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2. Pathophysiologie et caractéristiques électrophysiologiques des dyskinésies

2.4. Cervelet et dyskinésies

Comme décrit précédemment, il existe une connexion di-synaptique et topographiquement organisée entre le cervelet et les ganglions de la base passant par le pons (voie descendante) et le thalamus (voie ascendante) (Bostan et al., 2010; Hoshi et al., 2005; Ichinohe et al., 2000). Les circuits du cervelet et des ganglions de la base se chevauchent également au niveau du cortex (Middleton & Strick, 2000) et le cervelet est capable de moduler l’activité du cortex moteur via l’inhibition cervelet – cerveau (CBI) (Picazio & Koch, 2015). D’autre part, les cellules de Purkinje et la couche moléculaire des régions crus I et crus II latérales du rongeur semblent recevoir des projections dopaminergiques en provenance de l’aire tegmentale ventrale (Ikai et al., 1992) et la présence de récepteurs D1, D2, D3 ainsi que de transporteurs de la dopamine (DAT) dans le cervelet a été démontrée (Giompres & Delis, 2005; Hurley et al., 2003). De plus, la lésion du cortex cérébelleux induit une surexpression des récepteurs dopaminergiques D1 et des transporteurs de la dopamine dans le striatum (Delis et al., 2013), tandis que la stimulation des noyaux dentés cérébelleux entraîne une augmentation de la libération dopaminergique dans le cortex préfrontal (Mittleman et al., 2008).

Le cervelet est donc susceptible d’être impliqué dans les dyskinésies induites par lévodopa dans la maladie de Parkinson et en effet, chez le modèle animal rendu parkinsonien par injection de MPTP, le nombre de cellules de Purkinje semble réduit, en particulier au niveau des régions crus I et crus II (Takada et al., 1993), cette observation semble cependant moins tranchée dans une autre étude chez le même modèle animal, possiblement à cause d’un manque de sujets (Heman et al., 2012). Chez le patient toutefois, une perte de matière grise cérébelleuse est observée (Benninger et al., 2009;

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O’Callaghan et al., 2016) et cette atrophie cérébelleuse parkinsonienne est associée à des modifications de la connectivité cérébello-corticale (O’Callaghan et al., 2016). En outre, chez le patient parkinsonien, des études d’imagerie fonctionnelle (fMRI) démontrent aussi une hyperactivité métabolique du cervelet, dont la région Crus, possiblement compensatoire (Rascol et al., 1997) ou due à l’hyperactivité du noyau sous-thalamique excitateur afférent (O’Callaghan et al., 2016), pouvant éventuellement expliquer l’atrophie cérébelleuse observée.

Une étude chez le primate non-humain révèle en outre une augmentation de la protéine c-fos dans les cellules de Purkinje des sujets rendus parkinsoniens par injection de MPTP (Heman et al., 2012).

D’autre part, le cervelet semble également impliqué dans le développement des dyskinésies associées à la lévodopa.

En effet, chez un modèle de rongeur parkinsonien obtenu par blocage de la pompe sodium dans les ganglions de la base suite à l’administration locale d’ouabaïne, l’augmentation de la sortie cérébelleuse entraîne l’émergence de dystonies et dyskinésies, réduites par la lésion des noyaux cérébelleux profonds ou des noyaux intralaminaires du thalamus (Calderon et al., 2011).

De plus chez le patient, la stimulation cérébrale profonde du noyau sous-thalamique, qui est associée à une réduction des dyskinésies, induit également une modulation de l’activité métabolique du cervelet (Hilker et al., 2004; Payoux et al., 2004).

Une autre étude montre également que les patients dyskinétiques, contrairement aux patients non dyskinétiques, présentent une inadéquation du contrôle moteur prédictif visuellement guidé traduisant une altération de la plasticité cérébelleuse (Stevenson et al., 2014).

Une étude d’imagerie chez le patient dyskinétique a également révélé une augmentation du potentiel de liaison des récepteurs sigma dans le cervelet corrélée à l’intensité des dyskinésies et réduite lors de stimulations cérébrales profondes du pallidum interne contra-latéral (Nimura et al., 2004), traduisant ainsi l’implication du cervelet dans les dyskinésies induites par la lévodopa. Pour autant, aucune information sur la modulation de l’activité électrophysiologique des cellules de Purkinje en condition parkinsonienne et dyskinétique n’a été décrite à notre connaissance.

D’autre part, la modulation inhibitrice du cortex cérébelleux par stimulation magnétique transcrânienne en thêta burst (cTBS, décrite dans le chapitre suivant), durant deux semaines, à raison de 2 x 40s par jour permet de réduire les dyskinésies induites par la lévodopa de façon durable, jusqu’à 4 semaines après l’arrêt des stimulations. (Kishore et al., 2013; Koch et al., 2009) (voir figure 9). Cette réduction est associée à une diminution du métabolisme à la fois du cortex cérébelleux et du noyau denté (Brusa et al., 2012). La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) du cervelet module l’activité des neurones cérébelleux corticaux, cellules de Purkinje et

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interneurones locaux, résultant en la modification de l’excitabilité des noyaux cérébelleux projetant vers le cortex moteur M1 contra-latéral via le thalamus ventral latéral. En particulier, les stimulations cTBS des hémisphères cérébelleux induisent une réorganisation du cortex moteur similaire à celle obtenue par pallidotomie (Strafella et al., 1997) passant par la modulation de l’inhibition intra-corticale (Koch et al., 2009).

Notons également que la TMS inhibitrice (1 Hz) du cortex cérébral permet de réduire les dyskinésies de façon transitoire mais non à long terme (Brusa et al., 2012) alors que la TMS des hémisphères cérébelleux permet d’obtenir une réduction des dyskinésies durable jusqu’à 4 semaines après l’arrêt des stimulations (Brusa et al., 2012; Kishore et al., 2014; Koch et al., 2009). Cela suggère que la plasticité du cortex cérébral est impliquée dans l’émergence des dyskinésies, et que le mécanisme de plasticité mis en jeu lors de la stimulation cérébelleuse induisant une réduction durable des dyskinésies pourrait avoir lieu au niveau de la boucle cérébello-thalamo-corticale. D’autre part, la modulation excitatrice du cortex cérébelleux par la stimulation transcrânienne en courant direct (tDCS, décrite dans le chapitre suivant) est également associée à une réduction des dyskinésies induites par la lévodopa. Cet effet pourrait être dû à une augmentation de l’inhibition du cervelet sur le cortex (CBI) permettant de réduire l’hyperactivité corticale associée aux dyskinésies (Ferrucci et al., 2016). Toutefois, l’effet à long terme de cette technique sur la réduction des dyskinésies n’est pas décrit.

Ainsi, l’activité anormale des ganglions de la base lors des dyskinésies induites par la lévodopa pourrait entraîner une altération de la plasticité et du filtre sensoriel du cervelet. Ces altérations pourraient contribuer aux modifications de l’activité et de la plasticité corticale associées à l’émergence des dyskinésies. De plus, l’effet bénéfique des stimulations du cortex cérébelleux sur la réduction des dyskinésies induites par la lévodopa pourraient impliquer des modulations au niveau de la boucle cérébello-thalamo-corticale (Brusa et al., 2012; Ferrucci et al., 2016; Kishore et al., 2014).

Il existe donc un substrat bibliographique en faveur de l’implication du cervelet dans les dyskinésies induites par la lévodopa dans la maladie de Parkinson. De plus, sa modulation semble pouvoir affecter le développement des dyskinésies à court et long terme, suggérant une altération au niveau des boucles cérébello-thalamo-corticale et cérébello-thalamo-striatale.

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Figure 9 Effet anti-dyskinétique des stimulations cTBS des hémisphères cérébelleux chez le patient parkinsonien.

Deux semaines de stimulations cTBS, à raison de deux sessions quotidiennes de 40s espacées de 2 minutes, entrainent une réduction significative des dyskinésies dopa-induites jusqu’à 4 semaines après l’arrêt des stimulations.

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