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2. Pathophysiologie et caractéristiques électrophysiologiques des dyskinésies

2.1. Ganglions de la base et dyskinésies

2.1.1.1. Altérations pré-synaptiques du striatum

Au cours de la maladie de Parkinson, des systèmes compensatoires se mettent en place et empêchent l’apparition des symptômes moteurs jusqu’à environ 70 % de perte dopaminergique (Lee et al., 2008; Wu & Hallett, 2013). Ces compensations au niveau pré-synaptique striatal comprennent le développement de nouvelles terminaisons dopaminergiques, la diminution de la recapture de la dopamine et l’implication des terminaisons sérotoninergiques dans la libération de dopamine. Cependant, lors de l’administration chronique de dopa-thérapie, ces facteurs compensatoires induisent une dérégulation de la libération de dopamine dans le striatum et contribuent ainsi à l’émergence de troubles moteurs tels que les dyskinésies. En effet, des études chez le patient et le rongeur parkinsonien ont démontré l’existence d’une concentration en dopamine anormalement élevée dans le striatum suite à la prise de lévodopa. Cette augmentation importante en dopamine striatale est corrélée à la sévérité des dyskinésies (Lee et al., 2008). En outre, ces taux de dopamine anormalement élevés post médication sont également corrélés à l’étendue de la lésion dopaminergique de la voie nigro-striée. En effet, les neurones dopaminergiques survivants sont à l’origine de la conversion de la lévodopa, stockent la dopamine dans des vésicules et possèdent des récepteurs D2 dopaminergiques leur permettant de réguler par rétroaction la libération de dopamine dans la fente synaptique. Leur disparition progressive réduit

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ainsi la capacité de stockage de la dopamine et le rétrocontrole de sa libération (De La Fuente-Fernández et al., 2004).

D’autre part, les terminaisons sérotoninergiques sont également impliquées. En effet, la DOPA-décarboxylase est présente dans les neurones sérotoninergiques qui sont ainsi en mesure de transformer la lévodopa en dopamine. Au cours des phases précoces de la maladie, ce système permet de compenser la dégénérescence dopaminergique et fournit environ 30 % de la dopamine striatale (Nevalainen et al., 2014). Cependant, lorsque la plupart des neurones dopaminergiques ont disparu, les neurones sérotoninergiques bien moins affectés deviennent les acteurs majeurs de la conversion de la lévodopa en dopamine. Qui plus est, la dopa-thérapie induit la croissance des terminaisons sérotoninergiques, provenant en particulier du noyau du Raphé, qui présentent ainsi plus de contacts synaptiques. Or, les terminaisons sérotoninergiques ne possèdent pas de récepteurs D2 à la dopamine permettant un rétrocontrôle de sa libération. S’en suit ainsi une libération accrue non physiologique de dopamine dans le striatum. La plasticité de l’innervation sérotoninergique induite par la dopa-thérapie contribue donc à l’altération de la dynamique dopaminergique dans le striatum (Bastide et al., 2015; Rylander et al., 2010).

D’autre part, les neurones dopaminergiques de la substance noire compacte s’avèrent hypersensibles au glutamate. Cela entraîne ainsi une augmentation du métabolisme des neurones contribuant à leur dégénérescence et facilitant donc l’émergence des dyskinésies (Blandini, 2010). Ainsi, la pulsatilité de délivrance de la lévodopa dans le striatum est due à la médication discontinue, mais également aux changements pré-synaptiques striataux compensatoires débutés au cours de la maladie de Parkinson et accentués par la lésion dopaminergique et la dopa-thérapie.

2.1.1.2. Altérations post-synaptiques du striatum

Il existe deux formes de plasticité dans les synapses corticostriatales des neurones épineux moyens (MSNs) : la potentialisation à long terme (LTP) et la dépression à long terme (LTD). LTP et LTD sont induites par l'activation répétitive des afférences excitatrices corticales, cependant la dopamine joue un rôle essentiel à la fois dans l'induction et le maintien de la neuroplasticité des MSNs.

La dénervation dopaminergique et l’administration pulsatile répétée de lévodopa induisent des modifications dans les MSNs post-synaptiques exprimant les récepteurs à la dopamine D1 et D2, et les dyskinésies sont associées à un dérèglement de l’équilibre LTP / LTP dans le striatum.

En effet, le développement de dyskinésies en réponse à l’administration chronique de lévodopa s’accompagne d’une augmentation du nombre de récepteurs D1 à la membrane plasmique des neurones striataux, possiblement due à un défaut de leur trafic et de leur internalisation (Bastide et

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al., 2015). En plus de cette augmentation, les dyskinésies sont associées à une sensibilité accrue des récepteurs D1. Cette hypersensibilité est associée à la surexpression de certains gènes précoces (Charbonnier-Beaupel et al., 2015; Santini et al., 2009). Les gènes précoces sont une classe de gènes rapidement transcrits en réponse à un stimulus externe. En particulier, on observe une sur-activation du gène précoce FosB, entrainant une surexpression des protéines FosB et ΔFosB dans le striatum dorsolatéral de sujets dyskinétiques (Andersson et al., 1999; Doucet et al., 1996). Cette surexpression, se poursuit après l’arrêt de la dopa-thérapie dans le striatum dorsal et traduit l’induction par la lévodopa de modifications à long terme au sein des neurones striataux exprimant les récepteurs D1. FosB/ΔFosB contribue à l’induction et au maintien de l’état dyskinétique et est ainsi un marqueur de sévérité des dyskinésies (Cenci & Konradi, 2010; Pavón et al., 2006).

Enfin, chez le primate non-humain et le rongeur, dyskinésies et taux striatal de FosB/ΔFosB semblent corrélés (Francardo et al., 2011), et l’inactivation spécifique des neurones striataux exprimant FosB/ΔFosB induit une réduction des dyskinésies (Engeln et al., 2014). Il semble donc exister une causalité entre l’activité des neurones striataux exprimant FosB/ΔFosB et les dyskinésies induites par la lévodopa.

D’autres récepteurs tels que les récepteurs dopaminergiques D2 et D3 et glutamatergiques NMDA, AMPA et mGluR5 semblent également altérés à l’état dyskinétique (Bastide et al., 2015; Suárez et al., 2014).

Notons également que les dyskinésies sont associées à une réduction de la puissance spectrale dans les bandes de fréquences bêta et gamma et une augmentation dans la bande de fréquence thêta au niveau du striatum dorsal. Ces altérations sont normalisées par la stimulation profonde du noyau parafasciculaire ou du pallidum interne chez le rat (Alam et al., 2014).

Les dyskinésies sont donc associées à des altérations de l’activité striatale pré- et post-synaptique débutées au cours de la maladie de Parkinson voire induites ou accentuées par la lévodopa. Ces altérations sont d’ordres moléculaires et fonctionnels et sous-tendent l’apparition des dyskinésies dopa-induites.

2.1.2. Pallidum, noyau sous-thalamique et dyskinésies

A l'état parkinsonien, l’afférence excitatrice excessive du noyau sous-thalamique (voie indirecte), combinée à la désinhibition de la projection striatale directe, entraîne une hyperactivité du globus pallidus interne (GPi), pouvant être normalisée par l’administration de dopa-thérapie. Les dyskinésies induites par la lévodopa quant à elles sont associées à une réduction excessive de la fréquence de décharge ainsi qu’une altération du schéma de décharge des neurones du globus

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pallidus interne et du noyau sous-thalamique (Boraud et al., 2001; Papa et al., 1999). Ces observations sont en adéquations avec la surexpression de récepteurs GABAA observée dans le pallidum interne de singes dyskinétiques (Calon et al., 1995). Les dyskinésies sont également associées à une réduction de la puissance spectrale dans la bande de fréquence bêta du globus pallidus interne (Silberstein, Oliviero, et al., 2005) et une augmentation de la puissance dans la bande de fréquence thêta-alpha du noyau sous-thalamique et du globus pallidus interne ( Alonso-Frech et al., 2006; Ellens et al., 2014).