010), ANGLE (Koedinger et Anderson, 1993; Koedinger, 1991) et même Mentoniezh (Py, 1994, 1996, 2001), proposent habituellement une série d’indices qui ciblent une étape précise et donnent des indices allant des plus vagues aux plus précises. Les concepteurs de ces logiciels supposent donc que l’élève prendra le chemin optimal et le poussent vers celui-ci sans lui proposer d’autres chemins. Dans notre approche, nous acceptons que l’élève puisse changer de stratégie en cours de résolution et c’est pour cette raison que QEDX propose différentes pistes de solution avant d’arriver à un indice précis. Le choix de l’ordre des indices est discuté dans les chapitres 5 et 6. Pour l’instant, il faut se rappeler que les informations contenues dans le MIA sont suffisantes pour la production des messages de QEDX, mais qu’il ne permet pas d’adapter la personnalité du tuteur à différents types d’enseignement.

En résumé, le principal avantage des graphes HPDIC est la possibilité de stocker l’ensemble des solutions relatives à un problème dans un espace mémoire restreint. En utilisant les

inférences comme élément de base, la structure obtenue permet d’unifier l’ensemble des re- présentations des solutions. En effet, à partir du graphe HPDIC, il est possible de produire une démonstration sous différentes formes et QEDX pourrait permettre de les proposer à son interface. Le plus grand obstacle à l’utilisation de QEDX est par contre la production des graphes qui ne possèdent pas de contraintes formelles. En ce qui concerne le MIA, celui-ci contient des informations qui permettent un système d’aide innovateur qui autorise une véri- table exploration du problème. Cependant, la nécessité d’énumérer l’ensemble des solutions peut être problématique pour des problèmes complexes, comme nous avons pu le voir avec le problème TS. Une solution pour résoudre cette explosion combinatoire a été proposée dans le chapitre 5 et a été implantée dans QEDX.

4.6 Conclusion

Le système QEDX comporte quatre couches (HPDIC, MIA, EDOI et GMD) pour permettre de proposer une aide adaptée au cheminement de l’élève lors de la résolution d’un problème en géométrie euclidienne. Ce chapitre avait pour but de proposer une définition formelle des structures de base de QEDX, soit les couches HPDIC et MIA. En ce qui concerne les graphes HPDIC, nous avons premièrement illustré différents styles de preuves pour démontrer que ceux-ci sont inadéquats pour représenter efficacement l’ensemble des solutions à un problème donné. Le graphe HPDIC a donc été développé en utilisant l’inférence comme unité de base. En effet, dans la définition formelle, les deux éléments qui définissent réellement le graphe sont I, soit l’ensemble des inférences et S, soit les liens entre ces dernières. Un algorithme pour énumérer l’ensemble des solutions et pour détecter les solutions valides a été proposé. Les statistiques concernant les graphes HPDIC pour les cinq problèmes implantés dans QEDX ont été présentées. Il semble y avoir un lien entre le nombre de stratégies et le nombre d’énoncés distincts de justification, mais celui-ci devra être confirmé. Cependant, nous n’avons pas été en mesure d’estimer le nombre de solutions avec les données recueillies, ce qui signifie que la complexité des problèmes est plus riche que nous pouvions imaginer. Le principal avantage des graphes HPDIC est le fait de pouvoir représenter l’ensemble des preuves et de contenir toute l’information nécessaire pour produire les différents styles de preuves. Le fait qu’ils ne contiennent aucune contrainte formelle permet de produire des preuves qui correspondent aux exigences des enseignants, mais les rendent difficiles à produire.

Pour représenter la chronologie des états cognitifs de l’élève, nous avons proposé le MIA. Il a été développé, car nous voulions un système qui permet de proposer différentes pistes de solution au lieu de forcer l’élève à produire la meilleure solution selon les experts. Les systèmes tutoriels actuellement offerts contraignent habituellement l’élève à travailler en chaînage avant

et ils ciblent seulement la prochaine étape identifiée. Pour parvenir à notre fin, plusieurs avenues ont été analysées, par exemple l’approche par exploration des données qui se base sur un corpus de travaux d’élèves pour produire des messages d’aide. Nous n’avions toutefois pas les données nécessaires pour l’utilisation d’une telle approche, mais l’utilisation de QEDX pourrait permettre de les recueillir. Le MIA, qui intègre la chronologie des actions de l’élève, a donc été développé. Formellement, il contient le temps d’activation de chacun des noeuds et le pourcentage d’avancement de chacune des solutions issues du graphe HPDIC. Nous avons ensuite montré comment le MIA pourrait être utilisé pour aider un élève fictif. Les données contenues dans le MIA nous semblent donc suffisantes pour atteindre notre objectif. Cependant, une limite existe en ce qui concerne le nombre de solutions qui peut être géré simultanément dans QEDX, ce qui peut limiter son utilisation pour des problèmes complexes. Malgré cette limite, qui a été adressée dans le chapitre 5, le MIA constitue un outil essentiel au fonctionnement de QEDX pour aider l’élève à explorer le problème.

Malgré la puissance et la polyvalence du graphe HPDIC et du MIA, plusieurs améliora- tions peuvent être envisagées. Pour que QEDX puisse être utilisé à plus grande échelle, il faudrait premièrement proposer une interface pour produire les graphes HPDIC. En effet, actuellement ils sont décrits et encodés dans des fichiers textes, donc une interface graphique serait bénéfique. On peut aussi envisager de proposer différentes représentations des preuves à l’interface de QEDX, car le graphe HPDIC nous le permet. En fait, l’ajout d’un onglet per- mettant de construire la preuve sous forme graphique est déjà planifié. En ce qui concerne le MIA, des données concernant les connaissances des élèves pourraient être ajoutées. Celles-ci pourraient permettre de choisir, parmi plusieurs stratégies, celle qu’il est le plus susceptible de privilégier. QEDX pourrait alors décider de le faire travailler au sein des connaissances qu’il maîtrise ou de lui proposer une autre avenue. Enfin, même si nous avons en partie réglé le problème dans la version actuelle de QEDX, du travail reste à faire pour limiter l’explosion combinatoire du nombre de solutions qui peut rendre le MIA inutilisable.

CHAPITRE 5 ÉVALUATION DES DÉMONSTRATIONS ET